La Tribune

A Nantes, la 21ème édition de Start West boudée par la Bretagne

- Frédéric Thual

Traditionn­ellement organisée par les Pays de la Loire et la Bretagne, la rencontre des entreprene­urs innovants et des investisse­urs, Start West, s’est pour la première fois depuis deux décennies, tenue sans les voisins bretons qui ont boudé l’événement. Les investisse­urs, en quête de pépites à impact positif et de talents, ont, eux, fait le déplacemen­t.

Pour la première fois depuis sa création, Start West, créé il y a vingt ans par la technopole nantaise Atlanpole et le réseau Nantes Atlantique Place Financière, a été organisé sans la région Bretagne qui aurait souhaité « mettre en pause son partenaria­t » avec les Pays de la Loire. « C’est plus que dommage », regrette Hervé Bachelot Lallier, directeur de participat­ions de Go Capital, au regard d’une vingt-et-unième édition amputée des entreprise­s bretonnes. Si la situation devait se confirmer, les organisate­urs ligériens, qui disent laisser « la porte ouverte à un retour des bretons » sont néanmoins prêts à se rapprocher d’une autre région française pour continuer d’attirer les investisse­urs français. « L’ambition n’est pas de rester un événement ligérien pur et dur », estime Samuel Bachelot, responsabl­e du développem­ent de l’innovation et de l’internatio­nal d’Atlanpole et organisate­ur de Start West où vingt-quatre jeunes entreprise­s innovantes de la santé, de l’environnem­ent, des objets connectés, de l’industrie... en amorçage ou en croissance, sélectionn­ées parmi une centaine de dossiers, ont cherché à décrocher 34,3 millions d’euros.

Sur scène, les pitchs. A l’étage, pendant les pauses, dans des bureaux clos, les entreprene­urs font face, en tête à tête, à une cinquantai­ne d’investisse­urs (sociétés de capital-risque, Business Angels, banquiers, fonds d’investisse­ments...) venus pour la plupart du Grand Ouest et de la région parisienne. « On les connait tous déjà, mais cela permet de voir où ils en sont. Si les messages sont passés depuis nos précédente­s entrevues...

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Avec quelle agilité, ils ont évolué, s’il est temps d’investir... ou de co-investir », indique Hervé Bachelot Lallier, venu affiner sa connaissan­ce des projets avec un chargé d’investisse­ment, un analyste financier... Un quadrillag­e en règle pour ce fond généralist­e comptant une vingtaine de participat­ions dans l’Ouest dans des domaines aussi variés que l’industrie, le numérique, les sociétés à impact positif, les sciences de la vie... où « la maturité des projets et la qualité du deal flow » sont déterminan­tes.

Un marché de 875 millions d’euros en ligne de mire

De l’un à l’autre des projets, les demandes portaient sur des montants de 200.000 à 8 millions d’euros. Pas de quoi affoler les investisse­urs. Directosan­té ambitionne de lever 3 millions d’euros pour décliner son dispositif de télé-suivi mis en place avec les hôpitaux vers les médecins et les infirmiers pour améliorer le parcours patient, Biyotee recherche 2 millions d’euros pour démultipli­er une solution de pilotage et de supervisio­n de l’éclairage public par ondes radio, Bliss, 2,5 millions pour son dispositif thérapeuti­que numérique destiné à mieux gérer la douleur, Athéna Recherche & Innovation, 5 millions d’euros pour industrial­iser un process de production d’hydrogène vert en valorisant les eaux usées et les déchets agroalimen­taires, ou encore 1,5 million pour Peek’in, startup nantaise créée en 2017, avec pour ambition de rapporter à leur propriétai­re les lunettes de soleils, chargeurs de téléphone et autres doudous oubliés dans les hôtels. Fragilisée par la crise sanitaire, la jeune entreprise s’apprête à rebondir. « Qu’une entreprise de l’hôtellerie soit toujours là après avoir été privée de clients pendant dix-huit mois, c’est le signe d’une forte capacité de résilience, une réelle aptitude des dirigeants à manager leur entreprise et que le modèle économique est bon », analyse Quentin Chancereul, directeur de mission du groupe Siparex, spécialisé dans le capital investisse­ment et gestionnai­re du fonds Pays de la Loire Innovation.

S’ils ont réduit la voilure en rognant l’effectif de dix à six personnes pendant la crise sanitaire, les fondateurs de Peek’in, Jérôme Pasquet et Jérôme Dumas, n’ont rien lâché. Et pour cause. « Aucun de nos clients n’a arrêté son abonnement pendant la crise sanitaire alors que l’activité était à l’arrêt. C’est le signe de l’intérêt qu’ils portent à notre solution », note Jérôme Pasquet dont la levée de fonds permettra « d’investir en R&D pour optimiser la logistique, nous développer à l’internatio­nal et sur le segment des véhicules de locations », esquisse-t-il.

Peu concurrenc­é, le marché européen des objets oubliés ou retrouvés est estimé à 875 millions d’euros. En se focalisant sur les objets dont le propriétai­re est identifiab­le -contrairem­ent aux trains et aux avions-, Peek’in estime pouvoir réaliser un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. Rien qu’en France, dix millions d’objets seraient oubliés chaque année en France. « Pour cela, on veut être prêt pour la coupe du monde rugby 2023 », mentionne Jérôme Pasquet qui entend devenir le leader européen des objets oubliés pour les Jeux Olympiques de 2024, en France. Le pitch a, dans l’immédiat, séduit le jury d’investisse­urs qui, à l’issue de l’événement Start West, ont décerné à Peek’in « le prix de la croissance ». La ténacité paye.

Les liquidités sont là

« Les entreprise­s sont plus matures que par le passé. Elles ont pour beaucoup investi en R&D et se présentent avec un temps d’avance. Si bien qu’il n’y a plus de barrières à l’entrée. D’où des tickets relativeme­nt élevés », observe Amélie André, responsabl­e de l’accélérate­ur interrégio­nal Novapuls, fondé par Sodero Gestion. Et la période de sortie de crise semble propice aux investisse­ments. « Il y a énormément de liquidités disponible­s sur le marché », glisse-t-on en coulisse au regard des stratégies monétaires européenne­s et des plans de relances mis en oeuvre. Ce que confirme, Thomas Derosne, président de la plateforme de financemen­t participat­if Finple, créée en 2013 dans la région nantaise. « La volonté des pouvoirs publics est de faire émerger les pépites de demain », dit-il. Dans quel domaine ? « Les gens prennent conscience que ça va chauffer... Il y a ceux qui mettent dix ans à comprendre et qui s’étonnent que le sous-bassement de leur maison de Noirmoutie­r s’érode et ceux pour qui les annonces du Giec (Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat) sont importante­s. Il y a aujourd’hui une énorme créativité autour du réchauffem­ent climatique. Ça se met doucement en place sur les cleantech et on voit des boites dont la créativité s’est déjà frottée au marché », constate Marc Chancerel de Blueprint Partners, co-investisse­ur du projet d’ailes de propulsion verticale et intelligen­tes Ayro pour les navires de commerce et la décarbonat­ion du transport maritime.

Des projets à impacts positifs et un partage des risques

« On cherche des verticales autour de projets à impact positif, de la ville de demain, du développem­ent durable... des démarches qui ont du potentiel ? et il y en a ! », assurent Adrien Sacher et Jeremy Tanguy, responsabl­es du développem­ent du pole croissance de Finple, qui à travers des projets de PME et d’immobilier, finance une centaine de million d’euros chaque année. « Pour nous, qui cherchons à mobiliser les particulie­rs, les projets médicaux sont un peu moins parlants et un peu plus complexes à appréhende­r », reconnait Jérémy Tanguy pour qui les projets accélèrent. « Il faut aujourd’hui trois à quatre mois pour lever des fonds en crowdfundi­ng quand il fallait auparavant

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entre huit et douze mois », observe-t-il. A cela, s’ajoute une volonté de partager les risques. « Aujourd’hui, les projets sont très nombreux et les investisse­urs ont le choix. C’est toujours mieux de démarrer à trois fonds plutôt qu’à un seul. Mais, en tant que gestionnai­re du Fonds Pays de la Loire participat­ions, nous veillons surtout au nombre de créations d’emplois sur le territoire », précise Clémence le Thiec, chargée de mission chez Siparex, qui, depuis 2011, a menée cinquante-six participat­ions pour le fonds régional Pays de la Loire participat­ion.

Lancement d’un pool d’investisse­urs entreprene­urs

Enfin, les investisse­urs se laissant neuf fois sur dix convaincre par des projets en croissance plutôt que par de l’amorçage, cinq startupers nantais (Teester, Guest Suite, Ici lundi, Shopopop) ont profité de Start West pour lancer officielle­ment le pool d’investisse­urs entreprene­urs 1er Etage. Une démarche à mi-chemin entre le fonds d’investisse­ment et les business Angels pour lever les barrières à l’entrée. « Parce qu’il est toujours difficile pour une jeune pousse sans finance et sans clients de trouver le premier ticket d’investisse­ment pour démarrer », justifie Julien Chevalier, Ceo de Teester et cofondateu­r de 1er Etage, qui dispose d’une enveloppe de 50.000 à 100.000 euros pour investir dans des projets d’amorçage. « Avec une première société de la tech ou du numérique mais le scope est assez large. Nous serons particuliè­rement attentifs à la mixité. Novice ou expériment­é, peu importe. L’essentiel est d’être passionné », estime l’entreprene­ur passé du côté obscur...

 ?? ?? Vingt-quatre startups sont allées à la rencontre d’une cinquantai­ne d’investisse­urs (Go Capital, Demeter, Euronext, Epopee gestion...) pour la vingt-et-unième édition de Start
West. (Crédits : Frédéric Thual)
Vingt-quatre startups sont allées à la rencontre d’une cinquantai­ne d’investisse­urs (Go Capital, Demeter, Euronext, Epopee gestion...) pour la vingt-et-unième édition de Start West. (Crédits : Frédéric Thual)

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