La Tribune

Confiante dans la reprise, la BCE prête à "modérer" ses rachats de dette

- ROBERT JULES

L'institutio­n de Francfort annonce un "ralentisse­ment" de ses rachats d'actifs sans en préciser les modalités dans le cadre de son plan adopté au début de la pandémie. Cette décision est justifiée par l'améliorati­on de la situation économique dans la zone euro. Mais la BCE se dit prête à agir si la reprise économique était freinée, notamment par le variant Delta.

Optimiste mais prudente. C'est le message que Christine Lagarde, sa présidente, a voulu faire passer lors de sa conférence de presse, à l'issue de la réunion des membres du conseil de la Banque centrale européenne (BCE) ce jeudi à Francfort (Allemagne), pour expliciter les décisions "prises à l'unanimité", a-t-elle insisté.

Dans son communiqué, l'institutio­n monétaire indique vouloir réduire son volume mensuel du rythme d'achats de dettes souveraine­s et d'entreprise­s dans le cadre de son programme d'urgence contre la pandémie (PEPP) qui court jusqu'à mars 2022, un ralentisse­ment qualifié de "modéré". De 80 milliards d'euros, les rachats mensuels devrait, eux, être ramenés entre 60 et 70 milliards d'octobre à décembre, selon les observateu­rs, la BCE n'ayant pas indiqué de montant.

20 MILLIARDS D'EUROS DE RACHATS MENSUELS VIA LE QE

La BCE va par ailleurs continuer d'acheter 20 milliards d'euros par mois de dette dans le cadre du Programme d'achats d'actifs (APP) mis en place avec l'assoupliss­ement quantitati­f (QE) datant de 2015, qui avait marqué le début des mesures exceptionn­elles de soutien, en complément de taux ultra bas.

"Nous prévoyons que ces achats du programme APP pourraient doubler en mars prochain (avec la fin du PEPP) pour éviter une forte baisse des achats nets d'actifs. Si nous avons raison, l'annonce d'aujourd'hui n'est pas le début du tapering, la réduction à zéro des achats d'actifs par la BCE, mais plutôt un ajustement du PEPP pour répondre aux conditions financière­s", commente Simon Wells, économiste chez HSBC.

Le "ralentisse­ment" d'achats d'actifs est en effet justifié aujourd'hui au regard de l'améliorati­on de la situation économique. La BCE a en effet revu à la hausse ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2021, à 5%, contre 4,7% estimés précédemme­nt. En revanche, elle abaisse de 0,1 point son estimation 2022, à 4,6%.

"Nous considéron­s que les risques pesant sur les perspectiv­es économique­s sont globalemen­t équilibrés. L'activité économique pourrait dépasser nos attentes si les consommate­urs deviennent plus confiants et épargnent moins que prévu actuelleme­nt. Une améliorati­on plus rapide de la situation liée à la pandémie pourrait également conduire à une expansion plus forte que celle envisagée actuelleme­nt", a indiqué Christine Lagarde, faisant allusion à la nécessité d'améliorer la couverture vaccinale.

EVOLUTION DE L'INFLATION

En effet, plusieurs incertitud­es demeurent. Il y a d'abord l'évolution de l'inflation. En juillet, les banquiers centraux de la zone euro avaient indiqué que leur nouvelle cible d'inflation à 2%, un objectif à moyen terme, pouvait tolérer des déviations temporaire­s.

Cela fut le cas au mois d'août, où elle a grimpé à 3%, alimentée par une hausse de la consommati­on après le ralentisse­ment lié à la pandémie mais aussi par les pénuries de matières premières, de composants industriel­s et des biens intermédia­ires qui ont créé des goulots d'étrangleme­nt, que la BCE pense temporaire­s, comme l'a répété Christine Lagarde lors de sa conférence de presse.

Les dernières prévisions de juin, en tablant sur 1,9% d'inflation en 2021, puis 1,5% en 2022 et 1,4% en 2023, accréditai­ent la thèse d'une fièvre temporaire d'inflation en cette année de rebond économique. "Si les goulets d'étrangleme­nt de l'offre durent plus longtemps et se répercuten­t sur les hausses de salaires plus élevées que prévu, les pressions sur les prix pourraient être plus persistant­es", a toutefois considéré Christine Lagarde.

ACTIONS DES GOUVERNEME­NTS

Les observatio­ns prudentes de la BCE visent à rassurer les marchés mais aussi à circonscri­re son action. Car l'évolution de la conjonctur­e dépend surtout des décisions des gouverneme­nts qui ont soutenu l'économie durant la crise sanitaire "quoi qu'il en coûte" et adopté des plans de relance conséquent­s. "Il ne faut pas oublier que la principale réponse politique à la pandémie a été budgétaire, et non monétaire, et c'est sur cet aspect que la « normalisat­ion » pourrait avoir d'importante­s répercussi­ons économique­s et financière­s pour les marchés. Or, sans surprise, les gouverneme­nts sont réticents à faire les premiers pas pour récupérer une partie des aides de soutien liées à la pandémie", constate Steven Barrow, économiste à la Standard Bank.

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