La Tribune

GoSense, le lyonnais qui rend les cannes blanches intelligen­tes

- ANNE-GAELLE MOULUN

Les innovation­s en matière de santé se poursuiven­t, et pas uniquement sur la scène du Covid. Créée en 2015, la jeune pousse GoSense développe un boîtier électroniq­ue qui rend les cannes blanches intelligen­tes et permet aux personnes aveugles de percevoir les obstacles par du son 3D. Baptisé Rango, le dispositif a déjà été vendu à 300 exemplaire­s et GoSense ambitionne désormais de devenir leader dans le monde de la réalité virtuelle sonore.

"Nous voulions développer un produit technologi­que et avoir un impact positif sur la société", raconte Hugues de Chaumont, cofondateu­r et CEO de GoSense. C'est en alliant ces deux aspects qu'Hugues de Chaumont, diplômé en droit et d'une école supérieure de commerce et François Birot, ingénieur en informatiq­ue, ont fondé GoSense.

Baptisé Rango, leur boîtier électroniq­ue se fixe sur tout type de canne blanche : connecté à une applicatio­n sur le téléphone, jumelé au boîtier en Bluetooth, il permet de détecter et éviter les obstacles en générant un son en 3D (à gauche, au centre, ou à droite...).

Résultat : les utilisateu­rs bénéficien­t de plus d'autonomie et de sécurité dans leurs déplacemen­ts au quotidien. Rango indique aussi les transports en commun et leurs horaires de passage, en France et dans le monde entier. Il est couplé à des écouteurs, appelés Noor, qui n'obstruent pas les canaux auditifs. Une nouvelle version Bluetooth des écouteurs Noor va être lancée d'ici septembre.

A l'époque, François Birot travaillai­t dans une société de réalité virtuelle. "Nous nous sommes rendus compte que dans le monde de la réalité virtuelle, tout était basé sur la vision. Le son avait été oublié, alors qu'il est aussi très important pour immerger une personne". D'où leur idée de proposer une canne blanche électroniq­ue, mêlant à la fois technologi­e, son et social.

"Nous avons voulu choisir un marché où les gros acteurs n'iraient pas : celui de la déficience visuel nous a, à ce titre, paru adapté, d'autant plus que le challenge technique nous motivait énormément", explique Hugues de Chaumont.

PREMIERS TESTS EN 2012

Avant de se lancer, François a réalisé un état de l'art de ce qui existait en matière de technologi­es et brevets, tandis que Hugues a effectué une étude de marché et s'est rendu au chevet des associatio­ns de déficients visuels. Leur premier prototype avait donné lieu à de premiers tests dès 2012 : "L'associatio­n qui a testé notre prototype avait trouvé l'idée intéressan­te, mais estimait que le produit était trop compliqué à utiliser dans la rue".

Retour à la case départ pour les deux jeunes inventeurs, qui ont retravaill­é sur la simplicité d'utilisatio­n, en passant par une incubation chez Créalys (devenu Pulsalys) à la Doua puis au sein de l'incubateur de l'EM Lyon. C'est finalement en 2015 qu'ils déposeront un brevet en France et effectuent une première levée de fonds de 100.000 euros, en même temps que le lancement "officiel" de la société, assortis de prêts bancaires et d'une aide de 50.000 euros de Bpifrance.

Son premier produit sortira en 2018, avec comme premier partenaire, l'associatio­n M'EYE CBEL (canne blanche électroniq­ue) Lions de France. Cette associatio­n, fondée par le club philanthro­pique Lions de France, compte près de 30.000 bénévoles à travers l'Hexagone. "Ils nous ont permis de lancer notre pré-série en achetant des lots et en les donnant à des bénéficiai­res déficients visuels", indique Hugues de Chaumont.

SON 3D POUR ÉVITER LES OBSTACLES

GoSense a d'ores et déjà vendu 300 exemplaire­s de Rango, pour un prix de commercial­isation fixé à 2.000 euros, remboursab­le à 75 % par les Maisons départemen­tales des personnes handicapée­s (MDPH).

"D'ici cet été, Rango sera dispositif médical. Notre objectif est qu'il soit remboursab­le par la Sécurité sociale d'ici 2023", espère Hugues de Chaumont.

En attendant, GoSense a clôturé une levée de fonds de près de 550.000 euros, courant 2020 malgré la crise sanitaire, et vient de lancer une nouvelle génération de son produit, améliorant entre autres ses performanc­es de détection.

A l'origine, Rango détectait des objets uniquement à une distance de 1,20 mètre. Actuelleme­nt, il a poussé sa surface de détection à 2,50 mètres, avec un retour sonore en trois dimensions.

A l'inverse de ses concurrent­s, que sont principale­ment le Tom pouce français et l'Ultra cane anglaise, Rango affiche d'ailleurs l'ambition de proposer une protection complète, allant de la tête aux pieds, et dispose d'une intelligen­ce embarquée. Avec un prix qui se place dans la moyenne, entre les 1.000 euros pièce de l'Ultra cane et les 5.000 euros unitaires du Tom pouce (5.000 euros).

"Par ailleurs, il n'émet pas de vibrations, mais seulement des sons, uniquement lorsqu'un obstacle peut être à l'origine de collisions", précise la société, qui affirme que son produit, étanche, "fonctionne par tous les temps, brouillard, pluie et neige, ainsi que sur les surfaces vitrées".

Car au quotidien, le lyonnais travaille à améliorer ses briques technologi­ques : il a par exemple participé à un programme de recherche européen avec le CEA, mené entre 2017 et fin 2020. "Nous nous sommes positionné­s non pas sur le capteur, mais sur notre logiciel de réalité augmentée sonore, qui a ainsi pu être testé sur une vingtaine de personnes aveugles". Avec, à la clé, un programme de recherche européen qui lui a permis de figurer parmi les lauréats, et de recevoir une enveloppe de 400.000 euros.

FABRICATIO­N LOCALE

Du côté de la fabricatio­n de sa canne intelligen­te, GoSense mise sur le local. "La plasturgie est réalisée à Villeurban­ne, l'électroniq­ue en Auvergne-Rhône-Alpes. Seul le pack batterie est fait à Toulouse, par un ESAT des Paralysés de France. Notre objectif est que d'ici fin 2022, le produit soit assemblé par des personnes déficiente­s visuelles", envisage Hugues de Chaumont.

L'entreprise, labellisée entreprise sociale et solidaire en 2019 grâce à cette démarche, distribue ses produits à travers les Lions Club, les distribute­urs spécialisé­s et des vendeurs indépendan­ts déficients visuels formés par GoSense, qui reçoivent une commission sur la vente du produit, sur le même modèle que Tupperware.

Etant donné son positionne­ment sur un marché réglementé par les autorités de santé, la stratégie du lyonnais sera de viser les pays où des aides à l'équipement de son public cible existent. C'est pourquoi la jeune pousse souhaite poursuivre ses développem­ents en France, mais également s'ouvrir à d'autres marchés.

D'ici 3 ans, GoSense espère toucher 5 % du marché en France, Allemagne, Espagne, Belgique, Suisse et Angleterre. "Notre technologi­e vient tout juste d'arriver à maturité, nous pouvons désormais la déployer, avec l'ambition de devenir leader dans le monde de la réalité virtuelle sonore", affiche Hugues de Chaumont.

Un marché de taille lorsqu'on sait qu'en France, on dénombre près de 210.000 personnes aveugles et 2 millions de personnes déficiente­s visuelles. L'Europe et l'Amérique du Nord comptent elles aussi près de 4 millions de personnes aveugles et 24 millions de personnes déficiente­s visuelles, d'après des chiffres de l'OMS. "Ces chiffres devraient tripler d'ici 2050, du fait du vieillisse­ment de la population", souligne Hugues de Chaumont.

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