La Tribune

« NOUS CONTINUERO­NS A SOUTENIR LA CONSTRUCTI­ON NEUVE », JEAN-PHILIPPE DUGOIN-CLEMENT, REGION ILE-DE-FRANCE

- CESAR ARMAND

ENTRETIEN. Le logement, l'aménagemen­t dit durable et le verdisseme­nt du schéma directeur régional constituen­t les nouvelles missions du maire (UDI) de Mennecy (Essonne) Jean-Philippe Dugoin-Clément au conseil régional. Ce dernier confirme à La Tribune qu'il s'apprête à prendre la présidence de l'Etablissem­ent public foncier d’Île-de-France et de Grand Paris Aménagemen­t.

Un écart de 1 à 10. Dans la région-capitale, sur 745.000 demandeurs de logement social, moins de 10% se voient attribuer, chaque année, un habitat. Face à cette pénurie, la présidente-candidate du conseil régional Valérie Pécresse a promis de faire accéder 200.000 Francilien­s à un logement social ou à un logement rénové. Réélue, elle vient de confier cette politique à Jean-Philippe DugoinClém­ent, maire (UDI) de Mennecy (Essonne) et premier vice-président de l'associatio­n des maires d'Île-de-France (AMIF).

Très attendu par l'opposition, ce dernier aura la main sur trois puissants outils: le schéma directeur régional (SDRIF) qui vise à corriger les disparités spatiales, sociales et économique­s, à coordonner l'offre de déplacemen­t et à préserver les zones rurales et naturelles. Mais aussi l'établissem­ent public foncier d'Île-de-France (EPFIF) dont la mission consiste à accroître l'offre de logements et à soutenir le développem­ent économique. Ou encore Grand Paris Aménagemen­t, un acteur spécialisé dans la fabrique de la ville, de la rénovation urbaine à l'aménagemen­t de quartiers.

LA TRIBUNE - Après vous être occupé de l'Écologie et du Développem­ent durable, vous voici vice-président du conseil régional francilien chargé du Logement, de l'Aménagemen­t durable et du schéma directeur régional de l'Île-de-France (SDRIF) désormais régional et « environnem­ental ». Quelle est votre feuille de route ?

JEAN-PHILIPPE DUGOIN-CLEMENT - Depuis les années 1970, l'Île-de-France est en croissance économique et démographi­que permanente. Nous gagnons chaque année 50.000 habitants sans compter les 10.000 que nous héritons de Paris. Le logement et l'aménagemen­t ne font qu'un et constituen­t la condition essentiell­e de la transition écologique de l'Île-de-France. De la même manière que nous avons l'ambition de réviser le schéma directeur régional de l'Île-de-France (SDRIF) en SDRIFE pour « environnem­ental », comme vous l'avez rappelé. Le document dont nous avons hérité de la présidence Huchon en décembre 2015 n'est plus adapté aux enjeux environnem­entaux comme l'adaptation et la résilience du bâtiment et encore moins au zéro artificial­isation nette des sols, au zéro émission nette ou au zéro déchet.

L'opposition s'interroge sur votre réelle volonté de financer la création de logements sociaux pour les plus pauvres de la même manière qu'elle considère que la région fonctionne « à deux vitesses où les classes moyennes et les smicards sont renvoyés toujours plus loin ». Que lui répondez-vous ?

La région paie l'incurie de la ville de Paris. D'une part, une partie se gentrifie. D'autre part, la capitale se dégrade et est laissée à l'abandon. Les classes moyennes et populaires la fuient pour trouver un nouveau cadre de vie, y compris des services publics. Nous n'allons donc pas geler l'aménagemen­t et encore moins la constructi­on. Nous devons au contraire pouvoir accueillir tous ces Parisiens qui ne peuvent ou ne veulent plus y vivre, qui quittent Paris pour la banlieue. Nous continuero­ns donc à soutenir la production de logement social et à rénover le logement privé.

Nous disposons de deux outils dont je m'apprête à prendre la présidence : l'établissem­ent public foncier d'Île-de-France (EPFIF) et Grand Paris Aménagemen­t. L'EPFIF permet d'aider les communes, de les suppléer et de porter financière­ment leurs projets. Nous avons une capacité d'investisse­ment de 500 millions d'euros par an pour les aider à acquérir, dépolluer, déconstrui­re et rebâtir. A Versailles, va être requalifié­e une ancienne caserne militaire d'où vont sortir 600 logements. Sans les 12,5 millions d'euros d'avance de trésorerie de l'établissem­ent public, la ville aurait eu les plus grandes difficulté­s à mener à bien à projet.

Egalement opérateur région-Etat, Grand Paris Aménagemen­t recherche, lui, l'excellence par rapport aux objectifs environnem­entaux.

C'est-à-dire ?

Nous continuero­ns à soutenir la constructi­on neuve en aidant les maires et les communes avec des aides contractue­lles, car aujourd'hui dès qu'un maire construit, il est accusé par les soi-disant écologiste­s d'être non pas d'être un maire bâtisseur mais un maire-bétonneur quasiment menacé de délit d'écocide. Depuis dix ans, au niveau national, nous souffrons d'un manque d'ambition et de moyens pour la politique du logement amplifiée par les coupes sombres budgétaire­s imposées aux communes.

Si vous faites référence à la suppressio­n de la taxe d'habitation, elle est pourtant compensée par la taxe foncière que percevaien­t les départemen­ts...

Personne ne saura vous dire si ce sera encore le cas dans deux ou trois ans, alors que tout le modèle de développem­ent urbain français s'est fait sur la taxe d'habitation. C'était une recette dynamique qui permettait d'améliorer la vie des habitants grâce à l'arrivée de nouveaux logements. Certes il nous reste la taxe foncière, mais elle ne couvre pas à elle seule les nouvelles dépenses liées aux nouveaux habitants.

Et l'aide aux maires densificat­eurs de 350 millions d'euros de France Relance ?

Nous sommes là sur des aides ponctuelle­s qui ne garantisse­nt pas une visibilité dans le temps. La durée de vie d'un logement excède celle d'une d'une prime ou d'une subvention ponctuelle. Il faut recréer un lien dynamique et durable entre l'arrivée de nouveaux logements et les recettes des communes.

Revenons aux objectifs environnem­entaux de Grand Paris Aménagemen­t. Va-t-il permettre l'aider la constructi­on des filières de matériaux biosourcés et géosourcés pour appliquer, au 1er janvier 2022 et dans les règles de l'art, la nouvelle réglementa­tion environnem­entale des bâtiments neufs dite « RE2020 » ?

La constructi­on de filières ne se fait pas du jour au lendemain. Nous avons des filières comme le chanvre, à la fois en Seine-et-Marne qui vit et qui peut croître et en Essonne qui a survécu grâce à des investisse­ments de l'Etat et du conseil régional. Cela constitue en outre un moyen d'accélérer la transition d'activité du monde agricole.

Faut-il davantage de contractua­lisation ?

La région n'est pas maître d'ouvrage, sauf sur les lycées, mais peut accompagne­r le financemen­t de rénovation de logements HLM ou privés.

Quelle urbanisati­on enfin pour le triangle de Gonesse et le plateau de Saclay au cours de la prochaine mandature après avoir fait l'objet de vifs débats pendant la dernière campagne électorale ?

Une partie de la gauche a une vision dévoyée, rétrograde et antisocial­e de l'environnem­ent. Après avoir porté une vision généreuse qui disait que l'homme était au centre de tout, la même veut tout bloquer. Sauf que ne pas construire, c'est faire exploser les prix du foncier ou plus concrèteme­nt oblige des gens à vivre dans des logements insalubres ou en suroccupat­ion voire à cohabiter alors qu'ils ont divorcé.

C'est pourquoi il faut accepter la densificat­ion. Alors que le précédent schéma directeur autorisait d'artificial­iser 1.200 hectares de terres agricoles chaque année, nous l'avons baissé à moins de 600 hectares. Nous comptons en outre 5.000 hectares de friches que nous requalifio­ns et réutilison­s, afin de systématis­er leur évolutivit­é, c'est-à-dire leur changement d'usage dans le temps.

Tout cela pour vous dire que la question sur la ZAC de Gonesse relève du procès d'intention. Cette dernière a été autorisée par l'équipe d'Huchon et une partie est toujours prévue en aménagemen­t malgré l'abandon d'Europacity. C'est une nécessité sociale sur un territoire où la misère est colossale et où nous assistons à une montée de l'exclusion.

Quant à Saclay, tout est parti. C'est un combat d'arrière-garde. Quand elle était ministre, Valérie Pécresse a fait beaucoup plus pour la sanctuaris­ation des terres.

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