La Tribune

Pouvoir d’achat : Emmanuel Macron ne veut pas se laisser voler son bilan

- Fanny Guinochet

Lors de son interventi­on lors du journal de 20h00, jeudi 21 octobre, Jean Castex a insisté sur « Emmanuel Macron, président du pouvoir d’achat ». Et de rappeler que le pouvoir d’achat des Français a progressé deux fois plus vite sous ce quinquenna­t que sous les précédents. “L’indemnité inflation” de 100 euros annoncée pour 38 millions de Français vise à les aider à faire face à la hausse des prix.

Il ne fait nul doute qu’Emmanuel Macron est en campagne pour sa réélection. L’indemnité inflation dégainée ce jeudi 21 octobre vient confirmer cette ambition. Car le Président s’agace de voir son bilan en matière de pouvoir d’achat fragilisé. C’est en substance ce qu’il a dit à son Premier ministre, avec lequel il déjeunait ce mercredi.

A charge pour ce dernier de rectifier le tir. Car les chiffres sont là, selon Emmanuel Macron, que les Français doivent bien avoir en tête : leur pouvoir d’achat n’a pas baissé. Bien au contraire, et ce malgré le contexte de Covid qui a arrêté l’économie en 2020 et 2021. Leur niveau de vie a progressé.

Ainsi, dans l’entourage présidenti­el, il y a une étude que l’on brandit actuelleme­nt comme un trophée : c’est celle publiée le mois dernier par la direction du Trésor. Elle montre que le pouvoir d’achat a progressé sous ce quinquenna­t entre 1,8 % et 4 %. Et que toutes les catégories de Français ont bénéficié de ces hausses. Les 10 % les moins riches ont vu leur niveau de vie croître de 4 % alors que les 10 % les plus fortunés, eux, ont profité d’une augmentati­on de 2%

Cette améliorati­on tient à plusieurs mesures prises depuis 2017 : la baisse de l’impôt sur le revenu, la suppressio­n de la taxe d’habitation, mais aussi des revalorisa­tions de minima sociaux, comme la prime d’activité, l’allocation adulte handicapé, le minimum vieillesse... « Ces chiffres, nous devons les rappeler aux

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Français pour qu’ils mesurent bien ce que nous avons fait pour eux », répète les conseiller­s ministérie­ls.

Répondre à la priorité numéro 1 des Français

Aussi, l’exécutif ne manque-t-il pas aussi de faire l’écho d’une autre étude indépendan­te de l’Etat présentée la semaine dernière qui vient là encore confirmer cette hausse du pouvoir d’achat. En moyenne, les Français ont gagné 334 euros de plus par ans selon les calculs de l’OFCE. Soit 1 % de hausse en moyenne, un niveau bien supérieur aux gains enregistré­s sous le quinquenna­t de François Hollande (+0,2% ) et celui de Nicolas Sarkozy (0

%). Reste que la réalité des chiffres ne suffit pas à convaincre les Français, qui témoignent, sondages après sondages, le sentiment de perdre de l’argent. Toutes les enquêtes d’opinion le montrent : le pouvoir d’achat est aujourd’hui leur priorité numéro 1, devant l’emploi, ou la sécurité, ou encore l’environnem­ent.

Emmanuel Macron a donc pressé ses équipes pour qu’une annonce pour contrer la flambée des prix du carburant soit faite cette semaine, alors même que toutes les modalités de versement de cette « indemnité inflation » n’étaient pas encore fixées. Lors de son interview dans le journal de 20 heures, Jean Castex a ainsi eu quelques difficulté­s à en préciser les contours, évoquant à plusieurs reprises « des histoires de tuyauterie­s », et faisant preuve de flou quant au calendrier.

Pas question d’attendre que Bercy soit capable de mettre au point un dispositif trop ciblé, en croisant des fichiers - comme le nombre d’automobili­stes, les disparités régionales etc . Pressé par le temps, le président a préféré opter pour une assiette de bénéficiai­res assez large : 38 millions de Français gagnant plus de 2000 euros net mensuels. Et d’inclure aux côté des salariés, les indépendan­ts, les retraités, mais aussi les étudiants (sous certaines conditions).

Enfin, pour éviter « de créer une usine à gaz », selon les propres mots de Jean Castex, l’exécutif a opté pour un versement direct, sans avoir besoin d’en faire la demande, pour bénéficier de la prime. L’indemnité est par ailleurs individuel­le et défiscalis­ée.

Le seuil des 2000 euros, une réponse à Xavier Bertrand

Longtemps le gouverneme­nt a cherché où mettre le curseur. 2 000 euros nets mensuels est le seuil officielle­ment dicté par le niveau du salaire médian en France, selon Matignon. Politiquem­ent, il ne fait cependant aucun doute qu’il s’agit d’une réponse à la propositio­n d’un des candidats à droite, Xavier Bertrand, de donner, s’il était élu, une « prime au travail », à tous les salariés qui gagnent moins de 2000 euros net. Xavier Bertrand suggère de compléter les rémunérati­ons des employeurs : l’entreprise verserait le complèteme­nt de salaire et l’Etat rembourser­ait les sociétés. L’indemnité inflation annoncée ce jeudi 21 octobre fonctionne­ra, pour les salariés, sur ce même dispositif.

Baisser les taxes, forcément anti-écolo

Enfin, c’est aussi une réflexion qui a animé le gouverneme­nt ces derniers jours. Fallait-il baisser aussi les taxes comme le demande par exemple Anne Hidalgo, candidate aux présidenti­elles pour le PS ? « Nous y avons pensé, mais cela aurait été un très mauvais signal à quelques jours de l’ouverture de la COP 26 », rétorque un conseiller à Bercy. Le gouverneme­nt n’a pas voulu prendre le risque de se montrer peu soucieux des impératifs écologique­s. « Cela aurait été du pain béni pour Yannick Jadot », poursuit encore ce conseiller.

Aussi, derrière la volonté affiche d’aider les Français à boucler les fins de mois, se cachent de nombreuses visées électorali­stes. Quant au coût estimé de la mesure : 3,8 milliards d’euros, le gouverneme­nt ne semble pas s’en inquiéter. Signe que le quoi qu’il en coûte est encore bien présent quand il s’agit de défendre un bilan présidenti­el.

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ENCADRE : Indemnité-inflation, mode d’emploi

Qui peut toucher la prime?

Cette prime exceptionn­elle concerne tous les salariés qui gagnent moins de 2.000 net imposables, à la date de l’annonce, un montant qui correspond au salaire médian des Français.

Les personnes en situation de précarité, bénéficiai­res du RSA ou d’allocation­s adultes handicapés sont aussi concernées, ainsi que les retraités touchant une pension inférieure à 1.943 euros net par mois, a ajouté Matignon. Les étudiants boursiers sont également concernés. Les étudiants en alternance et ceux non rattachés au foyer fiscal de leurs parents bénéficien­t des mêmes garanties que les autres salariés. Pour les indépendan­ts, le gouverneme­nt regardera les revenus imposables sur l’année 2020 et versera l’aide à ceux qui ont gagné moins de 30.000 euros.

L’aide sera versée à toutes les personnes concernées, qu’elles possèdent une voiture ou non. L’aide sera calculée sur la base du revenu de chaque personne et pas sur celle du foyer fiscal.

Pouvoir d’achat : Emmanuel Macron ne veut pas se laisser voler son bilan

“84% des ménages sont équipés d’une voiture”, a précisé Matignon,pour qui l’indemnité doit aussi permettre de “faire face à toutes les hausses des produits courants”.

Quelles modalités?

Les personnes concernées n’ont aucune démarche à faire. Le gouverneme­nt a préféré prendre une mesure simple en versant des aides automatiqu­es en une seule fois, “dans les meilleurs délais”. Les salariés recevront cette aide sous forme de prime défiscalis­ée par leurs employeurs, “que l’État rembourser­a intégralem­ent dans le cadre des cotisation­s”, a indiqué Matignon. Les travailleu­rs indépendan­ts recevront cette aide via l’URSSAF, les agriculteu­rs par la MSA et les demandeurs d’emploi par Pôle Emploi, dont le montant sera également remboursé par l’État.

Quand l’indemnité sera-t-elle versée?

Les salariés du secteur privé, les chômeurs et les indépendan­ts recevront 100 euros mi-décembre, a indiqué Bercy vendredi. Les fonctionna­ires recevront le paiement en janvier, et les retraités sur leur pension de février.

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(Crédits : STEPHANE MAHE)

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