Relocalisation. Faire pousser du thé dans la Loire ? C’est le pari de la jeune marque FBTK
Dans la Loire, l’assembleur de thés et infusions la Fabrikathé (FBKT) a investi récemment 300.000 euros dans une plantation expérimentale de thés et plantes aromatiques. Objectif : relocaliser une partie de la production qu’il achète aujourd’hui aux quatre coins du monde, auprès des grands terroirs spécialistes du sujet (Chine, Inde etc) pour la remplacer par des plantes cultivées en France, à l’ouest de
Roanne. Une manière de réduire son empreinte carbone, mais aussi de sécuriser une portion de ses approvisionnements post-crise.
Et s’il ne se contentait plus d’assembler du thé et des infusions venues des quatre coins de la planète ? Julien David, le patron de FBKT (lire Fabrikathé), la startup qu’il avait lancée en 2016, a désormais une nouvelle ambition : il compte bien faire pousser du thé en France, dans la Loire.
”Nous sommes un des rares ateliers d’assemblage artisanal de thés et infusions en France. Il y a 220 marques de thés mais 200 se contentent de coller leur étiquette sur des produits déjà préparés, une quinzaine d’autres sont de grands groupes industriels dont l’ultra-leader Unilever qui détient 70% du marché. Il ne reste donc pas beaucoup d’artisans... Mais cette démarche artisanale ne me suffit plus, j’ai envie de travailler plus spécifiquement sur la réduction de notre empreinte carbone”, explique l’entrepreneur.
Car même si presque 100% de ses ingrédients sont bio, et même s’il a fait le choix de la vente en vrac et en mousselines en fécules de maïs (compostables donc), il n’empêche que son empreinte carbone n’est pas forcément au beau fixe avec des ingrédients traversant des milliers de kilomètres, depuis des contrées spécialistes des plantations de thé.
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Une plantation de théiers au coeur du roannais
Pour y remédier, la TPE de 14 salariés (dont cinq recrutés depuis le début de l’année) a profité de son déménagement récent depuis Renaison à Pouilly-les-Nonains, une commune située à l’ouest de Roanne (Loire), pour investir 300.000 euros supplémentaires dans une nouvelle plantation, composée de trois parcelles.
La première parcelle, de 7.000m², sera déclinée en deux espaces : un potager bio de 700m² pour le personnel et un “conservatoire” de plus de 6.000 m².
La Fabrikathé y a planté juste avant l’été ses 25 premiers théiers, d’espèces différentes. ”L’idée est, dans un premier temps, de les acclimater et de voir quelles variétés s’acclimatent le mieux à nos terroirs”.
Mais attention, prévient Julien David, il ne s’agit pas de se passer des producteurs indiens ou chinois, dont les terroirs fournissent des thés aux parfums racés. L’espoir est plus modeste, à l’échelle de la petite entreprise : parvenir, d’ici dix ans, à une autoproduction de 30%, soit 1.200 kilos de thés par an sur la base de l’activité actuelle.
”Il nous faudrait au moins 10 hectares de plantation pour produire tout ce dont nous avons besoin. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous lancer sur un si gros volume. Un énorme travail nous attend, car les connaissances sur la culture du thé en France sont très limitées”.
Une relocalisation ambitieuse, y compris à l’échelle française
Si les quantités restent modestes facialement, elles s’annoncent toutefois ambitieuses au regard de la production française globale actuelle.
”En France, les producteurs de thés se comptent sur les doigts d’une main et il n’y en a pas à ma connaissance en AuvergneRhône-Alpes. Il se produit en France, aujourd’hui, au maximum 50 kilos de thé par an alors que juste pour FBKT, nous en achetons quatre tonnes par an”.
L’Hexagone importe ainsi chaque année plus de 20.000 tonnes de thés, pour satisfaire un marché en pleine croissance (+60% en 20 ans, pour arriver à une consommation moyenne de 250 grammes par an et par habitant en France).
Pour se lancer dans cette aventure, la Fabrikathé s’est entourée d’un paysagiste, d’un chef de produits, d’un ouvrier agricole et d’une ingénieure alimentaire.
Sans compter qu’une seconde parcelle de plantation (2,2 hectares) sera, quant à elle, destinée dès la fin de l’année aux plantes aromatiques et médicinales. Au programme : une vingtaine d’espèces différentes aujourd’hui acheminées depuis la France et l’Europe.
”Là encore, il s’agit d’une démarche durable avec le souhait de relocaliser notre production de plantes destinées à nos assemblages de thés et infusions. Cette plantation nous permettra aussi de répondre à une problématique d’approvisionnement”.
Le thé, également touché par une tension des approvisionnements
Car depuis la crise du Covid, Julien David concède qu’il existe également une tension relativement importante, notamment sur certaines plantes médicinales utilisées pour divers usages. “Les consommateurs se tournent de plus en plus vers la médecine douce et il faut se battre pour acheter certaines plantes, comme la camomille romaine par exemple”.
Son objectif sera donc de parvenir à 20% d’autoproduction, et aussi de lancer des gammes 100% locales. Enfin, sa dernière parcelle envisagée sera destinée à des plantations de fruitiers.
Au-delà de la production et des expérimentations, la plantation de la Fabrikathé servira aussi d’appui pour le développement d’une nouvelle activité : l’éco-tourisme. ”Nous allons concevoir cet espace comme un jardin botanique dans lequel les visiteurs pourront se balader”.
Au total, FBKT propose déjà plus de 500 références et réalise 5% de son chiffre d’affaires auprès des particuliers (site internet et 3 boutiques en propre). Elle s’appuie par ailleurs sur un réseau de 160 revendeurs en France et s’adresse en parallèle au marché de l’hôtellerie-restauration. Depuis le début de l’année, elle fournit ainsi l’intégralité des thés et infusions de l’Intercontinental de Lyon (Hôtel Dieu). Elle table sur un chiffre d’affaires d’1,4 million d’euros en 2021, soit 40% de plus qu’en 2020 et en 2019.