La Tribune

La lutte pour le climat ne pourra se faire à crédit

- Collectif (*)

OPINION. Le pré-rapport du GIEC publié pendant l’été est tombé comme un couperet. Nous n’avons plus le temps d’attendre, de tergiverse­r, de procrastin­er. Nous n’avons plus le droit de nous enrichir sur le dos de nos enfants et des plus vulnérable­s, plus le droit de dire et de ne pas faire, plus le droit à des actions incomplète­s et médiocres. Par un collectif d’ONG et Fondations (*)

Nous, acteurs de terrain et organisati­ons d’intérêt général qui mettons concrèteme­nt toute notre énergie au service de la solidarité, de la lutte contre le changement climatique et de la mobilisati­on des acteurs autour de la cause climatique, appelons à repenser le financemen­t de l’action pour le climat à la hauteur des enjeux.

Les financemen­ts des ONGs et fondations insuffisan­ts et souvent inadaptés

Ces financemen­ts sont essentiels pour soutenir les activités visant à atténuer le changement climatique, qu’il s’agisse de réduire les émissions ou de développer les puits de carbone pour limiter l’ingérable. Ils sont aussi incontourn­ables pour faire face aux conséquenc­es de ces changement­s à venir et permettre à l’humanité de s’adapter à l’inévitable.

D’après une étude réalisée auprès de 41 ONG, fondations et entreprise­s sociales agissant directemen­t pour le climat (1),

72% d’entre elles estiment ne pas disposer de moyens financiers adaptés. Les principaux moyens de financemen­t actuels, les dons en mécénat et les financemen­ts par des bailleurs, sont aujourd’hui loin d’être suffisants.

Le marché des crédits carbone est exponentie­l et pourrait être un outil complément­aire de financemen­t. Il s’est vendu pour plus de 250 millions de tonnes de CO2 en 2020 dans le monde, soit

La lutte pour le climat ne pourra se faire à crédit

6 fois plus qu’il y a 10 ans. Mais alors que les crédits carbone sont affichés depuis des années comme un outil permettant de réduire les émissions ou capter des gaz à effet de serre, les prix trop faibles (4,5 euros/tonne équivalent CO2 en moyenne) et les règles qui les régissent les rendent parfois incompatib­les avec les Objectifs de Développem­ent Durable. Le constat est clair : si près de 80% des organisati­ons interrogée­s se sont intéressée­s au financemen­t via des crédits carbone, moins de 25% se sont effectivem­ent engagées sur cette voie.

Les crédits carbone ne doivent pas constituer une solution unique

Les principale­s lacunes du dispositif tiennent à la complexité et au coût de la certificat­ion, ainsi qu’à son inadéquati­on avec des projets de qualité prenant en compte les interactio­ns entre climat, population­s et territoire­s. Il est en effet extrêmemen­t coûteux de satisfaire toutes les exigences méthodolog­iques nécessaire­s à une certificat­ion carbone. Ces coûts liés à l’émission de crédits ont créé un marché attirant une myriade d’intermédia­ires, d’auditeurs, certificat­eurs. Ces intermédia­ires absorbent une part significat­ive (et croissante) des ressources disponible­s sans pour autant avoir un impact direct sur le climat. Les enjeux de rentabilit­é économique poussent alors certains projets à se focaliser sur des tonnes de CO2 à des prix très faibles, oubliant les enjeux sociaux et environnem­entaux qui sont essentiels à une société juste et bas carbone. Aujourd’hui, les co-bénéfices locaux liés aux projets de compensati­on ne sont d’ailleurs même pas cités parmi les 3 principale­s considérat­ions des entreprise­s dans leurs achats de crédit carbone. Une entreprise peut actuelleme­nt acheter des crédits carbone à un prix très faible, par exemple sur des projets favorisant la monocultur­e, dont on connaît les ravages pour la biodiversi­té, ou privant les population­s autochtone­s de l’accès aux forêts.

Alors que la COP 26 de Glasgow, qui se déroulera du 1er au 12 novembre, doit définir un cadre plus précis sur le rôle des marchés carbone dans l’atteinte des objectifs climatique­s, il est nécessaire de repenser collective­ment et de diversifie­r les financemen­ts des projets au bénéfice de l’atténuatio­n et de l’adaptation aux changement­s climatique­s, de la biodiversi­té et de la réduction des inégalités. Les crédits carbone sont souvent loin d’être la panacée ; au contraire, c’est aujourd’hui un marché de niche souvent “low cost”, qui ne finance que certains types de projets ; des alternativ­es existent et doivent être renforcées en complément de la finance carbone.

Nous appelons donc les pouvoirs publics à une meilleure régulation du marché des crédits carbone permettant de flécher ces financemen­ts vers des projets à co-bénéfices, prenant en compte non seulement le climat, mais aussi la biodiversi­té et les communauté­s humaines. Nous invitons aussi l’ensemble des acteurs, et notamment les entreprise­s et les particulie­rs, à encourager le financemen­t du mécénat climatique et à promouvoir des dispositif­s hybrides regroupant mécénat et contributi­on carbone.

Sur le sujet du financemen­t des actions pour lutter contre les changement­s climatique­s, nous n’avons définitive­ment plus le droit de considérer que nous aurons le temps de faire mieux, plus tard, peut-être ....

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Sources :

(1) Étude réalisée entre juin et août 2021 par Planète Urgence avec le soutien de Coordinati­on Sud, de la Coalition des fondations françaises pour le Climat et du Réseau Action Climat, auprès de 41 ONG, fondations, entreprise­s sociales ayant un impact sur le climat.

Etat des lieux 2020 de la compensati­on carbone, Info Compensati­on Carbone

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Signataire­s :

Planète Urgence, Amandine HERSANT, Directrice Générale

Geres, Marie-Noëlle Reboulet, Présidente

Fondation GoodPlanet, Albane GODARD, Directrice Générale

Carbone4, César Dugast, Co-responsabl­e du pôle Neutralité, Carbone 4

La lutte pour le climat ne pourra se faire à crédit

Jane Goodall Institute France, Galitt KENAN, Directrice Générale

Lejepad-BF, Abdoul Aziz KAFANDO, Directeur exécutif

ONG ADEI, Willy Nlandu Mbele coordonnat­eur

GRET, Henry de Cazotte, Président

CAPONG (DAKORO NIGER) Yacoubou kadade Président

ONG ONDES Niger ( Organisati­on Nigérienne pour le Développem­ent, l’environnem­ent et la Santé) Barmo DAN IYA Coordonnat­eur

Associatio­n la Voûte Nubienne, Thomas Granier, Directeur Général

Brigades Nature, Jean-Luc Dozité, Directeur Général

ONG-CFED-ASBL( Centre de formation des Enfants Désoeuvrés) Icard Ngoto Kimba ,Coordonnat­eur. RD Congo

Inti Energies Solidaires - Agnès RIZZO - Directrice

 ?? ?? Manifestat­ion contre le marché du carbone à Bonn lors de la tenue de la COP23. “Alors que les crédits carbone sont affichés depuis des années comme un outil permettant de réduire les émissions ou capter des gaz à effet de serre, les prix trop faibles (4,5 euros/tonne équivalent CO2 en moyenne) et les règles qui les régissent les rendent parfois incompatib­les avec les Objectifs de Développem­ent Durable”, soulignent les signataire­s de la tribune. (Crédits : Reuters)
Manifestat­ion contre le marché du carbone à Bonn lors de la tenue de la COP23. “Alors que les crédits carbone sont affichés depuis des années comme un outil permettant de réduire les émissions ou capter des gaz à effet de serre, les prix trop faibles (4,5 euros/tonne équivalent CO2 en moyenne) et les règles qui les régissent les rendent parfois incompatib­les avec les Objectifs de Développem­ent Durable”, soulignent les signataire­s de la tribune. (Crédits : Reuters)

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