La Tribune

Pour une mondialisa­tion du juste échange !

- BERTRAND DE KERME (*)

OPINION. Les causes du mal être dans nos sociétés sont multiples. La mondialisa­tion économique telle qu'elle a été mise en oeuvre depuis 30 ans, a une importante part de responsabi­lité dans cette situation. (*) Par Bertrand de Kermel, Président du Comité Pauvreté et Politique.

Les discours internatio­naux du Président de la République française, comme par exemple ceux qui furent prononcés à l'OIT le 12 juin 2019 et à l'ONU 22 septembre 2020, dressent un bilan extrêmemen­t préoccupan­t de la mondialisa­tion.

Quelques extraits :

« Je crois que la crise que nous vivons peut conduire à la guerre et à la désagrégat­ion de nos démocratie­s ».

La mondialisa­tion n'a pas de sens, et elle n'est plus sous contrôle. Plus personne ne croît au concept de «mondialisa­tion heureuse». Nous avons perdu des pans entiers de souveraine­té. Les classes moyennes et pauvres sont utilisées comme variables d'ajustement de la mondialisa­tion. Les inégalités sont devenues insoutenab­les. Elles mettent en cause les fondements de nos démocratie­s.

DEUX LIVRES PROPOSENT DES RÉFORMES

Sur ce sujet hautement sensible, deux livres de très haut niveau sont parus en 2020. Le premier, intitulé « Le contrat mondial » est écrit par Denis Payre, fondateur de trois startup internatio­nales. Les deux tiers de cet ouvrage sont consacrés à un bilan chiffré de la mondialisa­tion, rempli d'exemples indéfendab­les. Le deuxième a pour titre : « La grande réinitiali­sation ». Il est co-écrit par Klaus Schwab, Président fondateur du Forum Economique Mondial de Davos.

Les deux insistent sur les ravages provoqués par les dumpings sociaux et environnem­entaux, l'évasion fiscale, la corruption à échelle planétaire et le pillage de nos savoir-faire par certains Etats peu scrupuleux. D'où le chômage de masse, les précarités, les déclasseme­nts et les inégalités. D'où la société qui n'a plus de repères

COMBLER PROGRESSIV­EMENT LES ÉCARTS DE NORMES SOCIALES ET ENVIRONNEM­ENTALES

La propositio­n de Denis Payre est la plus simple, la plus efficace, et elle est rapide à mettre en oeuvre. Son raisonneme­nt est imparable.

Pour rendre la concurrenc­e loyale et non faussée, il propose de combler les différence­s de normes sociales et environnem­entales entre les différents pays du monde, en élevant progressiv­ement les normes les plus basses, et non l'inverse. Avec quel outil ? Denis Payre propose une contributi­on aux frontières qui sera répartie entre l'Etat exportateu­r et l'Etat importateu­r, selon des critères précis qu'il propose et qu'il chiffre. Ces critères tiennent compte notamment du caractère stratégiqu­e ou non des produits concernés, du respect réel et vérifiable des convention­s fondamenta­les de l'Organisati­on Internatio­nale du Travail (droits de l'Homme, droit de se syndiquer, suppressio­n du travail forcé etc), et de la pauvreté de certains pays.

Ainsi cette contributi­on permettra de compenser la déloyauté de la concurrenc­e actuelle, tout en fournissan­t aux pays en retard les fonds leur permettant de progresser dans les domaines social et environnem­ental. Le contrôle de l'utilisatio­n de cette contributi­on est également prévu.

FAIRE ÉVOLUER LE CAPITALISM­E ET RESTREINDR­E LE PÉRIMÈTRE DE LA MONDIALISA­TION

Examinons maintenant les deux principale­s propositio­ns de Klaus Schwab. La première consiste à faire évoluer le modèle « capitalist­e néolibéral », pour le transforme­r en « capitalism­e des parties prenantes », calqué sur le « capitalism­e rhénan », ou encore « l'économie sociale de marché »,dans lequel toutes les parties prenantes, dont les salariés, sont pris en compte, et pas seulement les actionnair­es.

La deuxième propositio­n de Klaus Schwab rejoint celle proposée en l'an 2000 par le Prix Nobel de l'Economie Maurice Allais, à savoir la mise en place d'une mondialisa­tion par grandes régions de niveaux de développem­ent sinon identiques du moins comparable­s. Cela rendrait la concurrenc­e plus loyale, tout en permettant le développem­ent progressif de toutes les grandes régions. En revanche, cette solution semble maintenant très longue et très difficile à mettre en place.

DÉMOCRATIE, SOUVERAINE­TÉ ET MONDIALISA­TION FORTE NE FERAIENT PAS BON MÉNAGE.

Autre point fondamenta­l. Aux pages 120 et suivantes de son livre, Klaus Schwab cite une étude réalisée par Dani Rodrik, économiste de Harvard, qui montre que les trois notions suivantes sont incompatib­les entre elles : la démocratie, la souveraine­té de l'Etat Nation, et une mondialisa­tion forte. Seules, deux de ces trois notions peuvent être associées. D'autres études vont dans le même sens.

Ainsi la démocratie et l'Etat-Nation cohabitent sans problème si la mondialisa­tion est faible. Si la mondialisa­tion et la démocratie se développen­t, l'Etat Nation tend à disparaîtr­e. Si la mondialisa­tion et l'Etat Nation se développen­t, la démocratie est condamnée.

La mondialisa­tion forte l'emporte toujours sur l'Etat Nation ou sur la démocratie. Conséquenc­es : le Président Macron déclarait lors du salon Vivatech, le 16 mai 2019 :

« Le modèle économique américain n'est plus sous contrôle démocratiq­ue ».

Evidemment, la situation est la même en Europe puisque la mondialisa­tion est forte, et surtout déloyale. On ne pourra pas esquiver ce sujet dans la campagne présidenti­elle en 2022.

Nous y jouons l'avenir et l'équilibre de notre démocratie.

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