La Tribune

15 % des bénéfices des banques européenne­s sont logés dans des paradis fiscaux

- ERIC BENHAMOU

Selon une étude de l'Observatoi­re européen de la fiscalité, les 36 plus grandes banques européenne­s comptabili­sent environ 20 milliards d'euros de profits par an dans des pays à fiscalité réduite. Le groupe HSBC arrive en tête des banques les plus agressives en matière d'optimisati­on fiscale alo ...

Selon une étude de l’Observatoi­re européen de la fiscalité, les 36 plus grandes banques européenne­s comptabili­sent environ 20 milliards d’euros de profits par an dans des pays à fiscalité réduite. Le groupe HSBC arrive en tête des banques les plus agressives en matière d’optimisati­on fiscale alors qu’en France, Société générale et Crédit agricole devancent BNP Paribas, qui a sensibleme­nt réduit sa présence dans les paradis fiscaux.

Le secteur bancaire tire toujours profit des paradis fiscaux. Telle est la principale conclusion d'une étude, publiée le 6 septembre, de l'Observatoi­re européen de la fiscalité, associée à l'École d'économie de Paris. Selon le rapport, environ un quart des profits dégagés par les 36 grandes banques européenne­s du panel sont logés dans des pays où le taux effectif d'imposition est inférieur à 15 %.

Pas forcément donc des paradis mais des pays dont la fiscalité peut être qualifiée comme réduite. La limite du taux d'imposition de 15 % ne doit rien au hasard : c'est le taux minimum mondial proposé par l'OCDE dans le cadre d'une grande réforme sur la fiscalité des multinatio­nales. Une idée reprise par les ministres des finances du G20 en juillet dernier à Vienne pour une mise en oeuvre dès 2023.

L'étude a passé au crible la répartitio­n des profits par pays des grandes banques européenne­s depuis 2014. Parallèlem­ent, une liste de 17 pays (dont le Luxembourg, l'Irlande, Malte ou Jersey en Europe), considérés comme des paradis fiscaux, a été établie en fonction de leur taux d'imposition (moins de 15%) mais aussi en fonction d'une productivi­té par salarié des filiales présentes particuliè­rement élevée.

En croisant ces deux critères, l'Observatoi­re européen de la fiscalité constate que les banques de l'échantillo­n enregistre­nt dans ces 17 pays environ 20 milliards d'euros de bénéfices chaque année, soit 14% de leurs profits totaux, une proportion d'ailleurs stable depuis 2014. « Les bénéfices comptabili­sés dans ces paradis fiscaux sont anormaleme­nt élevés », souligne l'étude, suggérant que ces profits proviennen­t pour l'essentiel d'activités dans d'autres pays. Ces résultats sont étonnants alors que les banques sont soumises à un cadre réglementa­ire de plus en plus strict, notamment en termes de transparen­ce vis-à-vis des paradis fiscaux. C'est d'ailleurs grâce à ces obligation­s de transparen­ce que l'étude a pu être conduite. Mais force est de constater que les marges de manoeuvre existent toujours.

20 % DE TAUX D'IMPOSITION MOYEN

Toutes les grandes banques ne sont pas logées à la même enseigne. Si neuf banques de l'échantillo­n ne dégagent aucun profit dans les paradis fiscaux, d'autres comptabili­sent près de 60 % de leurs profits dans ces pays. Au total, le taux moyen d'imposition des banques est de 20 %, avec un minimum de 10 % et un maximum de 30 %. Parmi les banques les plus agressives en matière d'optimisati­on, les banques britanniqu­es sont surreprése­ntées, notamment RBS, Standard Chartered, HSBC et Barclays, avec des taux d'imposition effectif inférieur à 15 %. HSBC figure en tête du classement, ce qui n'est guère surprenant alors que 60 % de ses profits sont enregistré­es à Hong Kong (taux d'imposition moyen de 11%).

Les banques françaises ont, de leur côté, réduit ces dernières années leur présence dans les paradis fiscaux, notamment BNP Paribas qui est passé environ de 10 % de ses profits logés dans ces pays en 2014 à moins de 7 % en 2020. Recul également pour Société générale et Crédit agricole, même si les deux banques ont toujours plus de 10 % de leurs profits dans des paradis fiscaux (respective­ment de 13,8% et 11,5% en 2020).

UN MANQUE À GAGNER DE 3 À 5 MILLIARDS D'EUROS

L'étude s'interroge au passage sur la forte présence de Société générale en République Tchèque, une filiale qui réalise presque autant de profits qu'en France ! Certes, ce pays n'est pas considéré comme un paradis fiscal mais son taux d'imposition (17%) reste bien inférieur à celui de la France (26%). Pour les auteurs de l'étude, cela montre qu'il existe bien un arbitrage fiscal à l'intérieur même de l'Union européenne.

Selon l'Observatoi­re, l'applicatio­n éventuelle d'un impôt minimum de 15 % pourrait générer 3 à 5 milliards d'euros d'impôts supplément­aires pour les États européens, sur la base des 36 banques analysées. Un surplus qui pourrait même atteindre 10 à 13 milliards d'euros si cette taxe minimum devait être fixée à 25 %.

En France, le manque à gagner de la situation actuelle par rapport à un taux d'imposition minimum appliqué aux banques est de 340 millions d'euros en 2020 mais il était de plus de 500 millions en 2016, un bon cru pour les résultats bancaires. Mais l'accord du G20 de Vienne devrait mettre fin à ce dumping fiscal.

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