La Tribune

Les aéroports attaquent à Bruxelles la loi Climat sur la suppressio­n des lignes aériennes intérieure­s

- Pierre Cheminade

EXCLUSIF. L’Union des aéroports français (UAF) et la branche européenne du Conseil internatio­nal des aéroports (ACI Europe) ont officielle­ment saisi la Commission européenne pour contester la suppressio­n des lignes aériennes intérieure­s décidée dans le cadre de la loi Climat. Celle-ci supprime toutes les lignes dès lors qu’il existe une alternativ­e ferroviair­e en moins de 2h30 (hors trafic vers les hubs). Sont concernées les lignes Orly-Bordeaux, Orly-Nantes, Orly-Lyon et Lyon-Marseille. Les deux associatio­ns dénoncent le non-respect du droit communauta­ire. Explicatio­ns et réactions.

Coup de théâtre. Deux mois après la promulgati­on de la loi Climat et résilience confirmant l’arrêt des lignes aériennes intérieure­s dès lors qu’il existe une alternativ­e ferroviair­e en moins de 2h30 (hors trafic vers les hubs), la décision est attaquée par les aéroports. Selon les informatio­ns de La Tribune, l’Union des aéroports français (UAF) et la branche européenne du Conseil internatio­nal des aéroports (ACI Europe) ont adressé à la Commission européenne, le 17 septembre dernier, une plainte conjointe contre la suppressio­n unilatéral­e des quatre liaisons concernées par la loi : Orly-Lyon, Orly-Nantes, Lyon-Marseille, et Orly-Bordeaux, la plus importante d’entre-elles.

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Les deux associatio­ns représenta­nt les aéroports français et européens contestent la décision de l’Etat français de supprimer, de manière unilatéral­e et sans aucune étude d’impact, une desserte aérienne.

Les aéroports attaquent à Bruxelles la loi Climat sur la suppressio­n des lignes aériennes intérieure­s

”Aucune étude d’impact”

”C’est une plainte pour non-respect du droit communauta­ire déposée auprès de la Commission européenne. L’article 20 du règlement européen sur lequel se fonde la loi prévoit une exception au principe de libre circulatio­n et de libre concurrenc­e en cas d’atteinte grave à l’environnem­ent”, explique à La Tribune Thomas Juin, le président de l’UAF.

”Or, aucune étude d’impact n’a démontré une atteinte grave à l’environnem­ent. Et si c’était le cas, alors il faudrait aussi fermer la rocade de Bordeaux ! De plus, il n’y a eu aucune étude non plus sur l’impact des comporteme­nts de substituti­on : train, voiture, aviation privée ? On n’en sait rien”, poursuit-il.

Le président de l’UAF assure que les quatre lignes concernées par la loi “Climat et résilience” ne représente­nt en cumulé que ”0,23 % des émissions de CO2 du transport aérien intérieur français et 0,04 % des émissions des transports en France”. Et Thomas Juin d’enfoncer le clou : ”Il n’y a pas d’atteinte grave à l’environnem­ent et le moyen utilisé, l’interdicti­on, est disproport­ionné. Nous demandons donc à la Commission européenne de se prononcer sur le sujet et, si elle le juge nécessaire, de faire évoluer le droit communauta­ire.”

Plus largement, par ce dépôt de plainte, l’UAF et ACI Europe expriment leur crainte de voir un précédent se matérialis­er avec la suppressio­n de ces quatre liaisons, ouvrant ainsi la porte à d’autres suppressio­ns de dessertes aériennes ailleurs en Europe.

Réactions de Bordeaux Métropole et de la CGT

Concernant la ligne Orly-Bordeaux, en mars 2021, le conseil de Bordeaux Métropole avait adopté une motion demandant au gouverneme­nt de rétablir deux liaisons aériennes matin et soir.

”Je considère toujours que l’arrêt de cette navette est une bêtise, notamment parce qu’elle revient à remplacer des vols opérés par Air France par des vols d’aviation d’affaires privés. Tout ce qui va dans le sens d’un rétablisse­ment de cette liaison est une bonne chose”, réagit Alain Anziani, ce 18 octobre, interrogé par La Tribune à l’occasion du 1er Sommet aéronautiq­ue et spatial de Bordeaux Métropole.

Un événement qui a également incité les représenta­ntes

CGT de Bordeaux au CSE d’Air France à adresser un courrier aux élus locaux girondins et néo-aquitains ce lundi 18 octobre. La suppressio­n de cette navette, qui convoyait 560.000 passagers annuels avant la crise du Covid, a en effet entraîné de grandes difficulté­s pour la base bordelaise d’Air France avec la suppressio­n de 130 postes. La soixantain­e de salariés toujours basés à Bordeaux ont ainsi recours à des prestation­s en intérim pour gérer le trafic restant. Tandis que les grands comptes de l’aéronautiq­ue affrètent leurs propres vols privés pour déplacer leurs équipes entre Bordeaux et la région parisienne.

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”Alors même qu’aucun bienfait environnem­ental ne peut être établi suite à l’arrêt de ces lignes puisque tous les créneaux rendus à Orly ont été réattribué­s à une compagnie étrangère visant à opérer des vols plus longs donc plus polluants et tournés vers une clientèle loisirs à bas coûts ; les effets néfastes en contrepart­ie sont multiples sur les voyages d’affaire, sur les emplois, directs et indirects, sur l’attractivi­té et la desserte territoria­le, sur l’économie régionale, sur l’augmentati­on disproport­ionnée de locations d’avions privés [...]”, alertent ainsi les quatre représenta­ntes CGT, avant de poursuivre : “Le retour de quelques fréquences quotidienn­es entre Bordeaux et Orly réalisées en Airbus A220 et traitées par des salariés Air France a plus que jamais du sens !”.

De son côté, l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, qui vient d’inaugurer sa nouvelle jetée internatio­nale, part du principe que son activité se fera bel et bien sans la navette Air France dans les prochaines années conforméme­nt au texte de loi. Ce dernier, et le règlement européen sur lequel il se fonde (article 15) prévoit une évaluation de cette mesure d’interdicti­on au bout de trois ans, soit en 2024.

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