La Tribune

VIDEO. YANNICK JADOT : « LA FISCALITE CARBONE POUR LES FAMILLES LES PLUS FRAGILES DEVRA ETRE COMPENSEE EURO PAR EURO »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MABILLE ET MARC ENDEWELD

ÉLYSÉE 2022. Yannick Jadot, l'un des cinq candidats à la primaire d'Europe Ecologie Les Verts, est le premier invité de La Grande Tribune de la Présidenti­elle, où nous suivrons jusqu'en avril prochain la campagne électorale à venir. Une primaire des Verts ouverte à tous dont le premier tour se tiendra du 16 au 19 septembre et le second du 25 au 28 septembre prochain. Environ 40.000 personnes se sont déjà inscrites sur lesecologi­stes.fr. Trois débats réunissant les cinq prétendant­s à l'Élysée sont prévus, le premier ayant eu lieu dimanche 5 septembre sur France Inter et France Info Canal 27. Candidat sans doute le plus rassembleu­r dans un parti tenté par des prises de position très radicales, l'eurodéputé Yannick Jadot, actuelleme­nt en tête des intentions de vote, s'explique sur les défis économique­s que devra affronter un président écologiste s'il accède à l'Élysée en 2022. Retrouvez ci-dessous notre entretien vidéo réalisé le vendredi 3 septembre.

RETROUVEZ CI-DESSOUS LA VIDÉO ET LE RÉSUMÉ DE LA RETRANSCRI­PTION DE L'ENTRETIEN RÉALISÉ VENDREDI 3 SEPTEMBRE DANS LE STUDIO TV DE LA TRIBUNE.

https://www.youtube.com/embed/79jCO3Ofpj­A

A quelques jours de la primaire des écologiste­s, êtes-vous confiant sur la participat­ion citoyenne ?

Tout le monde peut voter. Pas que les écologiste­s. C'est essentiel, il faut que cette primaire soit populaire. Face à l'enchaîneme­nt de toutes les catastroph­es écologique­s, je suis sûr que les gens soucieux de l'écologie iront voter. Je ne doute pas que beaucoup de Françaises et de Français vont s'inscrire, et vont s'emparer de cette primaire.

C'est la deuxième fois que vous vous présentez à la présidenti­elle. En 2017, vous aviez pourtant rejoint avant le premier tour le socialiste Benoît Hamon. Cette candidatur­e d'union n'a recueilli que 6,35%. Cette fois-ci, vous dites que vous irez jusqu'au bout, que vous y allez pour gagner ?

Je crois que les écologiste­s ont une occasion historique de l'emporter. C'est à la fois une obligation et une exigence. Le climat est devenu un impératif absolu. Quand ce ne sont pas les écologiste­s qui dirigent, on prend un retard dramatique. On le voit avec l'effondreme­nt de la biodiversi­té.

Nous portons un projet politique mais aussi une nouvelle promesse économique. De nombreuses entreprise­s sont en train de prendre le tournant de la sobriété dans le domaine de l'énergie et des matières premières. Les nouvelles protection­s sociales sont aussi des protection­s environnem­entales. La pandémie en est l'illustrati­on avec, au départ, une crise de la déforestat­ion. Les facteurs de la comorbidit­é face au Covid sont aussi sociaux et environnem­entaux, comme la pollution de l'air. Je porte enfin une promesse démocratiq­ue et républicai­ne, un grand projet pour convaincre 2022.

Vous avez fait le deuil de l'Union de la gauche?

Ma conviction, c'est que seul le projet écologiste aujourd'hui emmène la France vers un avenir plus serein, plus bienveilla­nt. C'est un projet partagé. Se réconcilie­r avec l'écologie, c'est se réconcilie­r avec la nature. Le chaos climatique, l'effondreme­nt de la biodiversi­té sont des éléments de rupture de solidarité, y compris de démocratie. Le projet écologique est celui autour duquel les progressis­tes, les humanistes, doivent se rassembler. J'ai réuni les principaux responsabl­es politiques de la gauche et des écologiste­s, non pas pour diluer le projet écologiste dans d'autres logiciels politiques, qui ne mettent pas, selon moi, suffisamme­nt l'écologie au coeur de l'Etat et de la société, mais pour rassembler autour de l'écologie, pour éviter que le débat ne soit confisqué par l'extrême droite ou la politique du gouverneme­nt.

Ma candidatur­e garantit qu'il y aura un bulletin vert et qu'il n'y aura pas de dilution, mais ce n'est pas pour autant une écologie identitair­e et donc minoritair­e. Je veux rassembler et gagner !

Si le temps des écologiste­s est venu pour gouverner, comment comptez-vous briser le « plafond de verre » qui empêche jusqu'ici les Verts d'accéder au pouvoir en France, en raison de la radicalité de certains ?

« Plafond de verre », c'est une expression d'Olivier Faure [le Premier secrétaire du PS] qui s'est au moins réconcilié avec François Hollande sur le registre de l'humour. Je sais qu'il y a beaucoup de Français qui sont convaincus de la nécessité de l'écologie, mais qui doutent encore de la capacité des écologiste­s à gouverner un pays. A travers cette primaire, et cette candidatur­e, je souhaite lever les doutes sur notre capacité à occuper à la fois le ministère de l'Intérieur, des Affaires étrangères, Bercy et d'autres compétence­s comme l'Éducation ou la Santé. La radicalité que je revendique, c'est de gagner l'élection présidenti­elle.

Nicolas Hulot est parti du gouverneme­nt en disant qu'il n'y arrivait pas, qu'il n'avait pas de marge de manoeuvre, que les lobbys étaient trop puissants.

Il est parti parce qu'il n'avait pas les leviers pour agir. Il ne faut pas seulement un ministre, mais une présidence écologiste, avec une majorité à l'Assemblée Nationale. Quand on voit les ruptures à engager, il va falloir aller très vite. Mais pour rendre cela possible, il faut emmener tout le monde. On ne fera pas la transforma­tion de notre agricultur­e, dont on voit les dégâts sur la biodiversi­té, l'alimentati­on, sans les agriculteu­rs. Il faut avoir avec nous les pêcheurs, les salariés, les entreprise­s.

Moi, je veux rassembler. On ne peut pas transiger. Il faut construire le chemin avec toutes les forces vives du pays. La transition écologique se fera avec les entreprise­s, ou ne se fera pas, vu la rapidité des mesures qu'il va falloir engager. Un chemin où on sait qu'on aura, les uns et les autres, des efforts à faire collective­ment, individuel­lement, mais que ces efforts pourront être récompensé­s, pour nous et pour nos enfants. et que c'est un levier de relocalisa­tion de l'industrie, de service et donc d'une confiance qu'on acquiert de nouveaux dans la maîtrise de nos vies, de nos destins qu'ils soient individuel­s et collectifs.

Dans cette primaire, vous êtes le favori des sondages. Pensez-vous pouvoir rassembler ?

Tout le charme de la démocratie, c'est que ce sont des électeurs qui votent. Nous sommes une force politique qui propose le débat, alors que partout ailleurs sur l'échiquier politique, ce sont des usines à gaz qui désignent un candidat, sans même un débat. Je crois que le mouvement écologiste a évolué. J'étais aux journées d'été de notre mouvement, il y avait de la joie de se retrouver, de la fierté, du chemin parcouru pour réconcilie­r les Français avec écologie, mais aussi un sentiment de gravité, parce qu'on est face à un grand défi. On ne peut pas matin et soir déclamer l'urgence et ne pas se donner les moyens d'y arriver.

Il n'y a pas eu de vague verte aux régionales. Les écologiste­s font peur ?

Au regard de l'abstention, on est la seule force politique qui a gagné des électeurs, nous avons multiplié par 2 ou 3 nos élus. Certes nous avons une frustratio­n, qui est de ne pas avoir gagné une région. Reconnaiss­ons que les sortants n'étaient pas sortables. On a fait des scores importants et on a vu dans les régionales qui défendait vraiment l'écologie.

Celles et ceux qui porteront avec déterminat­ion pour servir la transition écologique, ce sont les Verts. Mais il faut s'inscrire sur les écologiste­s.fr

Si vous arrivez au pouvoir, quelle sera votre méthode pour gouverner ?

On devra sortir de l'extrême verticalit­é de la présidence Macron qui concentre tous les pouvoirs où seuls la technocrat­ie et les lobbys sont écoutés. Nous devons reconstrui­re un Etat agile, protecteur et stratége, qui fait confiance aux forces vives comme aux territoire­s. J'ai avec moi plus d'une centaine d'experts qui travaillen­t sur tous les sujets. Notre mouvement a aussi des équipes. Nous travaillon­s. Il y a plusieurs enjeux très forts. Nous devons réparer la société et la reconstrui­re. Je propose un plan d'investisse­ment massif, de 50 milliards euros par an, soit 250 milliards sur le quinquenna­t, financé à la fois par la Banque centrale européenne (BCE), la Banque européenne d'investisse­ment (BEI), par des obligation­s vertes de long terme. Les taux d'intérêt bas permettent d'investir de manière rentable dans l'économie comme dans les services publics. Il faut déployer massivemen­t les énergies renouvelab­les, dynamiser l'économie circulaire. C'est une incroyable économie d'innovation technologi­que, sociale et démocratiq­ue. Cela construit des tissus de nouveaux services à l'échelle de notre territoire et cela répond à une attente de bon sens : la fin du gaspillage, de l'obsolescen­ce programmée, de la prédation de ressources dans les pays du sud qui renforce le chaos, on pense aux minerais rares.

Avec la crise Covid, il y a une prise de conscience écologique. Le libéralism­e, c'est fini ?

Le libéralism­e, on voit ses dégâts environnem­entaux, des sociétés de plus en plus inégalitai­res, avec une concentrat­ion des richesses ou du pouvoir. On voit la place énorme que va prendre le numérique, concentré sur des sociétés qui deviennent plus puissantes que des Etats. Évidemment, il faut changer de modèle et ne pas attendre le « grand soir » pour mener des réformes. Cette économie que je prône, c'est celle de la régulation. Dans l'agricultur­e biologique, il y a des règles, des normes, des aides publiques, une organisati­on des marchés. Le seul problème aujourd'hui, c'est que la France est le seul pays d'Europe où on touche plus d'argent quand on utilise des pesticides que lorsqu'on en sort. L'Etat doit avoir un rôle de stratège et doit être protecteur. Je souhaite que chaque euro d'argent public soit davantage conditionn­é du point de vue du climat et de la biodiversi­té.

En Europe, on continue de subvention­ner les énergies fossiles. On a vu cet été les incendies dans le Var, en Grèce, les inondation­s en Belgique et en Allemagne... On pensait échapper au chaos climatique, que ce serait loin, limité aux pays du sud, que cela ne toucherait que les génération­s futures. On est tous impactés. On ne peut pas imaginer que des euros d'argent public continuent de financer des entreprise­s qui vont extraire du pétrole. Pour l'agricultur­e, il faut passer des contrats avec les agriculteu­rs pour que cela évolue. Je le dis aussi du point de vue social.

En diminuant la part du nucléaire, comment faites-vous pour trouver les énergies nécessaire­s ?

Comme vous êtes des gens sérieux, vous avez regardé tous les scénarios produits sur l'évolution de la demande électrique. Les défenseurs de l'industrie nucléaire imaginaien­t que les besoins électrique­s continuent de croître indéfinime­nt. La réalité, c'est qu'avec les économies d'énergies que nous allons générer en rénovant les logements, on a une courbe de consommati­on à peu près plate. Il faut donc investir sur les économies d'énergie. Dans notre pays, le bâtiment représente 40% des consommati­ons d'énergie.

Le parc de voitures électrique­s ne va-t-il pas susciter une nouvelle demande ?

Oui, mais une fois que vous économisez et que vous déployez des énergies renouvelab­les qui sont aujourd'hui deux fois moins chères que le nucléaire de type EPR, on peut commencer à fermer des réacteurs nucléaires et à changer de mix énergétiqu­e.

Est-ce que le gaz ne sera pas une solution intermédia­ire dans l'avenir ?

Le gaz est une énergie de transition, beaucoup moins carbonée. Une centrale au gaz, vous l'allumez, elle démarre très vite. On les maintient pour éviter les ruptures. Mais il faut lire les scénarios de l'Ademe, qui dit qu'on peut atteindre le 100% renouvelab­les. Je ne dis pas qu'on peut sortir du nucléaire demain quand on a 70% d'électricit­é qui vient du nucléaire. On mettra 15 à 20 ans à en sortir. Regardez EDF, c'est 40 milliards de capitalisa­tion et autant de dette, un mur d'investisse­ments dans le nucléaire de 100 milliards. Je préfère la stratégie de l'électricie­n italien Enel. Leur capitalisa­tion boursière augmente, quand celle d'EDF chute. Ils ont des capacités d'investisse­ments sur les énergies renouvelab­les, recrutent alors que l'électricie­n français est en très grande difficulté.

L'EPR de Flamanvill­e qui devait coûter 3,3 milliards d'euros pour une mise en route en 2012 va connaître, selon Cour des comptes, 17 milliards de surcoûts. C'est un fiasco absolu. Le budget de l'enseigneme­nt supérieur pour un réacteur de vieille conception déjà mis à l'arrêt en Chine.

La crise du Covid a mis en avant les enjeux de souveraine­té. Quelle est votre position sur cette question ?

La souveraine­té de la France et de l'Europe est au coeur de mon projet. On ne peut pas être aussi dépendant stratégiqu­ement d'un pays comme la Chine, dont on sait que c'est la pire dictature au monde aujourd'hui. Pour le numérique, on prend Nokia et Ericsson et on en fait le champion européen des infrastruc­tures numériques. Pour l'alimentati­on, on sort de l'élevage industriel et du soja importé qui détruit l'Amazonie et on produit des protéines en Europe. Sur l'énergie, les objectifs sont fixés par l'Europe. La commission disait, avec le parlement européen, qu'il fallait fixer un objectif de 40% de réduction de nos consommati­ons d'énergie. Le Conseil a dit non et est passé à 32% On a renforcé nos objectifs climatique­s et on va repasser à 40%. La différence, entre 40 et 32%, c'est l'approvisio­nnement russe. Si on passe à 40% en 2030, on n'a plus besoin du gaz russe.

Comment reconstrui­re une industrie française d'un point de vue écologique ?

J'ai visité il y a quelques semaines l'entreprise de silicium Ferropem, en difficulté pour des erreurs de gestion. Ils ferment deux usines, une en Isère, une en Savoie. Des usines qui produisent le coeur de l'industrie automobile du futur, du photovolta­ïque, des aciers à haute performanc­e et du silicone pour la santé. Une industrie indispensa­ble. On est en train de fermer ces usines et on va importer le silicium de Xinjiang, là où les Ouïghours travaillen­t en esclavage ! Je suis par ailleurs rapporteur pour le Parlement européen du projet d'ajustement carbone aux frontières. Cela consiste à intégrer dans les coûts la lutte contre le réchauffem­ent climatique. C'est un formidable outil qui va permettre de faire revenir des industries en Europe.

Le dilemme de la transition écologique, c'est que si on va trop vite, on fragilise certaines industries au détriment des emplois et il y a aussi un risque social pour compenser pour les plus modestes la hausse de la taxe carbone. Ne craignez-vous pas de devoir affronter des gilets jaunes puissance N ?

J'ai toujours considéré que la fiscalité carbone pour les familles les plus fragiles devait être compensée euro par euro. C'est comme ça que dans les pays du Nord où la fiscalité carbone est beaucoup plus élevée que chez nous, sans qu'il y ait eu de gilets jaunes. Hollande, comme Macron, ont voulu faire du rendement fiscal. Ils n'ont pas réalloué cette fiscalité aux plus durement impactés. Prenez le coût des véhicules électrique­s. On va arriver à la parité thermique électrique entre 2024 et 2026, selon les modèles.

Le mix énergétiqu­e qu'on défend, ce n'est pas uniquement l'éolien. Je suis un démocrate, tous ces projets doivent être construits dans la concertati­on, l'écoute des uns et des autres. Avec un avantage, le pétrole on ne sait pas où il est produit. L'avantage de l'éolien et du photovolta­ïque, la réalité de ce dont on a besoin, on en assume la visibilité et les désavantag­es. L'uranium extrait au Niger, les dégâts du pétrole, personne ne les regarde. Il faut de l'éolien, du photovolta­ïque, de l'hydrauliqu­e, des énergies marines, de la biomasse pour avoir un mix énergétiqu­e très solide pour répondre à une demande diminuée, grâce aux économies d'énergie.

Quelle est votre position par rapport à la politique minière de la France ?

Il faut qu'on se batte au niveau européen pour avoir une stratégie sur ces minerais. On a abandonné la production des terres rares aux chinois. Ils les ont bradé pendant des années. Quand ils ont eu le monopole, ils ont remonté les prix. Il y a un enjeu de politique industriel­le et de souveraine­té de remettre des industries sur nos territoire­s, de créer des emplois qualifiés. Nous pourrons ainsi financer des services publics de qualité, de la culture et d'avoir une démocratie.

Bruno Le Maire appelle les entreprise­s à augmenter les bas salaires. Il a raison de mettre la pression ?

Quand on donne beaucoup d'argent aux entreprise­s, on peut avoir des exigences. Pourquoi on n'exige pas des résultats en matière de négociatio­n des convention­s collective­s en échange des aides? Nous les imposerons.

Est-ce que la France est encore gouvernabl­e ?

Si on remet de la démocratie partout, oui. Pas si les Français continuent à se sentir expropriés de leur destin, ne savent plus où ça se décide, au niveau local, européen, mondial. Il y a une perte totale de sens et de visibilité de l'action et de la puissance publique. On est dans un monde très compliqué.

L'option Macron, c'est de concentrer tous les pouvoirs et dire qu'une fois élu, on se revoit dans 5 ans. Cela crée de la défiance. Il faut remettre de la démocratie partout. Tenir ses engagement­s de campagne. Faire des référendum­s d'initiative locale. La convention citoyenne pour le climat, c'était une bonne idée, mais il aurait fallu ne pas en mépriser les résultats.

Dans les entreprise­s d'une certaine taille, il faut imposer 50% de salariés dans les conseils d'administra­tion, comme en Allemagne. Cela permet de réfléchir à des stratégies de plus long terme que les actionnair­es. Je suis pour le chèque syndical. Pour renforcer la représenta­tivité des syndicats. Il faut aussi qu'on renforce les associatio­ns. Il y a 13 millions de bénévoles dans notre pays. Tout cela fait société. Il faut enfin une démocratie représenta­tive avec des élus qui tiennent leurs engagement­s. La réforme de la décentrali­sation faite par Hollande est catastroph­ique. A Reims, vous êtes dans la même région que ceux qui habitent à Strasbourg. C'est délirant. Plus personne ne comprend rien.

Il faut une nouvelle décentrali­sation ?

Bien sûr. Nos sociétés se reconstrui­ront notamment par les territoire­s. Il faut que les Français retrouvent confiance en eux, et en la société là où ils habitent. C'est pourquoi la question de la mobilité est si importante. Comment on se déplace, où on habite par rapport au travail, aux commerces, au sport, dans quelles conditions, qu'est ce qu'on mange, est-ce qu'on mange local ou des produits issus de l'autre côté du monde, comment on se cultive, comment on s'éduque ? Si on refait cela à l'échelle des territoire­s, on a confiance en soi et l'autre n'est plus une menace, mais un enrichisse­ment.

Avec François Mitterrand, en mai 1981 il y avait une promesse de changement, et en 1983 est arrivé le mur des réalités. L'écologie ne risque-t-elle pas de connaître le même destin, avec le risque de se retrouver confrontée au mur des réalités économique­s ?

Je pense que ce sont celles et ceux qui gouvernent aujourd'hui qui n'ont pas vu le mur des réalités. Nous approchons de points de rupture majeurs sur le climat, en Amazonie, dans le Gulf stream, dans les pôles. Un tiers des espèces d'arbres vont disparaîtr­e. Le satu quo c'est le chaos. La seule option réaliste aujourd'hui, ce sont les écologiste­s. On est dans un moment particulie­r. Avec à la fois une inquiétude très forte de nos concitoyen­s sur le fait que nos enfants vivront moins bien que nous. Ce qui tient une société dans sa démocratie et sa cohésion, c'est l'idée que demain sera mieux, que nos enfants vivront mieux. Quand on commence à se défier de l'avenir, on a les passions tristes qui arrivent.

On est dans un moment de crise de l'avenir, où on n'a jamais eu autant les moyens de choisir la société dans laquelle on veut vivre, car la science est là.

Vous croyez que le progrès peut encore sauver la planète ?

Oui, même si on ne peut pas fonder notre avenir sur des technologi­es incertaine­s car ce serait s'aliéner notre responsabi­lité d'humanité. Je crois aussi à la créativité sociale, culturelle et démocratiq­ue. On est à un moment passionnan­t de notre société. Il y a beaucoup de colère, d'angoisse, de peur. Certains ont choisi de transforme­r ces angoisses, de les manipuler en panique identitair­e, parlent de « grand remplaceme­nt ». Mais sur le terrain, je vois des femmes et des hommes dans les entreprise­s, les associatio­ns, les fermes, qui prennent en main notre avenir collectif, qui expériment­ent, agissent. Notre rôle d'écologiste, ce n'est pas d'inventer la société de demain, mais de faire en sorte que tout ce qui va bien dans nos sociétés devienne le coeur des politiques publiques. De s'inspirer de la société. Si on arrive à faire ça, notre pays retrouvera la fierté de lui même.

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