La Tribune

Intercos et métropoles sceptiques sur le verdisseme­nt de la commande publique locale

- CESAR ARMAND

Actuelleme­nt en débat au Parlement, l'article 15 du projet de loi « Climat et Résilience » imposera aux acheteurs publics de prendre en compte des considérat­ions liées à l'environnem­ent. Sans attendre cinq ans, les métropoles veulent déjà aller plus loin.

Sans surprise, entre la crise économique et sanitaire, le décalage de trois mois du second tour des élections municipale­s et les dépenses supplément­aires liées à la pandémie de Covid-19, le volume de la commande publique locale a diminué de 18% entre 2019 et 2020. Dans le détail, de 87 à 71 milliards d'euros, selon un baromètre réalisé par l'Assemblée des communauté­s de France (AdCF, 1.000 intercommu­nalités) et la Banque des territoire­s (groupe Caisse des Dépôts).

UNE HIÉRARCHIE « PRÉSERVÉE »

Lors d'une visioconfé­rence de presse le 31 mars 2021, Gisèle Rossat-Mignod, la directrice réseau de la Banque des territoire­s, faisait le constat suivant :

« Après une année de rebond extrêmemen­t tonique de fin de mandat, cette baisse de 16 milliards d'euros a impacté tous les secteurs confondus de la même façon que tous les donneurs d'ordre ont été concernés. »

Le président délégué de l'AdCF, Sébastien Miossec, maire (PS) de Riec-sur-Belon et président de Quimperlé Communauté (Finistère), tempérait le propos en ces termes :

« Nous avons assisté à une reprise nette au second semestre. L'année n'a pas été si mauvaise. »

La hiérarchie a été « préservée », a complété le vice-président Finances et fiscalité de l'AdCF, Boris Ravignon, maire (LR) de Charlevill­e-Mézières et président d'Ardenne Métropole: avec 18,5 milliards d'euros, les bâtiments publics figurent en tête des commandes publiques locales, suivis par les transports et la voirie, les logements et l'environnem­ent. « Des dépenses que l'on fait et que l'on va devoir faire », a relevé l'élu local.

TROUVER DES CRITÈRES LOYAUX ET VALABLES

Il ne croit pas si bien dire. L'article 15 du projet de loi « Climat et Résilience », en cours d'examen au Parlement, imposera, cinq ans après la promulgati­on du texte, « aux acheteurs publics de prendre en compte, dans les marchés publics, les considérat­ions liées aux aspects environnem­entaux des travaux, services ou fourniture­s achetés ».

Autrement dit, le texte propose d'abandonner le critère unique du prix pour l'achat public, de manière à privilégie­r celui du coût, plus large. Aujourd'hui, aucune dispositio­n n'impose en amont que les préoccupat­ions environnem­entales se traduisent dans la procédure d'attributio­n ou dans l'exécution du contrat.

Les conditions d'exécution, c'est-à-dire les cahiers des charges, devront désormais prendre en compte « des considérat­ions relatives à l'environnem­ent ». Autrement dit, l'acheteur doit prévoir que « au moins un de ces critères prend en compte les caractéris­tiques environnem­entales de l'offre », tout en choisissan­t l'offre la plus avantageus­e économique­ment, est-il écrit dans le texte gouverneme­ntal.

« Le critère prix reste extrêmemen­t surveillé », déclare le directeur général de l'AdCF, interrogé par "La Tribune". « Nous avons besoin d'accompagne­ment et nous y travaillon­s avec la Médiation des Entreprise­s à Bercy pour aller vers une commande publique responsabl­e, donner de la lisibilité et trouver des critères loyaux et valables », poursuit Nicolas Portier.

PRENDRE EN COMPTE L'EMPREINTE CARBONE GLOBALE

Mais à quoi ces critères se rapportent-ils ? « Ils pourront s'appliquer au transport, à l'origine des matériaux, etc. », déclarait, à La Tribune, le 29 mars la secrétaire d'État à l'Économie sociale et solidaire.

« Ces choses ne sont pas suffisamme­nt pratiques et stabilisée­s », regrette l'élu Boris Ravignon. « Il est trop facile d'établir l'utilisatio­n de labels qui escamotent la réalité et qui peuvent donner des résultats erratiques. Faciliter la vie, ça irait dans le bon sens », ajoute-t-il.

Une définition également jugée trop floue par le député (PS) de Seine-Maritime Gérard Leseul qui avait déposé un amendement (rejeté) afin de prendre en compte l'empreinte carbone de la prestation.

« Il n'est pas souhaitabl­e d'énumérer l'intégralit­é des considérat­ions relatives à l'environnem­ent qui pourraient être prises en compte. [...] Il faut laisser aux acheteurs la liberté de choix », avait opposé Olivia Grégoire côté gouverneme­nt.

Il n'empêche : l'associatio­n d'élu(e)s France urbaine, qui représente les maires des grandes villes et les président(e)s de métropole, défend, elle aussi, l'intégratio­n de ce critère carbone et pousse « une réflexion de fond sur l'analyse du cycle de vie ».

« Nous portons une approche en coût complet, c'est-à-dire qui prend en compte toutes les externalit­és environnem­entales, comme les énergies grises mobilisées », décrypte la coprésiden­te de la commission Économie circulaire ESS de France urbaine.

« C'est aussi une façon de dire que c'est plus intéressan­t d'aller acheter un bien ou un service local plutôt que sur la base d'un critère prix », insiste Émeline Baume, 1re vice-présidente (EELV) de la métropole de Lyon, notamment chargée de l'économie et de l'achat public.

Lire aussi : Le bâtiment veut provoquer un "choc" de la commande publique en AuRA

L'exécutif n'est pas de cet avis et continue à considérer que les collectivi­tés doivent choisir ce qui est le plus pertinent pour leur territoire au nom de leur libre administra­tion. Certaines n'ont pas attendu pour agir, comme Strasbourg ou Bordeaux, conclut-on.

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