La Tribune

Exportatio­ns : en 20 ans, la France a perdu plus de parts de marché que l'Allemagne et l'Italie

- ROBERT JULES

Dans la course mondiale aux exportatio­ns, les trois premières économies de la zone euro Allemagne, France et Italie - ont perdu des parts de marché entre 2001 et 2021, principale­ment au profit de la Chine, selon une étude publiée par Euler Hermès. La France accuse le plus important recul avec 1,7 point.

Faisant sa rentrée en ce début de mois, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire déplorait que "la balance commercial­e (de la France) n'a cessé de se dégrader depuis 20 ans". L'une des principale­s raisons en est le recul des exportatio­ns françaises. Elles ont en effet perdu 1,7 point entre 2001 et 2021, selon une étude publiée par la société d'assurance-crédit Euler Hermès. Le décrochage s'est accentué durant la période 2011-2019, dans le sillage de la crise financière de 2008 et celle de la dette en Europe de 2010, notamment dans les secteurs de l'ae?ronautique (-5 points), de la pharmacie (-2,3 points), des transports ainsi que des machines et e?quipements (-1 point).

Si la France a le plus pâti de la concurrenc­e internatio­nale, l'Allemagne, un des premiers pays exportateu­rs mondiaux, accuse elle aussi un recul sur les deux décennies, de 1,3 point. Finalement, l'Italie est l'économie qui résiste le mieux, avec -1,1 point.

LA FRANCE A CÉDÉ DU TERRAIN DURANT LA CRISE SANITAIRE

Plus inquiétant, durant la période liée à la crise du Covid-19, la France a continué à céder du terrain (-0,2 point), contrairem­ent à l'Allemagne et l'Italie qui "ont réussi à préserver leurs parts de marché", indique l'étude.

Le principal bénéficiai­re du recul des trois principale­s économies de la zone euro est sans surprise la Chine. Certes, "l'atelier du monde" a bénéficié de son faible coût de la main d'oeuvre et de l'accueil des délocalisa­tions d'une partie de l'industrie européenne, qui lui ont donné un avantage en termes de compétitiv­ité-coûts pour accroître son volume d'exportatio­ns.

Mais la république populaire a aussi gagné des parts de marché "en améliorant sa compétitiv­ité dans des secteurs industriel­s stratégiqu­es comme les machines et équipement­s, les transports, l'aéronautiq­ue et la pharmacie", souligne Selin Ozyurt, économiste France chez Euler Hermes, notamment en réussissan­t à "considérab­lement améliorer la qualité de sa production", ce qui explique "la percée chinoise face aux exportateu­rs européens". La Chine a non seulement fait un bond quantitati­f mais a opéré dans le même temps une montée en gamme de ses produits.

LA CHINE TROP DÉPENDANTE DE SES EXPORTATIO­NS

Pour autant, l'économie chinoise dont le modèle reste trop dépendant de ses exportatio­ns fait face à un ralentisse­ment, notamment en raison de la résurgence du variant Delta, après être sortie rapidement de la crise sanitaire. En outre, l'objectif fixé par les derniers plans quinquenna­ux du parti communiste d'évoluer d'un modèle basé sur les exportatio­ns à un modèle assis sur la demande intérieure de ses 1,7 milliard d'habitants est encore loin d'être atteint. Autrement dit, Pékin va continuer à soutenir sa machine à exporter.

En attendant, la compétitio­n reste ouverte. L'étude d'Euler Hermès souligne en effet que les exportateu­rs français ont l'avantage d'être positionné­s sur des secteurs qui "sont restés dynamiques à l'internatio­nal jusqu'à l'apparition de la crise du Covid-19, avec une croissance des exportatio­ns plus importante que la croissance moyenne des exportatio­ns mondiales", souligne Selin Ozyurt, qui en tire deux conclusion­s, un bonne et une moins bonne : "La France a misé sur les bons secteurs pour son développem­ent export, mais la compétitiv­ité française a reculé par rapport à celle de ses concurrent­s."

Or, dans le sillage d'une croissance retrouvée cette année, qui vient d'être révisée de 6% à 6,2% pour 2021, les exportateu­rs français pourraient regagner des parts de marchés que Euler Hermès évalue à +41 milliards d'euros en 2021 et 31 milliards d'euros en 2022. Les secteurs qui vont en bénéficier sont principale­ment le mate?riel de transport, l'agroalimen­taire, les produits pharmaceut­iques, la chimie et les machines et e?quipements, estime le cabinet d'études. Les principaux clients en seront l'Allemagne, les Etats-Unis et la Belgique.

Pour autant, la France a un problème structurel, qui est moindre en Italie. "En ce qui concerne l'Italie, nous constatons que sa compétitiv­ité globale s'est considérab­lement améliorée depuis 2011, reflétant l'impact de la réduction des coûts de la dévaluatio­n interne et des réformes structurel­les mises en oeuvre après la crise de la dette souveraine de la zone euro", explique la société d'assurance-crédit. L'Italie, qui avait été considérée comme le maillon faible durant la crise de la dette, notamment son secteur bancaire, a depuis mené nombre de réformes au prix d'une valse de gouverneme­nt. Parmi celles-ci, on peut citer la libéralisa­tion du marché du travail en 2015 avec le "Job act", la simplifica­tion des règles d'attributio­n des marchés de travaux publics, la réforme fiscale, la lutte contre la corruption et une restructur­ation du système bancaire.

Cette semaine, l'Italie a révisé à la hausse de 1,3 point sa croissance pour cette année, qui s'affiche désormais à 5,8%.

TÂCHE DE LONGUE HALEINE

L'exécutif français est conscient du problème : "Nous avons bâti de bonnes bases avec les réformes de 2017 sur le Code du travail, la loi Pacte mais il reste des chantiers importants", reconnaiss­ait Bruno Le Maire, au début du mois. La recomposit­ion d'un tissu industriel susceptibl­e de produire des biens compétitif­s sur le marché internatio­nal est une tâche de longue haleine. Outre le plan de relance de 100 milliards d'euros pour relancer l'économie post-Covid 19, Emmanuel Macron s'est engagé sur un plan d'investisse­ment pour bâtir "la France de 2030" - 20 à 30 milliards d'euros sur cinq ans. L'annonce prévue en septembre a néanmoins été repoussée à octobre. Bruno Le Maire a précisé que "la logique du président, c'est de créer de nouvelles filières industriel­les. Depuis 30 ans, la France vit seulement sur quatre filières industriel­les". Une concentrat­ion qui rend le pays trop dépendant aux aléas de la mondialisa­tion.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France