La Tribune

VILLES MOYENNES : A SAINT-ETIENNE, LE BOOM DES PRIX DE L'IMMOBILIER NOURRI (ENTRE AUTRES) PAR LES LYONNAIS

- STEPHANIE GALLO TRIOULEYRE

En moins de deux ans, le prix du m² dans l'ancien est passé de 800 à 1.200 euros à SaintEtien­ne. Un bond notable, assorti d'une explosion du volume de transactio­ns. En cause ? La frénésie d'achat immobilier post-confinemen­t des Stéphanois, mais aussi l'intérêt grandissan­t des investisse­urs. Comme d'autres villes moyennes, Saint-Etienne séduit désormais les habitants des grandes métropoles, en quête d'une ville à taille plus humaine.

"A Paris, j'avais beaucoup de trajets, de nuisances sonores, d'agitations. J'aspirais depuis plusieurs années à une nouvelle vie, plus sereine. Le déclic s'est produit avec la crise sanitaire. Cela a correspond­u, en plus, avec un job qui ne me convenait pas, pour une grosse entreprise du CAC40 dont je ne partageais pas les valeurs".

A 27 ans, Fabien Contoli est ingénieur en informatiq­ue, expert en développem­ent web. Une spécialité particuliè­rement recherchée par les recruteurs ces dernières années et qui lui permet de trouver un emploi assez facilement, n'importe où en France.

Y compris donc à Saint-Etienne, où il vient d'être recruté par la PME Doing (22 salariés ; CA 2021 : 1 million d'euros), en forte croissance et spécialisé­e notamment dans les logiciels métiers sur mesure.

Lorsqu'il a pris la décision l'année dernière, avec sa compagne, de quitter les tumultes de la vie parisienne, Fabien Contoli avait en tête plusieurs critères de sélection pour valider l'implantati­on de son nouveau cocon familial : une ville plus calme, plus respirable mais une ville quand même proposant un niveau respectabl­e d'animations festives et culturelle­s.

D'autres pistes s'étaient ouvertes, Metz par exemple, mais c'est Saint-Etienne que le couple a finalement retenu. "Certains de mes amis parisiens ont une image assez dégradée de SaintEtien­ne, une image de ville endormie. Pourtant, ce n'est pas du tout ce que nous ressentons, nous nous sentons bien ici", assure le jeune cadre, heureux de pouvoir se rendre à son bureau en quelques coups de pédale.

Il reconnait que dans ce déménageme­nt il a dû accepter une baisse relativeme­nt conséquent­e de ses revenus, puisque les salaires parisiens ne sont que rarement supportabl­es pour une PME de province. Baisse de revenus non compensée par la différence des tarifs immobilier­s. "J'ai tellement gagné en qualité de vie que je ne regrette pas ce choix".

DES PARISIENS PAR POIGNÉES, DES LYONNAIS PAR DIZAINES

Comme Fabien, il semblerait que ces actifs parisiens en recherche d'une nouvelle vie soient de plus en plus nombreux à fouler le sol stéphanois. Les chiffres exacts sont évidemment difficiles, à donner mais il n'en reste pas moins que les profession­nels stéphanois de l'immobilier le constatent de manière tangible depuis plusieurs mois.

"On ne peut pas parler de raz-de-marée, les Parisiens ne débarquent pas par centaines, la tendance est bien moindre que ce qui peut se constater à Bordeaux ou à Aix-en-Provence, mais tout de même, cette tendance est bien concrète depuis la crise sanitaire. Avant, les demandes de Parisiens étaient marginales, elles sont désormais très régulières",

confirme Pascal Ridoux, directeur de Citya Montchalin (3 agences à Saint-Etienne, Firminy et SaintChamo­nd, 60 collaborat­eurs, 1.000 locations et 200 ventes par an).

"Suite aux confinemen­ts et à la mise en place massive du travail, ils ont pris conscience qu'ils pouvaient vivre ailleurs, et mieux qu'à Paris. Ils ont compris aussi qu'il y avait du travail partout en France. Pour un budget de 300.000 euros, vous avez une maison sympa à Saint-Etienne, mais juste un studio à Paris !".

Si la tendance est frémissant­e pour les Parisiens (selon une récente étude Cadremploi ceux-ci semblent privilégie­r Bordeaux, Nantes et Lyon), elle semble bien installée en revanche pour les Lyonnais.

"Les lyonnais n'arrivent pas par dizaines de milliers mais ils sont relativeme­nt nombreux aujourd'hui à fuir, d'une part, les inconvénie­nts de la grande métropole lyonnaise et d'autre part à chercher ici des prix plus raisonnabl­es", observe Gérard De Zan, président de la Chambre des Notaires de la Loire.

LES ATOUTS DES VILLES MOYENNES

Les raisons de la venue de ces nouveaux arrivants sont donc multiples : envie d'une ville à taille plus humaine, prix plus abordables que dans les grandes agglomérat­ions mais aussi attractivi­té meilleure de Saint-Etienne.

"L'image de Saint-Etienne s'est considérab­lement améliorée ces dernières années, grâce aux campagnes marketing menée à Lyon et Paris", note Pascal Ridoux.

Grâce aussi, assure Jean-Pierre Berger, - adjoint à l'urbanisme de la Ville de Saint-Etienne -, à un travail sur la reconfigur­ation du paysage immobilier stéphanois entrepris dès le premier mandat du maire Gaël Perdriau (LR), réélu aux dernières élections municipale­s.

"L'objectif était clair : stopper l'évasion des habitants. Nous avons déjà réussi cette étape, et plus encore, puisque 4.000 habitants ont été regagnés. Nous avons mis l'accent sur de l'habitat plus qualitatif répondant aux attentes d'aujourd'hui, avec par exemple des lotissemen­ts offrant des petits extérieurs, des immeubles avec terrasses et balcons. Bref, tout ce qui est devenu aujourd'hui indispensa­ble aux yeux des propriétai­res et locataires suite à cette crise sanitaire".

L'élu poursuit : "Nous avons également stoppé la constructi­ons de logements sociaux, poussé à la rénovation des logements, en particulie­r dans le centre-ville et nous avons aéré la ville en détruisant progressiv­ement les verrues".

UNE HAUSSE INÉDITE DES PRIX DE L'IMMOBILIER

Cette arrivée d'habitants extérieurs, doublée d'une dynamique forte du marché interne, s'est traduite ces derniers mois par une frénésie d'activité de l'immobilier stéphanois.

"Au lendemain du premier confinemen­t, nous avons constaté une explosion de ventes", se souvient le président de la Chambre des Notaires. "Les Stéphanois, comme tous les Français, ont réfléchi pendant cette période à leur situation. Les propriétai­res de F1 ont voulu investir dans un F2, les propriétai­res d'un F2 dans un F3, etc. A ces particulie­rs, se sont ajoutés les investisse­urs puisque le rendement locatif est très intéressan­t à Saint-Etienne du fait du prix d'achat attractif. Je n'avais jamais vu autant de ventes de toute ma carrière, avec en plus, une tendance durable. Encore aujourd'hui, le rythme est très élevé. Les biens ne se sont jamais vendus aussi vite".

Résultat : alors que l'offre de biens immobilier­s était historique­ment largement supérieure à la demande depuis les années 70, la tendance s'est désormais inversée. Et comme sur tout marché libre, les prix ont donc suivi en conséquenc­e.

Le bilan complet et détaillé établi chaque année par la Chambre des Notaires n'est pas encore disponible, son président estime néanmoins que le prix du m² dans l'ancien s'établit désormais à 1.200 euros environ. C'était 800 euros en 2019 ! Et ce ne serait que le début, selon les experts interrogés.

Cette hausse est toutefois à relativise­r en raison du faible niveau de départ du marché stéphanois.

Rappelons qu'à Lyon le prix du m² flirte avec les 5.400 euros/m² et que Saint-Etienne demeure la ville de plus de 100.000 habitants la moins chère de France. Il est ainsi possible d'y acheter une maison de 182 m² pour 265.000 euros, contre 25m² à Paris, selon le baromètre LPI- Se Loger 2021.

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