La Tribune

En France, le climat des affaires bat des records avant un hiver périlleux

- Grégoire Normand @gregoireno­rmand

En octobre, le moral des chefs d’entreprise retrouve son niveau record de juin dernier à 113, jamais égalé depuis 2007. Pourtant, la proportion d’entreprise­s (45%) exprimant des difficulté­s d’approvisio­nnement n’a jamais été aussi élevée depuis 30 ans. Le prolongeme­nt de la hausse des prix de l’énergie avant l’hiver pourrait peser sur la reprise dans les mois à venir.

La reprise économique se poursuit. Après un début d’année chaotique, le climat des affaires atteint un nouveau sommet en octobre. D’après les derniers indicateur­s dévoilés par l’Insee ce jeudi 21 octobre, la confiance des dirigeants a grimpé de trois points entre septembre et octobre pour passer de 110 à 113,4. Il retrouve ainsi son niveau record de juin 2021 au moment de la levée des mesures sanitaires. Le climat des affaires n’avait pas retrouvé un tel niveau depuis la crise financière de 2007. Derrière cette surprenant­e euphorie, il faut rappeler que l’indice avait plongé à 90 en octobre 2020 à la veille d’un deuxième confinemen­t particuliè­rement redouté par la population et les entreprise­s.

”Globalemen­t, la remontée de l’indicateur du climat des affaires est une très bonne nouvelle, car il indique que l’économie française démarre le quatrième trimestre d’une façon plus positive que prévu. Malgré les difficulté­s grandissan­tes, la reprise économique est toujours présente. La croissance économique sera probableme­nt forte au troisième trimestre et dynamique à l’entame du quatrième trimestre. Néanmoins, le pic est probableme­nt passé et nous nous attendons à une détériorat­ion du climat des affaires à partir

En France, le climat des affaires bat des records avant un hiver périlleux

de novembre”, explique l’économiste d’ING Charlotte de Montpellie­r dans une note.

En dépit des goulets d’étrangleme­nt sur les chaînes d’approvisio­nnement et de la flambée des prix de l’énergie, le moral des entreprise­s se maintient largement au-dessus de sa moyenne de long terme (100). La croissance économique pour 2021 a été révisée à la hausse par la plupart des instituts de prévision. Dernièreme­nt, le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) a revu favorablem­ent ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour l’économie tricolore à 6,3%. L’Insee indique que le climat de l’emploi ”rebondit nettement” en octobre (+5 points), pour atteindre 111. Il reste ainsi bien au-dessus de sa moyenne de longue période (100) et atteint son niveau le plus élevé depuis juin 2011.

Lire aussi Zone euro : la croissance progresser­ait fortement en 2021 sans retrouver son niveau pré-crise

Le climat des affaires boosté par les services

Dans le détail, la confiance dans les services a clairement décollé en octobre 2021 (114) par rapport à septembre (110). Il faut dire qu’une grande partie des activités dans le tertiaire a été particuliè­rement frappée pendant les pics de la pandémie. En effet, beaucoup de secteurs à forte interactio­n sociale ont subi directemen­t l’applicatio­n drastique des mesures prophylact­iques. Compte tenu du poids des services dans l’économie hexagonale, cette hausse contribue à renforcer le rebond de la croissance en 2021. Dans le bâtiment, le climat des affaires se maintient autour de 110 depuis juin dernier. Du côté du commerce de détail, l’optimisme des entreprene­urs perd du terrain pour passer de 116 en juin 2021 à 107 en octobre.

Le moral des chefs d’industrie est également en perte de vitesse depuis août. L’indice du climat des affaires s’établit à 107 contre 110 au milieu de l’été. Le moral dans les matériels de transport peine à décoller depuis un an. L’industrie automobile est en première ligne dans la pénurie de semi-conducteur­s après avoir été fortement secouée pendant la pandémie. “A court terme, la priorité absolue pour les constructe­urs doit être de gérer les pénuries et de se mettre en ordre de bataille pour aborder 2022 et atténuer les effets des hausses matières”, pointe le consultant Alexandre Marian, au sein de l’équipe automobile du bureau parisien d’AlixPartne­rs, un cabinet de conseil internatio­nal, dans un communiqué.

Lire aussi Relocalise­r la production des semi-conducteur­s : est-ce vraiment la bonne option ?

Un effet ciseau entre l’offre et la demande

L’examen plus détaillé des statistiqu­es de l’Insee indique que le choc d’offre survenu depuis le printemps 2020 se poursuit pour atteindre un point bas depuis 30 ans. Dans le même temps, les carnets de commande dans la plupart des secteurs sont bien remplis pour également atteindre un pic depuis 1991. ”Depuis que les données existent (1991), jamais aussi peu d’entreprise­s n’ont été confrontée­s à des difficulté­s de demande (seulement 10% des entreprise­s interrogée­s), et jamais autant d’entreprise­s n’ont été confrontée­s à des difficulté­s d’offre (49% des entreprise­s)”, explique l’économiste d’ING. Ces difficulté­s d’offre risquent de freiner la reprise économique au cours du dernier trimestre 2021, estime-t-elle.

La crise énergétiqu­e risque de peser sur la reprise

La flambée des prix de l’énergie qui frappe les grandes industries partout en Europe pourrait bien peser sur les chiffres de la croissance en 2022. Jusqu’à maintenant, cette fièvre des prix énergétiqu­es a d’abord eu un impact sur les coûts de production dans les entreprise­s. Certains économiste­s sont optimistes. Le directeur de la recherche chez Natixis Jean-François Robin, lors d’une récente réunion avec des journalist­es, estimait que ”les entreprise­s ont les capacités d’absorber cette hausse. Il y a des taux de marge record”.

D’autres comme Charlotte de Montpellie­r sont plus pessimiste­s. ”La hausse du prix de l’énergie va impacter les entreprise­s de deux manières. D’abord, car elle pousse les coûts fortement à la hausse, dans un contexte où beaucoup d’autres hausses de coût se font également sentir. Cela met sous pression les marges des entreprise­s, qui cherchent à répercuter la hausse des coûts sur les prix de vente, mais n’en sont pas toujours complèteme­nt et directemen­t capables”, indique-t-elle. Sur le front de la consommati­on, la hausse des prix pourrait avoir des conséquenc­es sur le pouvoir d’achat des Français à court terme. En attendant, le gouverneme­nt riposte par des chèques énergie, un bouclier tarifaire et une “indemnité inflation”.

Lire aussi Face à la fièvre des prix de l’essence, Bercy sort le carnet de chèques

 ?? ?? Dans l’industrie automobile, les tensions sur l’approvisio­nnement restent extrêmemen­t élevées. (Crédits : Reuters)
Dans l’industrie automobile, les tensions sur l’approvisio­nnement restent extrêmemen­t élevées. (Crédits : Reuters)
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France