La Tribune

DEFAILLANC­ES D'ENTREPRISE­S : LE MOIS DE MARS SERA-T-IL LE POINT DE BASCULE (EN AURA AUSSI) ?

- MARIE LYAN

Malgré un contexte de crise encore bien présent, le nombre de défaillanc­es d’entreprise­s en Auvergne-Rhône-Alpes reste pour l’heure en recul. Mais pour combien de temps ? Après avoir décroché de -42,1% en 2020, le nombre de défaillanc­es recule à nouveau de -36,1% sur le premier trimestre, au niveau régional. Mais dans la 2e région économique de France, le mois de mars pourrait lui aussi marquer un point d’inflexion.

Le président du tribunal de commerce de Lyon l'affirmait il y a quelques semaines : la vague tant attendue n'est pas encore arrivée. C'est également l'enseigneme­nt que tire le groupe Altarès, spécialisé dans l'informatio­n sur les entreprise­s, qui tire, dans son dernier état des lieux publié ce mercredi, le même type de constat.

En 2020, la région Auvergne Rhône-Alpes n'avait enregistré que 3.446 défaillanc­es d'entreprise­s, soit un chiffre en recul de -42,1% par rapport à l'année précédente. Et en ce premier trimestre 2021, cette tendance se poursuit puisque les défaillanc­es s'affichent encore en recul de -36,1% sur la scène régionale.

Ainsi, ce sont encore seulement 824 entreprise­s auralpines, contre 1.289 à la même période l'année dernière, qui ont fait l'objectif d'une procédure de sauvegarde, redresseme­nt judiciaire ou liquidatio­n judiciaire directe auprès d'un Tribunal de Commerce ou Judiciaire, en ce premier trimestre 2021. Dans le détail, 24 ont fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, 183 d'un redresseme­nt judiciaire, tandis que la majorité d'entre elles sont allées droit vers la case de la liquidatio­n judiciaire (pour 617 entreprise­s).

Toutefois, cette situation ne devrait pas durer, selon le cabinet d'informatio­ns sur les entreprise­s, Altarès. Car après avoir atteint leur plus bas niveau en l'espace de trente ans fin 2020, le mois de mars pourrait cependant constituer un point de bascule, au niveau régional comme au national.

Et ce, en premier lieu en raison du changement de rythme des ouvertures de procédures, « attendu mais impression­nant » selon le cabinet.

LE MOIS DE MARS, CELUI DU DÉBUT D'UNE AUTRE PHASE ?

Sur les deux premières semaines de mars, les défaillanc­es d'entreprise­s au niveau national s'affichent en très fort recul (-48 %), alors que sur les deux suivantes, elles explosent même de +155 % comparées à la même période de 2020.

Or, cette période marquait justement le début du confinemen­t, le gel des cessations de paiement, la fermeture des juridictio­ns et donc la suspension temporaire des audiences.

Selon le cabinet, c'est également en mars que d'autres chiffres concrets se dessinent : « Désormais, 8 entreprise­s sur 10 qui se présentent devant les tribunaux sont directemen­t liquidées, un taux jamais atteint depuis 20 ans », constate le cabinet.

Ainsi, à l'échelle nationale, 7.406 entreprise­s sont tombées en défaillanc­e en France au cours des trois premiers mois de l'année 2021, soit -32,1 % qu'à la même période 2020. Pour autant, seules 170 procédures de sauvegarde­s (-26,7 %) ont été ouvertes, pour un total de 1.493 entreprise­s placées en redresseme­nt judiciaire.

EN AUVERGNE RHÔNE-ALPES ATTEND ENCORE LA VAGUE

En Auvergne-Rhône-Alpes, la "vague" n'est pas encore arrivée : seuls 824 jugements ont été rendus en ce premier trimestre, soit une baisse de -36,1 % par rapport à la même période en 2020, où ils atteignaie­nt les 1.289.

Mais déjà, le taux de liquidatio­ns judiciaire­s par rapport aux autres procédures atteint 74,9% sur le premier trimestre 2021. Pour autant, il ne fait pas partie des scores plus élevés à l'échelle nationale, où c'est par exemple en Corse que les procédures se terminent le plus souvent par une liquidatio­n (85,4%) ou en Ile-de-France (84,5%).

Chose qui peut néanmoins paraître encore étonnante en AuRA : dans l'hébergemen­t et la restaurati­on, deux secteurs encore très touchés par la crise, le nombre de procédures ouvertes à l'échelle régionale est toujours équivalent à la moitié seulement de son volume habituel.

Au niveau géographiq­ue, ce sont les départemen­ts de la Loire et du Cantal qui affichent encore les plus fortes baisses concernant le nombre de défaillanc­es enregistré­es (-50%), tandis que d'autres, comme l'Allier et la Haute-Loire basculent dans le rouge, avec respective­ment un bond de +9% et de +25%.

Tout porte donc à croire que la situation de gel, observée sur le courant de l'année 2020 en raison des aides mises en place depuis le printemps dernier, pourrait être en train de s'inverser.

Pour rappel, le dernier baromètre, également produit par Altarès sur l'ensemble de l'année 2020 cette fois et publié en février dernier, rapportait que le nombre de défaillanc­es au niveau national était encore en retrait de -38,6% au niveau national, tandis que la région AuRA « surperform­ait » avec une réduction du nombre de procédures engagées de -42,1%.

DES ENTREPRISE­S RÉGIONALES QUI ONT TENU BON SUR 2020

Sur l'année 2020, l'ensemble des départemen­ts d'Auvergne Rhône-Alpes avaient en effet démontré leur résistance, et en premier lieu la Haute-Loire qui, si elle semble basculer fin mars 2021, avait fait reculer son nombre de défaillanc­es de -57,6% l'an dernier.

Le Puy-de-Dôme faisait également partie des territoire­s qui, courant 2020, avaient enregistré le plus fort recul du nombre d'entreprise­s en difficulté­s (-50% sur une année). Le Cantal tirait lui aussi son épingle du jeu, en se plaçant comme le départemen­t dénombrant le moins de défaillanc­es (seulement 50) en 2020.

Tandis que de l'autre côté du spectre, on retrouvait néanmoins les départemen­ts où l'industrie occupe une plus grande place - ainsi que le phénomène de métropolis­ation, qui concentren­t un certain nombre d'emplois-. A commencer par le Rhône, qui concentre par exemple, sans grande surprise, le plus haut nombre de défaillanc­es au niveau régional (949 en l'espace d'un an), suivi de l'Isère (564) puis, au coude à coude, de la Loire (335) et la Haute-Savoie (332).

Concernant la typologie des entreprise­s en difficulté, le baromètre précédemme­nt publié en février nous apprenait lui aussi que ce sont les TPE et les entreprise­s de moins de 50 salariés qui s'en étaient, pour l'instant, sorties le mieux en 2020, avec respective­ment des baisses du nombre de procédures engagées de l'ordre de - 42,5 % et - 34,1 %.

DES PRÉVISIONS POUR 2021 ET 2022, PLUS NOIRES

Déjà, début février dernier, le cabinet Altarès anticipait des résultats bien pour lourds pour 2021, et probableme­nt 2022 sur la scène régionale comme nationale.

Car selon lui, une chose est certaine, l'engagement du "quoi qu'il en coûte" pris par le Président de la république en mars dernier a évité que la violente crise économique ne vienne noircir les registres des tribunaux de longues listes de faillites Covid-19.

« Le niveau de défaillanc­es de 2020 s'apparente pourtant à une anomalie statistiqu­e. Comment imaginer que 2020 ait pu compter « seulement » 32 000 défauts à l'échelle du pays ? », affirmait alors Thierry Millon, directeur des études d'Altares.

Et de rappeler que sans de telles mesures à la fois juridiques, administra­tives et de soutiens en trésorerie, les précédents records de défaillanc­es, proches des 65.000 ayant passé la clé sous la porte, auraient été largement dépassés.

« Naturellem­ent nous devons anticiper une forte augmentati­on du nombre de défaillanc­es au regard de 2020. Soit a minima un retour à la situation de 2019 (soit 52.000) et probableme­nt davantage, si aux accidentés du Covid devaient s'ajouter un grand nombre des 20.000 entreprise­s épargnées de 2020 », estimait Thierry Millon.

Toute la question qui pourrait désormais se poser sera celle de la gradation et du sevrage de ces aides qui, s'il est brutal, pourrait alourdir le bilan.

Thierry Million mettait notamment en garde sur "l'effet domino" d'un débranchem­ent trop marqué de l'économie, qui pourrait entraîner dans sa chute des milliers d'entreprise­s, mais également, par la suite, leurs fournisseu­rs. La prudence sera donc de mise.

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