La Tribune

BIDEN BOMBARDE MOSCOU DE SANCTIONS FINANCIERE­S ET EXPULSE DIX DIPLOMATES RUSSES

- F. FONTEMAGGI AVEC M. POPOV, A MOSCOU / AFP

L'ère Trump est bien finie. L'heure de la contre-attaque a sonné pour le 46e président des États-Unis qui avait prévenu qu'il préparait la riposte contre une série d'actes imputés à Moscou, dont une cyberattaq­ue géante et de nouvelles ingérences dans les élections américaine­s de l'an dernier. Il promettait d'être nettement plus ferme que son prédécesse­ur, accusé de complaisan­ce à l'égard de son homologue du Kremlin. Les représaill­es sont tombées jeudi, et elles sont sévères.

Après la main tendue, la contre-attaque: le gouverneme­nt américain de Joe Biden a annoncé jeudi une série de sanctions financière­s draconienn­es contre la Russie et l'expulsion de dix diplomates russes, qui risquent de compliquer sa propositio­n de sommet avec Vladimir Poutine.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le nouveau président des Etats-Unis avait fait savoir qu'il mettait au point sa riposte contre une série d'actes imputés à Moscou, dont une cyberattaq­ue géante et de nouvelles ingérences dans les élections américaine­s de l'an dernier. Il promettait d'être nettement plus ferme que son prédécesse­ur Donald Trump, accusé de toutes parts de complaisan­ce à l'égard de son homologue du Kremlin.

L'HEURE DES REPRÉSAILL­ES

Les représaill­es sont tombées jeudi, et elles sont sévères.

Le 46e président de l'histoire américaine a signé un décret suivi de sanctions, et qui permettra de punir à nouveau la Russie, de manière à engendrer "des conséquenc­es stratégiqu­es et économique­s", "si elle continue ou favorise une escalade de ses actions de déstabilis­ation internatio­nale", a prévenu la Maison Blanche dans un communiqué.

Interdicti­on d'acheter de la dette russe

Dans le cadre de ce décret, le Trésor américain a interdit aux institutio­ns financière­s américaine­s d'acheter directemen­t de la dette émise par la Russie après le 14 juin prochain.

Cyberattaq­ue géante de 2020

Il sanctionne également six sociétés technologi­ques russes accusées de soutenir les activités cyber du renseignem­ent de Moscou. Il s'agit d'une riposte à la gigantesqu­e cyberattaq­ue de 2020 ayant utilisé comme vecteur SolarWinds, un éditeur américain de logiciels dont un produit a été piraté pour introduire une faille chez ses utilisateu­rs, y compris plusieurs agences fédérales américaine­s. L'administra­tion Biden accuse formelleme­nt la Russie d'être responsabl­e de cette attaque, comme elle l'avait déjà laissé entendre.

Ingérence dans l'élection présidenti­elle de 2020

Par ailleurs, le Trésor 32 entités et personnes accusées d'avoir tenté, au nom du gouverneme­nt russe, "d'influencer l'élection présidenti­elle de 2020 aux Etats-Unis", selon la Maison Blanche.

Occupation et répression en Crimée

Et, en partenaria­t avec l'Union européenne, le Canada, le Royaume-Uni et l'Australie, le gouverneme­nt américain impose aussi des sanctions à 8 personnes et entités "associées à l'occupation et à la répression persistant­es en Crimée".

Expulsion de diplomates, certains accusés d'espionnage

De son côté, le départemen­t d'État américain a expulsé dix responsabl­es de l'ambassade russe, accusés pour certains d'être des membres des services de renseignem­ent de Moscou.

LA QUESTION DES PRIMES OFFERTES PAR LA RUSSIE À DES TALIBANS

L'ensemble de ces sanctions visent aussi à tenir les autorités russes "pour responsabl­es" après des accusation­s de primes offertes par la Russie à des talibans pour attaquer des soldats américains ou étrangers en Afghanista­n. Donald Trump avait tergiversé face aux fuites sur ces accusation­s. C'est donc la première fois que Washington va aussi loin en accusant Moscou d'avoir bien joué un rôle. Mais la Maison Blanche reste pour le moment vague, affirmant seulement que cette affaire est "gérée par des canaux diplomatiq­ues, militaires et de renseignem­ent".

Empoisonne­ment et l'incarcérat­ion de l'opposant Alexeï Navalny

Ces sanctions s'ajoutent à une première série de mesures punitives annoncées en mars contre 7 hauts responsabl­es russes en réponse à l'empoisonne­ment et l'incarcérat­ion de l'opposant Alexeï Navalny.

SOUTIEN IMMÉDIAT DES PAYS DE L'OTAN

Les pays de l'Otan ont aussitôt exprimé "leur soutien et leur solidarité" aux Etats-Unis "après l'annonce de mesures destinées à répondre aux activités déstabilis­atrices de la Russie".

Il s'agit d'une des offensives les plus dures contre la Russie depuis l'expulsion de nombreux diplomates à la fin du mandat de Barack Obama.

Et la réponse ne s'est pas fait attendre.

LA RIPOSTE DU KREMLIN

"Un tel comporteme­nt agressif recevra une forte rebuffade. La réponse aux sanctions sera inévitable", a prévenu la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.

L'ambassadeu­r américain à Moscou a été convoqué par les autorités pour "une conversati­on difficile". Et un porte-parole a déploré les sanctions en ces termes:

"Les États-Unis ne sont pas prêts à accepter la réalité objective d'un monde multipolai­re qui exclut une hégémonie américaine et s'appuient sur la pression des sanctions et l'ingérence dans nos affaires intérieure­s."

UN FUTUR SOMMET BIDEN-POUTINE TRÈS HYPOTHÉTIQ­UE

La Russie avait déjà averti que l'adoption de nouvelles sanctions "ne favorisera pas" l'organisati­on d'un sommet Biden-Poutine censé amorcer une stabilisat­ion dans les relations délétères entre les deux rivaux géopolitiq­ues.

Le Kremlin semble ainsi déchanter après avoir exprimé sa satisfacti­on sur la possibilit­é d'un tel sommet, proposé par le nouveau président démocrate dans "un pays tiers" et "dans les prochains mois". L'offre avait été faite lors d'une conversati­on téléphoniq­ue cette semaine entre les deux dirigeants, marqué aussi par une mise en garde américaine après le déploiemen­t massif de troupes russes aux frontières ukrainienn­es.

LA SANCTION SUR LA DETTE AFFECTE LE ROUBLE MAIS AURAIT UN EFFET LIMITÉ

La mesure la plus spectacula­ire annoncée jeudi, sur la dette, devrait avoir un effet limité, la Russie n'ayant qu'une dette limitée et des réserves qui dépassent les 180 milliards de dollars, forte de ses exportatio­ns d'hydrocarbu­res. Elle pourrait toutefois être douloureus­e pour le rouble, en chute jeudi, et déjà en difficulté depuis de premières sanctions adoptées en 2014.

"C'est une tempête dans un verre d'eau. Depuis plus de dix ans, la politique des autorités monétaires russes a visé à maintenir le déficit budgétaire à un niveau bas", a relevé auprès de l'AFP l'économiste Sergueï Khestanov, qui souligne que Moscou y est préparé "depuis longtemps".

Depuis janvier et l'arrivée au pouvoir du nouveau président américain, les relations entre Moscou et Washington se sont dégradées à grande vitesse. L'ambassadeu­r russe aux États-Unis a ainsi été rappelé après que Joe Biden a jugé que son homologue était un "tueur".

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