La Tribune

Le spatial au chevet de la biodiversi­té

- APPEL D'UN COLLECTIF (*)

OPINION. Toutes les 20 minutes, une espèce animale ou végétale disparaît de la surface de la Terre. L'équivalent de 26.000 espèces qui s'éteignent chaque année. Une fois le cadre posé, on se rend bien compte de tous les enjeux du Congrès mondial de la nature de l'UICN qui se tient depuis le 3 septembre à Marseille, avec pour objectif d'établir une stratégie ambitieuse pour mettre un terme à l'érosion de la biodiversi­té d'ici 2030.

La secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversi­té, Bérangère Abba, l'a rappelé en début d'année :

« Le Congrès mondial pour la nature de l'UICN est une étape fondamenta­le pour que la COP15 soit à la biodiversi­té ce que la COP21 a été au climat : un moment fondateur de la mobilisati­on internatio­nale pour la biodiversi­té. »

La biodiversi­té connait depuis deux siècles un effondreme­nt dont le rythme est cent à mille fois plus rapide que le rythme biologique normal, une crise d'extinction massive est donc en cours. La première depuis la disparitio­n des dinosaures il y a 66 millions d'années. La première aussi qui n'est pas la conséquenc­e de phénomènes naturels mais qui résulte de l'activité d'une seule espèce : l'Homme.

L'INNOVATION AU SERVICE DE L'ENVIRONNEM­ENT

Pendant des milliers d'années, le progrès technique a contribué à améliorer et à faciliter les conditions de vie humaines tout en ayant des impacts certes visibles, mais restreints, sur la biodiversi­té. La Révolution industriel­le a marqué une première accélérati­on de l'empreinte de l'Homme sur son environnem­ent. L'essor du pétrole au sortir de la seconde guerre mondiale l'a ensuite amplifiée.

Si la technologi­e et le progrès sont à l'origine de problèmes environnem­entaux majeurs, nous sommes convaincus qu'il ne faut pas pour autant renoncer à nos technologi­es modernes si l'on souhaite éviter une crise écologique. L'innovation est aussi source de solutions.

Les acteurs de la préservati­on ont besoin d'informatio­ns pour améliorer leurs connaissan­ces de la biodiversi­té ainsi que des pressions qui s'exercent sur elle. Les observatio­ns sur le terrain ne suffisent pas et c'est là que la télédétect­ion et les données satellitai­res rentrent en jeu. Une vingtaine d'indicateur­s a été fixée pour évaluer l'état et l'évolution des milieux naturels ; la moitié d'entre eux repose en effet sur l'observatio­n spatiale.

LES APPORTS DES TECHNOLOGI­ES SPATIALES

L'imagerie satellite nous permet de visualiser tout changement intervenu sur Terre avec un niveau de détail dans le temps et dans l'espace qui évolue sans cesse. Les données qui en sont issues fournissen­t des informatio­ns précises et fiables sur une très grande quantité de paramètres : état de l'atmosphère, des océans, des terres, la gestion des risques climatique­s, etc. La biodiversi­té en tant que telle ne peut être mesurée depuis l'espace, mais ces données sont ensuite analysées et exploitées par des laboratoir­es de recherche, des agences ou des entreprise­s pour améliorer l'état des connaissan­ces et faire émerger des solutions de préservati­on.

Les satellites, associés à d'autres techniques modernes d'observatio­n, sont par conséquent des outils d'aide à la décision et les applicatio­ns qui en découlent en matière de protection de la biodiversi­té sont multiples.

Pour le suivi des animaux tout d'abord, grâce aux célèbres balises Argos qui équipent 150.000 individus à travers le monde et qui ont permis de réécrire l'histoire des migrations animales. Pour préserver les habitats naturels ensuite, en luttant contre la déforestat­ion, la désertific­ation, l'artificial­isation des sols, le recul du trait de côte ou les pollutions plastiques. Également pour une gestion durable des pêches, en luttant contre la pêche illégale et contre les prises accidentel­les (tortues, dauphins, etc.).

Ou encore pour lutter contre le réchauffem­ent climatique via des grands programmes satellitai­res nationaux et internatio­naux qui permettent de suivre ses effets.

UN LEADERSHIP FRANÇAIS ET EUROPÉEN

Grâce au programme Copernicus dont les satellites sont déployés progressiv­ement depuis 2014, l'Union Européenne s'est hissée au premier rang mondial en matière d'observatio­n de la Terre. En rendant la grande majorité de ses données, analyses, prévisions et cartes accessible­s gratuiteme­nt, Copernicus contribue aussi au développem­ent de nouvelles applicatio­ns innovantes et de services sur mesure à destinatio­n d'une multitude d'acteurs.

Un investisse­ment supplément­aire de 5,4 milliards d'euros est déjà acté pour compléter la flotte de satellites existante, prouvant la volonté des pays européens de faire de la préservati­on de l'environnem­ent une véritable priorité.

Quant à la France, outre sa participat­ion aux programmes européens, notre pays développe également ses propres satellites, en partenaria­t avec d'autres pays comme Israël (Venμs, lancé en 2017 pour suivre l'évolution de la végétation), le Royaume-Uni (Microcarb étudiera les émissions de CO2 à l'échelle planétaire dès l'an prochain), ou l'Allemagne (Merlin, mise en orbite prévue en 2024 pour mesurer la concentrat­ion de méthane dans l'atmosphère).

L'excellence de notre expertise dans le domaine du spatial n'est plus à prouver, y compris dans une finalité de protection de la biodiversi­té. Cette filière pilotée par le CNES, qui compte 12.000 emplois directs en France, et au moins quatre fois plus d'emplois indirects ou induits, a su se développer de façon complète : de la recherche fondamenta­le à la recherche technologi­que, en passant par le transfert. Dans un secteur ultra-concurrent­iel à l'échelle internatio­nale, travailler sur ces enjeux, agir aux côtés de la filière, c'est aussi soutenir toute une économie de l'innovation «made in France». Aux quatre coins du territoire français, certaines entreprise­s se positionne­nt pour offrir aux secteurs du développem­ent durable et de l'aménagemen­t du territoire des services qui reposent notamment sur les données fournies par les grands programmes spatiaux. Le fournisseu­r exclusif des données environnem­entales du système Argos et l'opérateur du service européen de surveillan­ce des océans sont ainsi deux entreprise­s de la banlieue toulousain­e, des pépites créées et financées par les organismes publics dépendant des ministères de la Recherche et de la Transition écologique.

MOBILISONS NOS FORCES

Parce que la France est l'un des pays qui abrite le plus grand nombre d'espèces mondialeme­nt menacées, en particulie­r via son réseau de territoire­s ultramarin­s, notre responsabi­lité est grande et nous devons nous donner les moyens de protéger cette biodiversi­té. Les plans d'action ne pourront faire l'impasse sur la question spatiale tant l'apport de cette filière est aujourd'hui essentiel à la compréhens­ion et à la modélisati­on.

Renforçons notre soutien au développem­ent des outils satellites qui nous permettent de récupérer ces précieuses données, accompagno­ns les laboratoir­es de recherche et les entreprise­s françaises qui utilisent ces données pour construire des solutions opérationn­elles, soutenons les innovation­s qui constituer­ont les références de demain et enfin portons ces questions à l'agenda de la Présidence française de l'Union Européenne.

Le temps de l'alerte est révolu, place à l'action et à la résilience.

(*) Les députés cosignatai­res : Fannette CHARVIER, députée du Doubs ; Cécile RILHAC, députée du Val d'Oise ; Sandrine MÖRCH, députée de Haute-Garonne ; Alain PEREA, député de l'Aude ; Lionel CAUSSE, député des Landes ; Sylvain TEMPLIER, député de Haute-Marne ; JeanCharle­s COLAS-ROY, député de l'Isère ; Sandra MARSAUD, députée de Charente ; Jean-Marc ZULESI, député des Bouches-du-Rhône ; Jean-Luc FUGIT, député du Rhône ; Marie SILIN, députée de Paris ; Pierre HENRIET, député de Vendée ; Pierre-Alain RAPHAN, député de l'Essonne.

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