Pourquoi Macron a peur de Xavier Bertrand
POLITISCOPE. Avec Clément Beaune au gouvernement, Stéphane Séjourné à Bruxelles à la tête de Renew Europe, le chef de l’Etat prépare sa présidence de l’UE avec l’Elysée en ligne de mire. Signe de fébrilité, la macronie affûte ses coups contre Xavier Bertrand sur les réseaux sociaux. Et si le match n’était pas si plié que cela ?
Déplacement à Marseille, opération « France 2030 », partie de foot avec les stars, Emmanuel Macron multiplie les cartes postales en vue de sa future campagne présidentielle. « S’il n’avait pas perdu du temps avec l’affaire Benalla et les Gilets jaunes, il aurait pu faire “France 2030” avant 2022. Résultat, il a perdu deux ans. Deux ans à mettre au passif de la macronie », balance un déçu du macronisme.
Ses opposants critiquent ainsi « le saupoudrage » dont il fait l’usage, son agitation un peu vaine, mais les autres (re)tombent sous le charme de tant d’énergie dépensée.
La jeunesse Macron comme argument de (re)vente. Après cinq ans au pouvoir, cette énergie et cette soif de pouvoir est finalement peut-être sa meilleure carte face à ses concurrents. Imagine-t-on Michel Barnier, Xavier Bertrand, ou Anne Hidalgo jouer au foot de la même manière ?
À la rigueur Jadot tente de surfer sur une partie de la jeunesse qui s’est découvert un combat dans la préservation du climat, et pour ce faire, adore parler à longueur d’interview de ses « ados à la maison ». Bref, même lui, l’écolo dans le sens du vent a l’air un peu dépassé par le monde qui bouge. Et ça, Macron, on ne pourra pas lui enlever, sait retrousser les manches de ses chemises blanches, même quand il verse dans le remake à la sauce Giscard. Car, tout président qu’il est, il ne sait pas jouer au basket comme Barack Obama.
Jouer la carte européenne début 2022
C’est cette même énergie qu’Emmanuel Macron compte utiliser en janvier prochain quand la France récupérera la « présidence
Pourquoi Macron a peur de Xavier Bertrand
» de l’UE. Et si son bilan européen est finalement assez faible face aux ambitions initiales affichées, il compte jouer la carte européenne de nouveau à fond pour rejouer sa partition de 2017, « progressistes » vs « nationalistes » ou « réactionnaires ». Avec une nuance près : la Covid est passée par là, les sous-marins australiens également, et comme on l’a dit à plusieurs reprises, le candidat président a déjà prévu d’épicer son plat de campagne avec des gimmick sur la « souveraineté » (à retrouver...).
Pour cela, Emmanuel Macron va s’aider de son fidèle Clément Beaune, secrétaire d’État aux affaires européennes, mais également de Stéphane Séjourné, son conseiller politique, et député européen, qui vient de récupérer la présidence du groupe Renew au Parlement Européen. C’est dire si l’Europe va de nouveau constituer un axe fort de la prochaine campagne macroniste. Et peu importe, si on retrouve un air de déjà-vu. Dans un monde en plein bouleversement, et où les périls se multiplient, la carte européenne va permettre de rassurer la bourgeoisie des villes adepte d’Erasmus et des vols low cost entre capitales européennes lors de week ends loin de Paris...
En Marche aux oubliettes ?
Il y a encore un an, Stéphane Séjourné avait des vues sur En Marche. Son objectif, avec quelques compagnons de route, la fameuse « bande de Poitiers », était de ravir la direction du faux parti à Stanislas Guérini, et aux autres de la « bande de la Planche ». Manifestement, ce projet est tombé aux oubliettes. Et pour cause : en Marche ne fait pas partie du programme du président Macron pour sa future campagne. À tel point que lors de son rassemblement d’Avignon, le nom même d’En Marche a été effacé de la tribune, laissant la place à un sobre « Majorité présidentielle », façon campagne « France unie » 1988 de François Mitterrand. Pour la future campagne, c’est le ministre aux Outre-mer, Sébastien Lecornu, qui tient toujours la corde pour la driver. Il est soutenu dans cette démarche par Brigitte Macron et sa “team”. C’est que la macronie ne souhaite laisser aucune chance à une droite républicaine de percer dans les prochains mois, et comme le rappelle un ancien de la campagne 2017, « qui connait mieux les histoires de la droite qu’un membre de la famille ? »
Xavier Bertrand et la “magie” des usines
En attendant, les groupies macronistes multiplient les critiques à l’encontre de Xavier Bertrand. Sur les réseaux sociaux, les
“trolls” flinguent le candidat de droite sur son savoir être. D’une manière sous-jacente (ou pas), la macronie attaque Bertrand sur son coté plouc. Cette « arme » est à double tranchant, car elle renforce l’idée que la macronie se vit d’abord dans la distinction, et comme détachée des Français, exactement le récit que Xavier Bertrand, l’élu local du Nord, confronté aux vrais réalités de la vie, et aux questions sociales et industrielles, tente d’imprimer dans la tête des Français. C’est en ce sens que les propos maladroits d’Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée chargée de l’Industrie, sur la « magie » de l’usine, sont loin d’être anodins dans cette guerre de communication.
Zemmour et Philippe rebattent les cartes
Mais ces critiques macroniennes à l’encontre du bonhomme Bertrand montrent une assez grande fébrilité de la macronie depuis qu’Éric Zemmour a rebattu les cartes du grand jeu des sondages. En déboulant dans la campagne, l’ancien éditorialiste du Figaro a mécaniquement fait baisser le ticket d’entrée pour le second tour, ou du moins, a permis à certains candidats d’apparaitre comme crédible dans ce scénario (car dans le monde des sondages, on reste dans le domaine du virtuel, à plusieurs mois du scrutin...). « Avec un seuil de qualification à 16 %, tout est possible », remarque un observateur. Justement, le dernier sondage IFOP donne Bertrand à 15, Zemmour à 16 et Le Pen à 17. Autant dire que ces trois candidats peuvent être qualifiés pour le second tour.
Et face à Macron, Bertrand pourrait bien faire la différence. C’est bien ce qui inquiète aujourd’hui les hiérarques de la macronie. Car même si sa campagne a connu un certain flottement depuis septembre, Bertrand continue de poser un problème de stratégie pour le second tour à Macron. C’est justement là où Édouard Philippe compte jouer sa partition d’ici le scrutin. Mais attention, comme le rappeler un bon connaisseur de la droite, « la fidélité d’Édouard s’arrête au 24 avril au soir, une fois qu’Emmanuel Macron est élu, s’il est élu ».
Le maire du Havre, qui dispose de tout un réseau d’élus avec un fort ancrage local, va tout faire pour récupérer le premier groupe de l’Assemblée Nationale de la prochaine législature, imposant, de fait, une sorte de cohabitation. Et au delà de Bertrand et Zemmour, ce scénario donne également des sueurs froides à la macronie officielle. Sauf que là, il sera difficile d’attaquer Philippe sur son physique ou sa « coolitude », tellement cette image lui colle à la peau dans les médias. À raison ou pas.