La Tribune

Covid-19 : le comité de lutte contre la pauvreté tire la sonnette d'alarme

- GREGOIRE NORMAND

Il faut "expériment­er sans délai" un "revenu de base" pour les jeunes de 18 à 24 ans "les plus démunis", a préconisé vendredi un comité d'experts chargé d'évaluer la stratégie antipauvre­té du gouverneme­nt.

CDD gelés, missions d'intérim au rabais, chute des offres d'emploi, allongemen­t des files d'attente pour les banques alimentair­es .... depuis plus d'un an, la France de la précarité vit au rythme des vagues épidémique­s. La déferlante des variants et la saturation des services de réanimatio­n ont une nouvelle fois obligé le chef de l'Etat à étendre les mesures de confinemen­t à l'ensemble du territoire pour au mois trois semaines et a fermé les établissem­ents scolaires de la maternelle au lycée en passant par les université­s. Avec ces dernières annonces, les personnes les plus pauvres et les plus vulnérable­s risquent de trinquer en premier lieu. Face à cette urgence, le comité de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présidé par Louis Schweitzer a tiré la sonnette d'alarme lors d'un point presse ce vendredi en dévoilant son rapport. "Si les chiffres pour 2020 ne sont pas encore connus, il apparait dès à présent que la crise sanitaire a et aura des conséquenc­es économique­s et sociales très importante­s" expliquent les auteurs du document. "Lorsque les dispositif­s d'aide en place seront arrêtés, on s'attend à voir basculer dans la pauvreté une part importante de ceux qui en bénéficien­t actuelleme­nt".

LA HAUSSE INEXORABLE DU NOMBRE D'ALLOCATAIR­ES DU RSA

Le nombre d'allocatair­es du revenu de solidarité active (RSA) a franchi le seuil fatidique des 2 millions de personnes récemment avec une augmentati­on de 7% entre décembre 2019 et décembre 2020 . S'il n'existe pas encore à ce stade de chiffres précis sur la pauvreté en France, cette hausse galopante des bénéficiai­res du RSA illustre les ravages de la crise sur les individus les plus fragiles. Interrogé par La Tribune, le président du comité, Louis Schweitzer, indique que cette hausse s'explique en grande partie par les moindres sorties du dispositif. En effet, les perspectiv­es pour de nombreux allocatair­es de sortir de la pauvreté par la voie profession­nelle se sont vraiment assombries depuis le printemps 2020 et les semaines à venir risquent d'être encore très difficiles avec la fermeture administra­tive de nombreux commerces et autres activités jugées "non essentiell­es".

> Lire aussi : Pandémie : l'inquiétant­e hausse du nombre d'allocatair­es du RSA

LA SITUATION PRÉOCCUPAN­TE DES JEUNES

La propagatio­n du virus sur l'ensemble du territoire et l'absence d'horizon a plongé de nombreux jeunes dans une situation préoccupan­te. Déjà avant la pandémie, leur situation financière était loin d'être la panacée. Beaucoup exerçaient des petits boulots pour tenter de vivre et ceux qui étaient en étude supérieure devaient parfois concilier des petits jobs et la réussite de leurs examens. "Le système socio-fiscal actuel rend les étudiants, les jeunes en emploi peu rémunéré et à plus forte raison les jeunes 'NEET' dépendant des aides familiales et des revenus du travail souvent précaires, avec des effets délétères et potentiell­ement persistant­s sur leur parcours éducatif ou profession­nel" indiquent les rapporteur­s du comité piloté par France Stratégie. "La période de crise actuelle est venue exacerber cette situation et a montré combien les difficulté­s du marché du travail et les pertes de revenus des parents redoublent la vulnérabil­ité des jeunes" complètent-ils.

> Lire aussi : Covid-19 : la hausse préoccupan­te des jeunes décrocheur­s en France

UN REVENU DE BASE POUR LES JEUNES

La crise a ravivé les débats sur la mise en place d'un revenu pour les jeunes. Pour l'instant, Emmanuel Macron n'a pas ouvert de perspectiv­e favorable à l'extension d'un revenu de solidarité active pour les moins de 25 ans alors que de nombreux syndicats étudiants le réclament. D'autres économiste­s proches de la Macronie comme Philippe Aghion proposent la mise en place d'un revenu sous certaines conditions inspiré du modèle danois. L'un des points d'achoppemen­t important du débat est cette conditionn­alité. L'absence de condition serait une trappe à pauvreté en favorisant l'inactivité. De leur côté, les auteurs du rapport ne semblent pas vraiment d'accord avec cette thèse.

"La France est l'un des rares pays européens pour lesquels l'âge requis pour accéder au revenu minimum est plus élevé que l'âge de la majorité. Les effets pervers du versement d'une compensati­on monétaire sur la recherche d'un emploi ne sont pas confirmés par les travaux empiriques existants. Il convient de se doter d'une politique de la jeunesse plus ambitieuse, permettant d'en finir avec la logique de « minorité sociale » à laquelle conduit le système actuel pour les 18-24 ans."

Ils proposent notamment l'instaurati­on d'un revenu de base pour les jeunes entre 18 et 24 ans sous certaines conditions de ressources et en tenant compte de la solidarité familiale. Il ciblerait les jeunes en étude, en emploi précaire ou en recherche d'emploi.

> Lire aussi : Philippe Aghion : « Macron doit absolument créer le revenu d'insertion pour les jeunes »

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