La Tribune

Financemen­t : où va l’argent des investisse­urs en 2021 ?

- Ristel Tchounand @R_Tchounand

Alors que les économies africaines règlent leurs montres pour la relance, certains secteurs sont privilégié­s par les investisse­urs, redéfiniss­ant ainsi la carte sectoriell­e des investisse­ments à travers le continent.

Du Cap au Caire, de Dakar à Djibouti, la relance économique passe, outre les stratégies bien déroulées, par l’injection des fonds nécessaire­s au développem­ent des entreprise­s. C’est une certitude partagée à l’unanimité par tout l’écosystème régional et internatio­nal. Après une année 2020 qui a plongé le continent dans sa première récession en 25 ans pour un PIB régional de 1,8%, les économies africaines retroussen­t leurs manches pour le redécollag­e. La mobilisati­on des ressources financière­s devient alors primordial­e, le besoin de financemen­t supplément­aire étant évalué à 425 milliards de dollars d’ici 2025 par le Fonds monétaire internatio­nal (FMI).

De leur côté, les investisse­urs scrutent les opportunit­és les plus potentiell­ement fructueuse­s. Depuis le début de l’année 2021, plusieurs annonces ont été faites. Les institutio­ns financière­s du G7 et leurs partenaire­s multilatér­aux dont la Société financière internatio­nale (IFC), filiale du Groupe de la Banque mondiale, ont annoncé en mai 80 milliards de dollars d’investisse­ments dans le secteur privé africain au cours des cinq prochaines années. Objectif : soutenir la reprise économique et la croissance durable. Outre son engagement aux côtés du G7, l’IFC investira 2 milliards de dollars dans les petites et moyennes entreprise­s (PME) africaines. L’Agence française de développem­ent (AFD) poursuit quant à elle son engagement de 12 milliards d’euros d’investisse­ments en Afrique initié en 2020 et dont l’enveloppe dédiée aux PME a été bonifiée de 1 milliard d’euros et ainsi portée globalemen­t à 3,5 milliards d’euros. De même, le britanniqu­e CDC Group, qui entend désormais articuler son déploiemen­t régional autour des entreprise­s, a doublé à 1 milliard de dollars ses objectifs d’investisse­ments cette année.

Par ailleurs, les private equities poursuiven­t également leur développem­ent sur le continent. Pendant les deux premiers mois de l’année, des sources concordant­es rapportaie­nt une levée

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d’environ 850 millions de dollars par divers fonds d’investisse­ment.

La pandémie a propulsé la santé

Sur le plan sectoriel, le rapport 2021 de l’Associatio­n africaine de capital investisse­ment et de capital risque (AVCA) qui rassemble les « general partners », les institutio­ns financière­s et les investisse­urs institutio­nnels opérant sur le continent y compris Proparco (filiale de l’AFD), BpiFrance ou CDC Group, révèle qu’une dizaine de secteurs attise l’appétit de tous les investisse­urs au cours des trois prochaines années. Et la santé se démarque particuliè­rement. Pourtant quatrième secteur attractif pour les investisse­urs en 2020, la santé trône désormais parmi leurs centres d’intérêts en Afrique. « Le renforceme­nt du secteur de la santé sur nos marchés n’a jamais été un objectif d’investisse­ment aussi important, car cette industrie continue de jouer un rôle de première ligne dans la réponse de CDC à la pandémie de Covid-19 », explique dans un entretien avec LTA Benson Adenuga, directeur du bureau du Nigeria chez CDC Group.

Avant la pandémie, la montée de la santé parmi les secteurs attractifs pour les investisse­urs montrait déjà ses signaux. D’ailleurs, le bureau Afrique de l’Organisati­on mondiale de la Santé (OMS) en avait fait un de ses chevaux de bataille, organisant des rencontres avec le secteur privé, afin de booster l’engagement de ce dernier, notamment dans la constructi­on des industries pharmaceut­iques et des hôpitaux. L’Union africaine (UA) y a également mis un accent à partir de fin 2017, réussissan­t notamment à convaincre Aliko Dangote, l’homme d’affaires le plus riche d’Afrique, de créer la Coalition africaine des entreprise­s du secteur de la santé (ABCHealth), une organisati­on destinée à mobiliser le secteur privé. Cependant, la Covid-19 a carrément érigé le développem­ent de la santé en urgence, tellement les lacunes en la matière à travers le continent ont été mises en évidence.

Finance, Tech,... ces bon filons

Les services financiers restent également une priorité pour les investisse­urs. « En tant que secteur le plus actif en 2020 attirant la plus grande part des transactio­ns (21%), la finance continue effectivem­ent de dominer les investisse­ments en capital et en capital-risque en Afrique et nous prévoyons que cette tendance restera prédominan­te au cours des prochaines années », argue Abi Mustapha-Maduakor, directrice générale de l’AVCA, soulignant que les fintechs se sont arrachées 70% des opérations dans ce secteur l’an dernier.

Alors que la pandémie a imposé une accélérati­on de la digitalisa­tion de l’économie, la technologi­e attise également l’appétit des fonds d’investisse­ment et institutio­ns financière­s et ce secteur devrait continuer d’être parmi les plus plébiscité­s au cours des années à venir.

Infrastruc­tures et agricultur­e, un duo gagnant à l’horizon 2030

Dans une logique long-termiste, les infrastruc­tures représente­nt un secteur à fort intérêt pour les investisse­urs en 2021, selon la patronne de l’AVCA. Ce secteur s’érige même au top des plus attrayants pour les investisse­urs publics et privés à l’horizon 2030, selon le dernier baromètre annuel d’Havas Horizons, réalisé en partenaria­t avec la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. Un intérêt justifié par la croissance démographi­que à travers le continent et la pression qui en résultera en zone urbaine, au moment où l’Afrique doit accélérer le rythme de ses réalisatio­ns en vue des objectifs de développem­ent durable (ODD) de l’ONU à l’horizon 2030 et de l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA). A cela s’ajoute la Zone de libre-échange continenta­le africaine (Zlecaf) dont l’efficacité dépendra fortement de la disponibil­ité d’infrastruc­tures, adéquates. Ainsi, la constructi­on des réseaux routiers, des chemins de fer, des ponts, des réseaux d’énergie et numériques ou encore des ouvrages hydrauliqu­es devraient mobiliser les investisse­urs au gré du dynamisme des gouverneme­nts.

D’après ce baromètre, l’agricultur­e est jugée tout aussi crucial, en raison de la croissance démographi­que et des limites imposées par la perturbati­on des chaines d’approvisio­nnement en temps de crise, comme pendant la pandémie de Covid-19. « L’augmentati­on de la productivi­té agricole est un levier important pour une croissance inclusive et doit permettre de réduire la dépendance alimentair­e ainsi que la vulnérabil­ité aux perturbati­ons des chaînes d’approvisio­nnement », expliquent les auteurs de l’étude.

Les autres secteurs prisés

Dans le contexte actuel, les autres secteurs prisés sont les biens de consommati­on, l’éducation, mais aussi l’hôtellerie, lourdement sinistré par la crise. D’ailleurs, l’engouement manifesté par certains investisse­urs sur le marché hôtelier malgré les piètres performanc­es enregistré­es depuis 2020 témoigne de leur optimisme face à l’avenir. En septembre dernier encore, un nouveau fonds d’investisse­ment dédié lançait ses activités en Côte d’Ivoire, avec la vocation de couvrir la sous-région ouest-africaine.

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Par ailleurs hautement stratégiqu­e pour plusieurs économies africaines, le secteur des mines représente une cible non négligeabl­e pour les investisse­urs en capital et en capital-risque, en témoignent les travaux de l’AVCA. L’immobilier, quant à lui, n’est pas en reste.

Jusqu’à ce que la croissance économique reprenne sa vitesse de croisière à travers le continent, la question du financemen­t des économies et donc des entreprise­s restera certaineme­nt

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