Les conditions de la mobilisation des territoires (1/2)
Dans une série de quatre contributions, André Yché, qui vient de publier son septième ouvrage chez Economica, Nation et territoires, développe son point de vue sur la sortie de crise. Convaincu du rôle décisif de l’économie territoriale dans la reprise, l’auteur décrypte en deux parties, les enjeux de la réévaluation du rôle des territoires, et, en deux volets également, les conditions de la mobilisation des territoires. Aujourd’hui, la première partie des “conditions de la mobilisation des territoires”. André Yché est Contrôleur général des Armées et président du Conseil de surveillance de CDC Habitat.
Le développement des territoires passe par leur mise en réseau.
Il est illusoire de concevoir un développement purement endogène, puisqu’au niveau de chaque territoire, l’économie mondialisée pénètre à travers un flux d’importations qui transitent par les métropoles régionales et nourrissent leur richesse. Le développement territorial passe donc par l’édification d’une capacité de projection à l’international, d’abord à l’échelle européenne.
Cet objectif n’est pas inaccessible puisque de nombreux exemples de « territoires d’industrie » réalisent des performances remarquables : le bassin industriel d’Alès, autour de l’Ecole des Mines ; la Vendée, autour de la Roche-sur-Yon, les Herbiers et Montaigu ; la vallée de l’Adour. Certains bassins industriels se reconvertissent, à Decazeville, à Grasse et se diversifient, à Vitré, à Clermont-Ferrand, Limoges, dans les anciens bassins miniers de Lorraine et du Nord / Pas-de-Calais.
Enfin, les deux atouts fondamentaux du pays, constants à travers les siècles, subsistent pour irriguer une grande partie des territoires éloignés des traditions industrielles : l’espace et le patrimoine, c’est-à-dire l’agriculture et le tourisme.
Dans tous les cas, l’optimisation du potentiel local passe par des mises en réseau, facilitées par la constitution de systèmes productifs locaux (clusters) conjuguant recherche, production, formation, innovation ... et communication.
Les conditions de la mobilisation des territoires (1/2)
Dans ce processus de restructuration spatiale, un acteur majeur est représenté par les « entreprises de réseau » qui constituent l’armature économique du pays, pour la plupart issues de la sphère publique : transport collectif et courrier (SNCF, La Poste), voiries et canaux (sociétés d’autoroutes et CNR), énergie (EDF), eau et déchets (Veolia, Suez), BTP ; s’ajoutent les grandes banques mutualistes ou privées (Crédit Agricole, BPCE ; Société Générale et BNP) ainsi que les grands opérateurs publics : Banque de France et Caisse des Dépôts.
Certains d’entre eux, la Caisse des Dépôts et La Poste notamment, sont appelés à jouer un rôle qui rappelle celui des grandes « compagnies à charte » des XVIIèmeet XVIIIème siècles, bras armés de la puissance publique alors que les Etats modernes émergeant de la Renaissance peinaient à embrasser les nouvelles dimensions de l’univers progressivement découvert et formidablement élargi.
La crise actuelle et les mutations profondes qui la caractérisent n’annoncent-elles pas une nouvelle Renaissance ?
Les métropoles sont les moteurs du développement des territoires
Plateformes d’échanges et de circulation et centres de consommation de biens et de services font des métropoles des espaces essentiels de révélation et de captation des richesses, où se concentrent les lieux de pouvoir politique, économique et culturel. L’enjeu fondamental du développement des territoires consiste donc dans leur raccordement à leur environnement régional (question antérieurement abordée par Vidal de la
Blache dans une étude commanditée par Aristide Briand, alors Président du Conseil). Cette osmose s’avère évolutive au cours des siècles : pendant les périodes de prospérité, les villes drainent la production des campagnes et, en retour, les irriguent ; mais dès que la crise survient, les pôles urbains se referment et utilisent leur périphérie comme un tissu amortisseur. Telle fut la situation au cours des invasions barbares, des guerres civiles, des épidémies...
Pour que la métropole puisse jouer ce rôle de direction, encore faut-il qu’elle demeure attractive et que le mode de vie qu’elle offre soit désirable. Tel est bien le problème récurrent des
De ce tour d’horizon, pour superficiel qu’il soit, ressort nettement l’idée selon laquelle la relation entre l’Etat central et les territoires ne constitue pas un enjeu distinct de celui de l’avenir de la Nation, dont elle détermine la plupart des aspects, qu’il s’agisse bien sûr de dynamisme économique, de cohésion sociale, de positionnement à l’international dans tous les champs qui concourent à l’environnement géopolitique de la France.
Matière éminemment politique, point n’est besoin de chercher les raisons pour lesquelles cette relation s’inscrit au coeur de l’Histoire de France, de telle sorte que la tentation est forte de n’y voir qu’un thème de réflexion sur les constantes et sur les déterminismes qui encadrent le destin des nations, et qui résument celui des civilisations.
Pour autant, ce thème revêt un caractère d’actualité et n’est pas dépourvu d’impact potentiel sur la France du XXIème siècle et sur le quotidien de ses habitants.