La Tribune

Échouer ne doit plus être un tabou français

- Edouard Dumortier

OPINION. Les chiffres de création d’entreprise­s en France sont en plein essor, en dépit des effets de la crise sanitaire. La peur d’échouer chez les Français qui se lancent dans un projet entreprene­urial pourrait donc être en train d’évoluer, notamment chez les jeunes. Il faut profiter de cette nouvelle tendance pour accélérer le développem­ent de solutions innovantes favorisant le lancement de projets profession­nels et conforter les auto-entreprene­urs dans la confiance qui les a poussés à adopter ce statut. Par Edouard Dumortier, cofondateu­r d’AlloVoisin­s

Chez un entreprene­ur, la peur de l’échec peut créer des doutes sur sa stratégie voire une paralysie qui anéantit toute chance de réussite. Ce n’est pas un scoop, en France, la peur de l’échec est considérée comme culturelle­ment ancrée. Il est bien souvent synonyme de défaite définitive et son corollaire, le succès, est également souvent assimilé à l’argent et donc jalousé ou suspect. Dans les pays anglo-saxons ou scandinave­s par exemple, il est davantage vu comme une source d’apprentiss­age, on en tire une expérience qui nous permettra plus tard de réussir.

La peur de l’échec chez les entreprene­urs n’est plus si prégnante

Les récents chiffres de la création d’entreprise en France pourraient indiquer que cette peur de l’échec serait en train de se réduire. Les dernières études de l’Insee sur le sujet l’indiquent ainsi clairement [1]: il n’y a jamais eu autant d’entreprise­s créées qu’en 2020 et 2021. La courbe du nombre d’entreprise­s en France est elle aussi en hausse quasi continue depuis 2010, atteignant 848 200 créations d’entreprise­s en 2020 en France, soit 4% de plus qu’en 2019. Par ailleurs, en 2020, les entreprene­urs individuel­s avaient pour 41% d’entre eux moins de 30 ans, témoignant d’un souffle d’initiative­s enthousias­mant dans les nouvelles génération­s.

La corrélatio­n que nous faisons entre ces chiffres et un fléchissem­ent de cette peur française de l’échec est confirmée par une dynamique plus globale. D’abord, les mutations du marché du travail depuis une trentaine d’années accélérées par la pandémie de Covid-19 ont fait évoluer les représenta­tions classiques des carrières profession­nelles. Le CDI n’est plus le Saint-Graal, changer plusieurs fois d’entreprise­s au cours de sa carrière pro

Échouer ne doit plus être un tabou français

fessionnel­le est désormais autant accepté que de se reconverti­r du jour au lendemain ou se mettre à son compte. De même, la tendance start-up a suscité de nombreuses vocations d’entreprene­urs. Passer au statut d’auto-entreprene­ur ou créer une start-up est aujourd’hui valorisé car même en cas d’échec, l’expérience permettra de prendre par la suite des postes à fortes responsabi­lités.

Nous devons donc tous, entreprene­urs, acteurs politiques et citoyens, encourager cette tendance et faire perdurer cet élan.

L’accélérati­on des créations d’entreprise­s en France doit incarner l’esprit d’entreprend­re « à la française »

Il faut apprivoise­r cette décrue de la peur de l’échec, la comprendre et s’assurer qu’elle s’installe sur le long terme. Les périodes de confinemen­t ont confirmé une tendance en germe depuis plusieurs années. Beaucoup de jeunes actifs ont mis à profit ce temps pour lancer un projet qu’ils souhaitaie­nt mettre en oeuvre depuis un moment ou se lancer à leur compte. Le besoin d’améliorer son quotidien, de répondre à des besoins locaux par des innovation­s sociales, écologique­s, économique­s, de changer sa manière de travailler se sont fait plus vifs. Nos jeunes doivent lire en ce pic de créations d’entreprise­s une voie vers la créativité et une source de réalisatio­n de soi importante.

Nous sommes capables, en tant que société, de dissocier l’échec de la personne qui le vit. Nous sommes capables de lancer nos projets et d’accepter que peut-être celui-ci ne fonctionne­ra pas. Il nous faut capitalise­r sur ces changement­s pour transforme­r cet élan en tendance de fond.

Les chiffres de l’Insee sur la création d’entreprise­s en 2020

[2] démontrent que la hausse des créations d’entreprise­s est portée par les micro-entreprene­urs. Ces chiffres prouvent qu’adopter ce statut est une voie privilégié­e pour se lancer, car elle facilite les formalités administra­tives et donne accès à une fiscalité indexée sur le chiffre d’affaires réalisé. Il faut donc insister et diffuser la connaissan­ce du statut de micro-entreprise­s, et pourquoi pas aller plus loin en donnant à chaque jeune, à 18 ans, un numéro de SIRET. Cela facilitera­it la prise d’initiative pour ceux qui ont encore peur de l’échec et qui voient, à tort, le lancement d’une entreprise comme une mission trop lourde pour eux. Accompagno­ns chaque nouvel auto-entreprene­ur à devenir l’entreprene­ur qu’il rêve d’être en effaçant progressiv­ement la peur de l’échec et en lui donnant confiance en l’avenir.

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[1] https://www.insee.fr/fr/statistiqu­es/ serie/001564301, https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/60_ETP/1.61_DCE

[2] https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/ tableau/60_ETP/1.61_DCE

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(Crédits : DR)

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