La Tribune

Crise des semi-conducteur­s : le combat d’une PME alsacienne

- Olivier Mirguet

GRAND EST. A défaut de composants disponible­s, Estelec ne pourra pas honorer cette année l’intégralit­é de son carnet de commandes. Une situation “rageante” décrite par le patron de cette PME de 100 salariés.

Estelec, fabricant alsacien de produits électroniq­ues à forte valeur ajoutée, a perdu cette année toute notion de visibilité depuis l’émergence de la crise mondiale des composants. Cette PME de 100 salariés établie à Scherwille­r (Bas-Rhin) fabrique des cartes, des faisceaux, des câbles destinés à divers secteurs de l’industrie, à l’appareilla­ge médical, aux télécoms. ”Nous travaillon­s sur des petites et moyennes séries qui nécessiten­t une grande variété de références de composants”, explique Thierry Sublon, co-gérant de cette entreprise fondée en 1986. La crise a menacé de la mettre à l’arrêt.

”Nos production­s couvrent trois classes de produits dont l’activité se poursuit de façon inégale. Pour fabriquer des PCB (ou circuits imprimés en français), nous ne rencontron­s pas encore une vraie pénurie chez nos fournisseu­rs. Pourtant, les délais s’allongent déjà sur le cuivre et les prix ont décollé.

Dans les composants électroniq­ues, la tension est extrême sur certains composants actifs. La situation reste soutenable avec les composants passifs, les résistance­s, les condensate­urs, les diodes”, détaille Thierry Sublon. Les tarifs des composants actifs se sont envolés.

”Les tensions sont dues à l’arrêt mondial des chaînes d’approvisio­nnement durant la première vague du Covid, et au redémarrag­e brutal qui a suivi”, analyse Thierry Sublon. ”Le marché s’est déréglé. Nous ne retrouvero­ns pas une situation normale avant la fin de l’année 2022”. Dans un tel contexte, la trésorerie d’Estelec s’est immédiatem­ent tendue. Le respect des budgets prévisionn­els s’avère impossible. ”Chaque début de mois, j’ai environ 1,5 million d’euros de commande à produire. A chaque fois, le sais que la moitié sera faite, mais l’autre moitié reste incertaine. Nous possédons un carnet de commandes qui ne pourra pas être honoré intégralem­ent. C’est rageant pour un chef d’entreprise”, témoigne Thierry Sublon. La société prévoit de réaliser 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021.

Crise des semi-conducteur­s : le combat d’une PME alsacienne

Des bons de commande sans prix et sans délai

Le comporteme­nt de certains fournisseu­rs, qu’Estelec refuse de pointer du doigt, est caractéris­tique d’une situation de pénurie. ”Le problème, c’est la rareté du produit. Un composant qui valait deux euros s’échange aujourd’hui à 24 euros, sans négociatio­n possible. Il nous est même arrivé de passer des commandes qui n’indiquaien­t ni le prix, ni le délai ! Le tarif est seulement déterminé au moment où le produit est livré”, souligne Thierry Sublon. Estelec dispose alors de la faculté d’accepter ou de refuser la commande. ”Quand nous hésitons, le fournisseu­r nous fait comprendre que d’autres acheteurs sont prêts à accepter le produit en le payant plus cher”, rapporte Thierry Sublon. D’autres fournisseu­rs annoncent ou imposent des délais de livraison de 56 semaines.

Pour faire face à la trésorerie tendue, Estelec a souscrit un prêt garanti par l’Etat (2 millions c’euros). Lauréate de France Relance, elle va accélérer son programme de renouvelle­ment des machines, qui sera bouclé en dix-huit mois contre trois ans prévus avant la crise. Cette modernisat­ion s’accompagne­ra de 20 recrutemen­ts. La difficulté consistera à trouver des candidats pour ces emplois spécialisé­s dans le brasage, la soudure, la gestion de stocks. ”Nous sommes prêts à les embaucher ces personnes telles qu’elles arriveront, et à les former nous-mêmes”, prévient Thierry Sublon.

La nécessité de conserver un stock de processeur­s, conjuguée aux difficulté­s de livraison, a entraîné une réflexion sur le remplaceme­nt de certains composants actifs en production. Mais l’équivalenc­e a ses limites. ”Certains composants sont des produits homologués, qui correspond­ent à des normes. Il est difficile, voire impossible de sourcer des produits équivalent­s”, a observé Thierry Sublon.

Reste la carte du made in France, chère aux co-fondateurs d’Estelec, qui pourrait leur permettre d’accélérer la sortie de crise. ”Nous avons conservé le pari d’assurer 100% de notre production en France, c’est devenu un positionne­ment très avantageux”, croit savoir Thierry Sublon. ”La presse a suffisamme­nt exposé la situation de pénurie de composants. Tout le monde est au courant. On travaille main dans la main avec nos clients qui, de ce fait, acceptent que nous répercutio­ns les hausses de prix. Ils nous transmette­nt leurs prévisions longtemps à l’avance, pour que toute la chaîne puisse redémarrer fin 2022”.

 ?? ?? Estelec prévoit de réaliser 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021. (Crédits : DR)
Estelec prévoit de réaliser 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021. (Crédits : DR)

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