La Tribune

Robotique : la startup Exotec sera-t-elle la toute première licorne industriel­le française ?

- François Manens @FrancoisMa­nens

Cinq ans après sa création et un an après une importante levée de fonds, la startup Exotec est sur orbite. La pépite lilloise spécialisé­e dans les robots industriel­s compte doubler son chiffre d’affaires en 2021, à plus de 100 millions d’euros, et atteindre l’équilibre financier. Sa technologi­e unique au monde et ses prestigieu­x clients partout dans le monde -dont le groupe Casino et le japonais Uniqlo- en font l’un des fers de lance de la réindustri­alisation de la France tant souhaitée par l’exécutif, et un espoir pour le secteur de la robotique.

Le ballet des petits robots d’Exotec fascine toujours autant. Cette fois, c’est dans un entrepôt de Monoprix, à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne), qu’ils exécutent leur petite danse. 38 robots « Skypods » y transporte­nt avec fluidité et aisance, sans jamais se gêner, des bacs remplis de produits. Ces petits engins n’ont même pas cinq ans d’existence, mais ils ont déjà séduit les plus gros distribute­urs français, à commencer par Carrefour, mais aussi Leclerc et donc le groupe Casino (Monoprix).

A l’heure où Emmanuel Macron insiste dans son discours sur la réindustri­alisation de la France et la nécessité de développer le secteur de la robotique, Exotec incarne la nouvelle ambition d’une French Tech davantage tournée vers l’industrie et la création d’emplois dans les bassins d’emplois sinistrés. C’est nouveau car il n’y a, pour l’instant, aucune pépite industriel­le dans la liste des 18 licornes françaises -ces startups non cotées et valorisées à plus d’un milliard de dollars. Celles-ci proposent s urtout des plateforme­s et des solutions logicielle­s, à l’image de Doctolib, Alan, Vestiaire Collective, Mirakl, ManoMano, Meero ou Deezer. Autrement dit, si l’écosystème français a prouvé sa

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capacité à faire émerger des champions, il attend toujours sa première licorne industriel­le.

Vers les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires pour Exotec

Chaque année, Exotec devient un candidat de plus en plus sérieux à ce titre. Son cofondateu­r et CEO, Romain Moulin, confie à La Tribune que la startup sait déjà qu’elle va atteindre l’objectif qu’elle s’était fixée pour 2021 : 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce montant, plus que doublé par rapport à l’année précédente (comme chaque année depuis sa création), permettra à Exotec de boucler un premier exercice à l’équilibre. « Dès le départ, nous voulions atteindre l’équilibre rapidement, pour prouver que nous sommes une boîte saine avec un vrai modèle économique », insiste le dirigeant.

La raison de cette explosion du chiffre d’affaires ? Le succès opérationn­el de ses robots Skypods, qui se déploient à grande vitesse chez ses clients. Avec des contrats emportés au nez à la barbe d’entreprise­s traditionn­elles de la logistique, l’attrait d’Exotec provient de l’innovation technologi­que et d’usage de ses robots. Ces engins autonomes ont la particular­ité de se déplacer à une vitesse de 4 mètres par seconde et en trois dimensions, c’est-à-dire à la fois horizontal­ement mais aussi verticalem­ent jusqu’à plus de 10 mètres de haut.

Les Skypods rendent ainsi le processus de préparatio­n des commandes plus simple, plus rapide -ce n’est pas l’opérateur humain qui parcours des kilomètres mais le robot qui amène le produit à l’opérateur- et moins fatigant pour les opérateurs, qui n’ont pas à se baisser pour ramasser les produits puisque la machine les amène à leur niveau. ”Les opérateurs peuvent faire entre douze et quinze kilomètres par jour dans un système normal. Dans cette installati­on ce sont les biens qui viennent aux opérateurs”, relevait en 2019 Pierre-Yves Escarpit, directeur général adjoint en charge des achats, de la supply chain et des systèmes d’informatio­n chez Cdiscount, un des premiers clients de la startup.

De 190 à 300 employés, de 877 robots déployés en simultané à plus de 2.000, Exotec grossit donc à vue d’oeil. La startup avait eu besoin de lever 77 millions d’euros en septembre 2020 pour soutenir cette croissance impression­nante, nourrie notamment par un contrat signé avec le géant de l’habillemen­t Uniqlo. Exotec s’est d’abord installé au Japon, pays d’origine de son client, où il équipe son plus gros entrepôt avec pas moins de 500 robots. Ensuite, toujours avec Uniqlo, la pépite à fait ses premiers pas aux Etats-Unis, et décidé d’ouvrir un bureau à Atlanta.

”Nous avons à peine égratigné le marché”

Jusqu’ici, Exotec suit son « business plan » à la lettre : contrats signés avec de gros clients français, suivi de premiers pas en Europe (en Espagne et en Allemagne) et à l’internatio­nal. Mais Romain Moulin ne s’enflamme pas pour autant : « Nous avons à peine égratigné le marché. Nos compétiteu­rs pèsent entre un et quatre milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel sur un marché de 60 milliards de dollars, qui ne cesse de grossir. Autant dire que nous avons du chemin à faire. »

Bien que prudent, le dirigeant affiche déjà ses ambitions. « L’idée, c’est de mettre des robots partout où il fait sens d’en mettre, et à terme, de proposer à nos clients un entrepôt complet, du déchargeme­nt du camion à son rechargeme­nt. Mais d’abord, nous devons nous ancrer sur le marché. »

Effectivem­ent, Exotec n’intervient aujourd’hui dans l’entrepôt qu’une fois les produits livrés et placés dans des bacs. Les opérateurs vont ensuite placer les bacs sur un tapis roulant et ce n’est qu’après cette étape que les robots entrent en scène pour les récupérer et les placer sur une immense étagère, en suivant un itinéraire calculé automatiqu­ement.

En janvier, l’entreprise a passé la première étape de l’élargissem­ent de son offre avec la mise en production du « Skypicker », un bras robotique fixe capable de transférer certains produits des bacs de stockage aux bacs de préparatio­n de commande. Bref : de remplacer plus efficaceme­nt le travail humain, quand il peut l’être.

Cette vision de l’entrepôt du futur paraît encore distante. Mais si la startup française continue son hypercrois­sance à trois chiffres, elle pourrait l’atteindre plus vite que l’on ne le pense.

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Il n’y a, pour l’instant, aucune pépite industriel­le dans la liste des 18 licornes françaises. (Crédits : La Tribune)
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