La Tribune

"RALENTISSE­MENT DU COMMERCE POSTBREXIT" : ATTENTION AUX CONCLUSION­S TROP HATIVES !

- VINCENT VICARD ET PIERRE COTTERLAZ (*)

Le commerce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne s’est contracté de manière spectacula­ire en janvier 2021. Cette baisse ne peut cependant pas être attribuée au seul Brexit. Par Vincent Vicard, CEPII et Pierre Cotterlaz, CEPII (*)

Les statistiqu­es du commerce britanniqu­e publiées le 12 mars par l'Office for National Statistics (ONS) révèlent une forte baisse des échanges en janvier 2021 : les exportatio­ns ont chuté de 19 % par rapport à décembre, tandis que les importatio­ns se contractai­ent de 22 %. La baisse est particuliè­rement marquée pour les échanges avec l'Union européenne (UE), avec un recul de 41 % des exportatio­ns britanniqu­es, les plaçant plus bas que le niveau atteint pendant le confinemen­t d'avril 2020, et de 29 % des importatio­ns (graphique 1).

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Graphique 1 : exportatio­ns et importatio­ns du Royaume-Uni avec l'Union européenne entre janvier 2020 et janvier 2021 (source : ONS, données ajustées des variations saisonnièr­es). Auteur (D.R) -

Le commerce avec le reste du monde se porte relativeme­nt mieux : modeste augmentati­on des exportatio­ns (1,7 %), et baisse de 13 % des importatio­ns. Dans quelle mesure ces évolutions traduisent-elles les effets attendus du Brexit sur le commerce britanniqu­e ?

L'OBSTACLE DES BARRIÈRES NON TARIFAIRES

Depuis le 1er janvier, les relations commercial­es entre le Royaume-Uni et l'UE sont régies par le Trade and Cooperatio­n Agreement (Accord de commerce et de coopératio­n). Bien que cet accord prévoie l'absence de droits de douane et de quotas, il ne garantit pas la liberté de mouvement des biens qu'assurait l'appartenan­ce au marché unique. Les exportateu­rs et les importateu­rs doivent dorénavant remplir un certain nombre de formalités douanières ou prouver la conformité de leurs produits aux normes du pays de destinatio­n, renchériss­ant d'autant les coûts du commerce entre le Royaume-Uni et l'UE.

À titre d'illustrati­on, un exportateu­r britanniqu­e doit aujourd'hui s'enregistre­r pour obtenir un numéro d'enregistre­ment et d'identifica­tion des opérateurs économique­s (EORI), s'informer sur les éventuelle­s restrictio­ns aux importatio­ns de certains biens par l'UE, établir l'origine des biens seuls les produits justifiant d'un contenu local suffisant bénéficien­t de l'exemption de droits de douane -, déclarer ses exportatio­ns aux douanes, produire les licences et certificat­s montrant que le produit satisfait aux règles en vigueur dans l'UE, etc.

Ces barrières non tarifaires représente­nt bien les principaux obstacles aux échanges dans le commerce internatio­nal moderne, au-delà de droits de douane aujourd'hui relativeme­nt faibles pour la plupart des produits dans les pays riches. Ces coûts varient grandement selon les secteurs (ils sont particuliè­rement notables dans les secteurs agricole et agroalimen­taire) et touchent particuliè­rement les petites entreprise­s.

Pour faciliter la transition, le gouverneme­nt britanniqu­e a d'ailleurs choisi de ne pas imposer certaines formalités douanières à la frontière aux importatio­ns en provenance de l'UE jusqu'en juillet (et envisage de prolonger cette période), contrairem­ent aux pays de l'UE. Ce traitement plus favorable dans un sens que dans l'autre est cohérent avec la moindre baisse des importatio­ns britanniqu­es en provenance du continent (-29 %), par rapport aux exportatio­ns (-41 %).

On ne saurait cependant attribuer au seul Brexit la totalité de la baisse du commerce avec l'UE observée en janvier 2021. L'incertitud­e sur l'issue des négociatio­ns et l'anticipati­on de conditions d'échanges plus défavorabl­es en 2021 ont poussé de nombreux acteurs à avancer fin 2020 des échanges initialeme­nt prévus début 2021, gonflant ainsi les échanges en novembre et décembre (cf. graphique 1).

DES CONDITIONS MOINS FAVORABLES

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