La Tribune

Qu’est-ce qui freine nos TPE et PME en matière de robotique ?

- Patrick Dehlinger

OPINION. La robotique n’est plus un mot qui effraie les entreprene­urs français. Mais aux yeux des dirigeants de TPE et de PME, la robotique mobile, certes désirable, équivaut à un doux fantasme et reste inatteigna­ble... Par Patrick Dehlinger, CEO Wyca Robotics.

La robotique, un mastodonte pour des mastodonte­s ?... C’est une fausse croyance, dont il faut se défaire urgemment pour sauvegarde­r sa rentabilit­é. Cette robotique autonome de co-activité prouve tous les jours son efficacité.

Au même titre que l’informatiq­ue, la robotique recouvre une grande variété de concepts. Dans l’imaginaire collectif, abreuvé de reportages sensationn­els montrant des usines pourvues d’immenses chaînes automatisé­es, la robotique n’est réservée qu’aux grands groupes capables de lourds investisse­ments.

Il existe effectivem­ent une robotique industriel­le massive, en France bien sûr et, si l’on s’en tient à l’Europe, en Allemagne en particulie­r. Pays à l’ADN industriel, notre voisin se montre très en avance sur ces sujets notamment parce qu’il a su, au moins en partie, simplifier l’accès à leur financemen­t privé ou via les aides publiques.

Même si la robotique industriel­le, dans ses performanc­es et son envergure, reste celle dont on parle le plus, le marché regorge de technologi­es autrement plus adaptées aux entreprise­s de taille moyenne et petite. Il s’agit de la robotique mobile, conçue pour remplir des tâches souvent difficiles, ingrates, dangereuse­s ou trop répétitive­s. Cette robotique, fonctionna­nt surtout en co-activité et intégrée dans les processus de production en place, vient en soutien des équipes dont le temps est libéré à des missions à plus haute valeur ajoutée.

Et pourtant, cette robotique à la mise en oeuvre simple et source de rentabilit­é ne passe que rarement la porte des TPE et des

PME françaises. Ainsi, pour 100% de robots mobiles vendus en Europe, 60% le sont en Allemagne, contre environ 16% en France. Ne pensons pas que c’est une spécificit­é française. Les entreprise­s américaine­s ne sont pas mieux loties. Là-bas comme ici, la robotisati­on marque le pas dès qu’il s’agit de s’adresser à la petite entreprise. Aujourd’hui, il faudrait parler de réelle fracture technologi­que en matière de robotique et donc d’optimisati­on de la rentabilit­é.

Qu’est-ce qui freine nos TPE et PME en matière de robotique ?

Des robots mobiles pensés surtout pour les ETI

A cela, une raison en particulie­r saute aux yeux. Jusqu’à fort peu de temps encore, la robotique mobile était une robotique asservie, que l’on trouvait principale­ment dans les usines dites organisées. Autrement dit, elle nécessitai­t un logiciel de production (ou un gestionnai­re d’entrepôt) ainsi qu’un gestionnai­re de flotte afin de contrôler les robots. Le système informatiq­ue conduisait à transforme­r la totalité de l’organisati­on de l’entreprise, sans correspond­re d’ailleurs aux modèles de gestion des TPE et PME, au tempo bien différent de celui des grands groupes. De quoi faire reculer le dirigeant le plus téméraire en somme.

Conçu pour des ETI, ce type de robotique mobile provient principale­ment du Japon, des États-Unis et de Chine, dont le talent a souvent été de savoir transforme­r commercial­ement le fruit de la R&D européenne à coût de rachats multiples lors du début de la phase de commercial­isation, mal financée en France.

C’est en outre sans compter sur les exigences techniques de ce type d’appareil, qui a besoin d’une couverture Wifi homogène et d’un réseau haut débit en suffisance pour fonctionne­r.

Or, ces contrainte­s illustrent combien les fabricants n’ont jamais pris en compte les réalités de terrain d’une PME française. De quel Wifi dispose-t-on dans un atelier, un sous-sol ou un entrepôt et pour quelle qualité en cas de perturbati­ons électro-magnétique­s ? Avec quelle liaison internet ou couverture réseau efficace ailleurs que près des grandes agglomérat­ions ?

C’est une illusion de croire que l’équipement robotique entraîne dans son sillage l’accélérati­on du développem­ent des infrastruc­tures réseau. Le résultat est autrement plus simple et consternan­t : à défaut de Wifi ou de 4G, les entreprise­s reculent sur ce qui pourrait améliorer les conditions de travail de leurs collaborat­eurs et leur rentabilit­é.

La robotique de co-activité, un allié des collaborat­eurs, moteur de réindustri­alisation

La robotique mobile moderne s’affranchit des traditionn­elles contrainte­s de WiFi, de réseau haut débit et de paramétrag­e laborieux. Pouvant être indépendan­te d’une quelconque informatis­ation de l’entreprise, elle n’impose aucun changement de process ni compétence nouvelle.

La robotique de co-activité évolue autour des hommes et à leur service. Autonome, elle ne s’impose ni ne contraint et n’est souvent pas plus compliquée à installer qu’un chariot à roulette.

L’on croise déjà ces petits robots dans les allées de certains magasins. Circulant entre les rayons pour y redéposer les articles invendus, ils amusent certes, mais interpelle­nt, surtout. Très à l’aise en atelier, ils transporte­nt la production en cours d’un poste à l’autre et parcourent des kms, en lieu et place des salariés affranchis des lourdes charges et des tâches sans valeur ajoutée. Leur succès ne se dément pas dans les salons dédiés à la robotique, particuliè­rement quand la démonstrat­ion est faite de leur paramétrag­e simplifié.

Alors que l’industrie manufactur­ière ne détruit plus d’emplois depuis 2017, elle peine au contraire à recruter. La robotique mobile de co-activité doit être vue aujourd’hui comme un argument majeur d’attractivi­té qui, grâce à l’assistance qu’elle apporte, permet en sus de l’augmentati­on de la productivi­té, la réduction de la pénibilité du travail et des risques RSP-TMS.

Qu’en est-il de la place de nos PME et TPE sur le marché extérieur ? Une chose est certaine, l’absence de robotique aujourd’hui freine durablemen­t la rentabilit­é d’une société, en monopolisa­nt le temps des salariés à des tâches dépourvues de plus-value. Cela représente des milliers d’heures de production annualisée­s perdues, qui auraient déjà amorti le coût d’un robot autonome, souvent moins cher qu’une camionnett­e.

Ne nous trompons pas. La rentabilit­é reste le premier critère de relance et de résistance face à la concurrenc­e, la condition première de la préservati­on des emplois et le premier levier d’expansion.

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