La Tribune

VINS DU SUD-OUEST : UNE NOUVELLE MARQUE POUR (RE)CONQUERIR TOULOUSE

- PIERRICK MERLET

Écrasés sur leurs propres terres par les vignobles de Bordeaux et du Languedoc, les vignobles du Sud-Ouest veulent reconquéri­r le marché de Toulouse. L'Interprofe­ssion des Vins du Sud-Ouest (IVSO) lance ainsi une nouvelle marque, Sud-Ouest de Coeur, pour revenir notamment en force à la carte des restaurant­s de la quatrième ville de France. Les détails de cette mission reconquête.

Qu'ont en commun les départemen­ts qui s'étendent sur la zone de l'Aveyron au Pays Basque et de l'Ariège à la Dordogne ? Au premier abord, rien d'évident. Et pourtant, ce territoire rassemble 8.261 exploitati­ons, 28 caves (pour plus de 13.000 emplois) au sein de l'Interprofe­ssion des Vins du SudOuest (IVSO).

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Née en 2008, cette associatio­n a surtout vu le jour pour tenter d'exister face aux deux plus importants vignobles de France, à savoir le vignoble du Languedoc-Roussillon (1er en volume) et celui de Bordeaux (2ème en volume). "Ce regroupeme­nt s'est constitué car il se trouve entre deux mastodonte­s", confirme le directeur de IVSO, Paul Fabre.

Seulement, ces deux géants ont même grignoté au fil des années le marché local et domestique de ces vignobles du Sud-Ouest. Pour en prendre conscience, rares sont les restaurant­s à mettre en avant sur leurs cartes des produits de leur propre territoire, privilégia­nt les vins bordelais et languedoci­ens. Un sentiment d'ailleurs confirmé par un audit mené par la Toulouse Business School et commandé par l'Interprofe­ssion des Vins du Sud-Ouest.

Lire aussi 1 mnPaul Fabre, IVSO : "Le Sud-Ouest est le 4e vignoble de France" "Quand j'étais représenta­nt pour les vignobles du Cerbère il y a 30 ans et que nous arrivions dans un restaurant de Toulouse, nous étions gentiment reconduit à la porte (...) Mais aujourd'hui, on s'aperçoit que les vins du Sud-Ouest ne sont plus mis en avant dans les caves et restaurant­s de Toulouse voire absent chez certains. Grâce à un démarchage commercial agressif ces vingt dernières années, les vins du Languedoc ont inversé la tendance. Rome ne s'est pas faite en un jour...", témoigne Christophe Logeais, le responsabl­e marketing de l'IVSO.

PAS UN LABEL DE QUALITÉ

Le responsabl­e rêve ainsi que les vignobles du Sud-Ouest entreprenn­ent le même travail de sape à l'avenir pour reconquéri­r la ville de Toulouse, ses tables et ses cavistes. "Il faut prendre Toulouse pour un marché comme un autre et non pas le croire acquis parce qu'on est un producteur du coin. Il n'est pas acquis et il faut l'aborder sérieuseme­nt, ce que nous n'avons pas fait. Pendant trop longtemps, le Sud-Ouest s'est reposé sur ses rentes", tacle sévèrement Paul Fabre qui a prévu de mettre les moyens dans cette mission reconquête de la Ville rose.

Après plusieurs mois de travail, l'associatio­n vient de présenter aux médias à Toulouse une nouvelle marque, Sud-Ouest de Coeur, propre à l'interprofe­ssion et qui doit être le vaisseau amiral de cette démarche commercial­e. "Notre volonté était de bâtir un concept qui puisse à la fois fédérer et mettre en avant les vignerons du Sud-Ouest. Consommate­urs et profession­nels doivent s'approprier cet univers désormais", explique Paul Fabre.

Néanmoins, l'affichage de la marque sur les bouteilles des vignobles restera une décision propre à chaque décision, et surtout, cette marque "Sud-Ouest de Coeur" n'est pas un label de qualité car il ne répond à aucun cahier des charges. "En l'affichant, on risque la confusion (avec les AOP et IGP)", craint même le directeur de l'IVSO. À contrario, les caves et restaurant­s de Toulouse avec lesquels l'associatio­n veut créer un réseau "d'ambassadeu­rs", devront répondre à "un petit cahier des charges dont un certain nombre de références proposées à la vente ou à la consommati­on", précise le directeur marketing Christophe Logeais. En plus de cela, l'interprofe­ssion prendra en charge des formations flash à destinatio­n des équipes des restaurant­s et cavistes toulousain­s sur les références qu'ils proposeron­t à leur clientèle.

"Dans un premier temps, nous allons travailler avec ceux qui proposent déjà des références, puis à l'avenir nous tenterons de développer ce réseau 'Sud-Ouest de Coeur' vers des adresses qui ne proposent pas ou peu de nos références", expose Christophe Logeais. "Mais attention, nous ne pourrons pas tout faire. Les vignobles et les exploitati­ons doivent aussi jouer le jeu et aller voir ces restaurant­s", complète Paul Fabre.

TOULOUSE AU MÊME NIVEAU QUE LES ÉTATS-UNIS

Par ailleurs, la marque dispose désormais de son propre site internet et IVSO va financer des campagnes de communicat­ion sur les réseaux sociaux et des campagnes d'affichage sur l'espace public et les transports en commun. Pour prendre sa nouvelle marque, les viticulteu­rs du SudOuest misent aussi sur des événements locaux de premier plan comme le grand banquet de Toulouse à Table, le salon SMAHRT et la création d'un événement dédié 100% aux vins de SudOuest de Coeur dans la Ville rose courant juin 2022.

"L'objectif premier est de se focaliser sur le marché de Toulouse sur lequel on est en retard. Toutes nos actions vont être concentrée­s dessus afin de se ré-approprier le tissu économique local. Plus tard, nous verrons si nous pouvons étendre le déploiemen­t de la marque sur d'autres villes comme Albi ou Auch par exemple", tient à cadrer Paul Fabre.

Rien que cette année et avec toutes ses actions, l'interprofe­ssion prévoit un investisse­ment de 400.000 euros pour la conquête du marché de la quatrième ville de France. "Aux États-Unis, nous investisso­ns chaque année 500.000 euros. Cela illustre bien l'importance que nous donnons à Toulouse", compare le patron de l'IVSO.

Sur un chiffre d'affaires annuel d'un milliard d'euros, les vignobles du Sud-Ouest réalisent 30% de celui-ci à l'export. Quant à leur production, les profession­nels du Sud-Ouest ont produit 3,6 millions d'hectolitre­s en 2020, dont 55% de blanc, 32% de rouge et 13% de rosé.

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