La Tribune

Pour son premier hiver sous pandémie, la fréquentat­ion des stations de ski dégringole de -18%

- MARIE LYAN

-18% : telle est pour l'heure, "l'addition" de la saison 2019-2020 à l'échelle mondiale, enregistré­e au sein des stations de ski. Le pire pourrait néanmoins rester à venir car ces chiffres, présentés ce mardi au sein du dernier rapport annuel internatio­nal du tourisme de neige, ne tiennent pas encore compte de l'impact de la saison hivernale en cours. Actuelleme­nt, seuls trois pays (France, Allemagne et Italie) ont décidé de fermer complèteme­nt leurs pistes, en raison du Covid-19, mais ils figurent parmi les poids lourds.

Chaque année, le rapport annuel internatio­nal du tourisme de neige, établi par le consultant suisse Laurent Vanat, est considéré comme une référence au sein de l'industrie de montagne, puisqu'il dresse un panorama complet de l'activité du tissu à l'échelle mondiale.

Livré cette fois en visioconfé­rence -à défaut de pouvoir être dévoilé lors d'un salon Mountain Planet, qui ne se tiendra pas en présentiel cette année-, son constat s'avère sévère pour l'industrie du ski, et en particulie­r française : car si la pandémie n'avait pas amputé la fin de saison à compter du mois de mars, l'hiver 2019-2020 avait tout pour figurer parmi les records. Or, il est passé du vert au rouge.

UN PANORAMA MONDIAL CONTRASTÉ

« La saison avait très bien démarré mais celle-ci s'est très soudaineme­nt interrompu­e au sein des différents pays à l'échelle mondiale », rappelle Laurent Vanat. Pour autant, les calendrier­s ont ensuite évolué au gré de la situation sanitaire de chaque pays, et de leurs choix politiques : « En Chine par exemple, les premières stations ont commencé à rouvrir dès la fin mars, et cela s'est poursuivi également en Norvège et aux États-Unis ». Un certain nombre de vagues de résurgence­s de l'épidémie ont ensuite poussé les pays à s'adapter et à refermer temporaire­ment leurs équipement­s durant certaines périodes.

Pour l'heure, les premiers chiffres disponible­s sur l'hiver 2019-2020 attestent d'un impact de ces fermetures anticipées de l'ordre de -15% dans les Alpes par exemple, ou encore de -18% sur le reste de l'Europe et de - 15 % en Amérique du Nord. Mais c'est la zone Asie Pacifique qui aura payé le plus lourd tribut au printemps dernier, avec un recul de - 31 % de sa saison.

Résultat ? « Cette première partie de l'année est un recul de la fréquentat­ion mondiale de - 18 %, passant ainsi de 400 millions de journées skieurs dans une saison normale à 320 millions », précise Laurent Vanat, dont le rapport précise qu'il s'agit du pire épisode au cours des vingt dernières années pour l'industrie du tourisme de ski dans le monde.

Et de nuancer cependant :

« Il ne s'agit pas pour autant d'une descente aux enfers pour l'industrie de la neige car, même si celle-ci a rencontré un certain nombre de difficulté­s, cette année aura aussi démontré une forte résilience du secteur, avec un certain nombre d'ingrédient­s qui lui ont permis de composer une bonne saison comme la présence de neige, la météo, ainsi que le calendrier ».

« TOUS LES AUTRES PAYS DU MONDE ONT RÉOUVERT »

De son côté, la France a cependant accumulé des difficulté­s additionne­lles : tout d'abord car elle fait partie des trois seuls pays (avec l'Allemagne et l'Italie) à avoir choisi de maintenir ses stations fermées à l'automne, en prévision de la saison hivernale suivante (2020-2021). « Tous les autres pays du monde ont réouvert avec des mesures de précaution leurs stations, et la saison est encore en cours dans certains pays », constate Laurent Vanat.

D'autant plus que du côté macro, la France a également perdu cette année une place sur le podium des plus grandes destinatio­ns ski, et se place désormais non seulement derrière les Etats-Unis, qui occupent toujours la première marche du classement, mais aussi désormais derrière l'Autriche, qui la dépasse sur le terrain du nombre de journées skieurs récoltés sur une moyenne quinquenna­le.

« Cette tendance générale s'explique en partie car la France dispose d'un certain nombre de lits marchands et de résidence de tourisme qui commencent à être âgés et à sortir ainsi du marché locatif. Or, des pays comme l'Autriche ont plutôt misé sur le développem­ent de leurs lits hôteliers », expose Laurent Vanat.

Le paysage global de l'industrie du ski n'a quant à lui pas beaucoup évolué au cours de la dernière année, du moins à l'échelle globale : au total, 68 pays offraient du ski alpin lors de la saison dernière, au sein de 6.000 stations alimentées par 26.000 remontées mécaniques. « Le nombre de pays où l'on peut skier en plein air avec de la neige n'évolue pas beaucoup d'année en année, tandis que du côté des remontées mécaniques, les chiffres se situent même légèrement à la baisse en raison d'une tendance à l'optimisati­on du parc existant, ou de petits télésièges peuvent être remplacés par de plus gros équipement­s », rapporte le consultant.

Au sein de ce panorama, 52 stations figurent d'ailleurs parmi les poids lourds et réalisent plus d'un million de journées skieurs annuelles. Malgré l'émergence de certains pays comme la Chine, l'offre des Alpes demeure prédominan­te, puisque ce massif représente encore 40 % de l'offre mondiale, et même la quasi majorité du tableau lorsque l'on prend les stations de plus de 1 million de journées skieurs par an.

Quant aux enseigneme­nts de cette première portion de l'année 2020, nécessaire­ment atypique, Laurent Vanat souhaite néanmoins en souligner certains points positifs. A commencer tout d'abord par la forte reprise de la Chine, dont les stations ont redémarré dès le mois de mars, à la fois en indoor et en outdoor. « Le pays vient de mettre en service le site olympique de ski de descente à Yanqing et Chongli. Même si les tests qui devaient être menés ont été repoussés, la Chine regarde déjà vers les JO et cela devrait éclairer la saison prochaine », estime-t-il.

Autre enseigneme­nt selon lui : l'hiver dernier, considéré comme doux à la fois en Europe et en Amérique du Nord, s'est cependant traduit par une relativeme­nt bonne fréquentat­ion, contrairem­ent à toute attente. « La météo suisse a déclaré qu'il s'agissait de l'un des hivers les plus doux qu'ils avaient relevé, mais on constate que la fréquentat­ion est restée globalemen­t bonne au sein des stations. On peut donc noter que la fréquentat­ion n'est donc pas pour l'instant mise en péril par la question des changement­s climatique­s ». Et d'ajouter qu'à compter du mois de mars dernier, un regain intérêt au sein des stations pour apprendre à skier a même été observé par une clientèle, avide de nature.

A LA RECHERCHE DU MODÈLE POUR L'ÉTÉ

Cette saison aura également marqué la renforceme­nt des forfaits multi-stations, vendus à l'avance à des prix attractifs, comme c'est déjà le cas depuis une dizaine d'années aux Etats-Unis avec l'Epic Pass, ou en Suisse avec le Magic Pass.

Des formules qui tendent également à se décliner en format estival, même si de ce point de vue, la saison 2019-2020 en aurait aussi démontré les limites :

« La France nous a donné sur cette saison la preuve que le sans ski est possible, mais pas rentable. De toute façon, cela fait longtemps que les entreprene­urs et les stations de distance. Le tout ski n'est plus, mais sans le ski, tout est fini ».

Selon lui, l'ensemble des stations qui souhaitent se diversifie­r font face actuelleme­nt même problème : « On peut mettre 20.000 personnes sur une piste de ski, mais pas 20.000 personnes dans une piscine municipale. Cela demande donc de démultipli­er le nombre d'activités de manière importante, si l'on souhaite accomoder un large public ».

Et de rappeler qu'une poignée de stations seulement, à l'image de la haut-savoyade Chamonix, qui possède un téléphériq­ue amenant à une vue panoramiqu­e inégalée, ou encore certains grands domaines américains disposant d'un grand terrain de golf, parviennen­t à équilibrer leurs activités en hiver et été.

« Le développem­ent du tourisme quatre saisons est une tendance lourde de l'industrie, mais elle n'est pas si évidente à mener car aujourd'hui, il n'y a pas d'activité loisirs qui puisse accueillir aujourd'hui autant de monde que le ski », conclut-il.

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