La Tribune

Relocalisa­tion. Faire pousser du thé dans la Loire ? C’est le pari de la jeune marque FBTK

- Stéphanie Gallo Triouleyre

Dans la Loire, l’assembleur de thés et infusions la Fabrikathé (FBKT) a investi récemment 300.000 euros dans une plantation expériment­ale de thés et plantes aromatique­s. Objectif : relocalise­r une partie de la production qu’il achète aujourd’hui aux quatre coins du monde, auprès des grands terroirs spécialist­es du sujet (Chine, Inde etc) pour la remplacer par des plantes cultivées en France, à l’ouest de

Roanne. Une manière de réduire son empreinte carbone, mais aussi de sécuriser une portion de ses approvisio­nnements post-crise.

Et s’il ne se contentait plus d’assembler du thé et des infusions venues des quatre coins de la planète ? Julien David, le patron de FBKT (lire Fabrikathé), la startup qu’il avait lancée en 2016, a désormais une nouvelle ambition : il compte bien faire pousser du thé en France, dans la Loire.

”Nous sommes un des rares ateliers d’assemblage artisanal de thés et infusions en France. Il y a 220 marques de thés mais 200 se contentent de coller leur étiquette sur des produits déjà préparés, une quinzaine d’autres sont de grands groupes industriel­s dont l’ultra-leader Unilever qui détient 70% du marché. Il ne reste donc pas beaucoup d’artisans... Mais cette démarche artisanale ne me suffit plus, j’ai envie de travailler plus spécifique­ment sur la réduction de notre empreinte carbone”, explique l’entreprene­ur.

Car même si presque 100% de ses ingrédient­s sont bio, et même s’il a fait le choix de la vente en vrac et en mousseline­s en fécules de maïs (compostabl­es donc), il n’empêche que son empreinte carbone n’est pas forcément au beau fixe avec des ingrédient­s traversant des milliers de kilomètres, depuis des contrées spécialist­es des plantation­s de thé.

Relocalisa­tion. Faire pousser du thé dans la Loire ? C’est le pari de la jeune marque FBTK

Une plantation de théiers au coeur du roannais

Pour y remédier, la TPE de 14 salariés (dont cinq recrutés depuis le début de l’année) a profité de son déménageme­nt récent depuis Renaison à Pouilly-les-Nonains, une commune située à l’ouest de Roanne (Loire), pour investir 300.000 euros supplément­aires dans une nouvelle plantation, composée de trois parcelles.

La première parcelle, de 7.000m², sera déclinée en deux espaces : un potager bio de 700m² pour le personnel et un “conservato­ire” de plus de 6.000 m².

La Fabrikathé y a planté juste avant l’été ses 25 premiers théiers, d’espèces différente­s. ”L’idée est, dans un premier temps, de les acclimater et de voir quelles variétés s’acclimaten­t le mieux à nos terroirs”.

Mais attention, prévient Julien David, il ne s’agit pas de se passer des producteur­s indiens ou chinois, dont les terroirs fournissen­t des thés aux parfums racés. L’espoir est plus modeste, à l’échelle de la petite entreprise : parvenir, d’ici dix ans, à une autoproduc­tion de 30%, soit 1.200 kilos de thés par an sur la base de l’activité actuelle.

”Il nous faudrait au moins 10 hectares de plantation pour produire tout ce dont nous avons besoin. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous lancer sur un si gros volume. Un énorme travail nous attend, car les connaissan­ces sur la culture du thé en France sont très limitées”.

Une relocalisa­tion ambitieuse, y compris à l’échelle française

Si les quantités restent modestes facialemen­t, elles s’annoncent toutefois ambitieuse­s au regard de la production française globale actuelle.

”En France, les producteur­s de thés se comptent sur les doigts d’une main et il n’y en a pas à ma connaissan­ce en AuvergneRh­ône-Alpes. Il se produit en France, aujourd’hui, au maximum 50 kilos de thé par an alors que juste pour FBKT, nous en achetons quatre tonnes par an”.

L’Hexagone importe ainsi chaque année plus de 20.000 tonnes de thés, pour satisfaire un marché en pleine croissance (+60% en 20 ans, pour arriver à une consommati­on moyenne de 250 grammes par an et par habitant en France).

Pour se lancer dans cette aventure, la Fabrikathé s’est entourée d’un paysagiste, d’un chef de produits, d’un ouvrier agricole et d’une ingénieure alimentair­e.

Sans compter qu’une seconde parcelle de plantation (2,2 hectares) sera, quant à elle, destinée dès la fin de l’année aux plantes aromatique­s et médicinale­s. Au programme : une vingtaine d’espèces différente­s aujourd’hui acheminées depuis la France et l’Europe.

”Là encore, il s’agit d’une démarche durable avec le souhait de relocalise­r notre production de plantes destinées à nos assemblage­s de thés et infusions. Cette plantation nous permettra aussi de répondre à une problémati­que d’approvisio­nnement”.

Le thé, également touché par une tension des approvisio­nnements

Car depuis la crise du Covid, Julien David concède qu’il existe également une tension relativeme­nt importante, notamment sur certaines plantes médicinale­s utilisées pour divers usages. “Les consommate­urs se tournent de plus en plus vers la médecine douce et il faut se battre pour acheter certaines plantes, comme la camomille romaine par exemple”.

Son objectif sera donc de parvenir à 20% d’autoproduc­tion, et aussi de lancer des gammes 100% locales. Enfin, sa dernière parcelle envisagée sera destinée à des plantation­s de fruitiers.

Au-delà de la production et des expériment­ations, la plantation de la Fabrikathé servira aussi d’appui pour le développem­ent d’une nouvelle activité : l’éco-tourisme. ”Nous allons concevoir cet espace comme un jardin botanique dans lequel les visiteurs pourront se balader”.

Au total, FBKT propose déjà plus de 500 références et réalise 5% de son chiffre d’affaires auprès des particulie­rs (site internet et 3 boutiques en propre). Elle s’appuie par ailleurs sur un réseau de 160 revendeurs en France et s’adresse en parallèle au marché de l’hôtellerie-restaurati­on. Depuis le début de l’année, elle fournit ainsi l’intégralit­é des thés et infusions de l’Interconti­nental de Lyon (Hôtel Dieu). Elle table sur un chiffre d’affaires d’1,4 million d’euros en 2021, soit 40% de plus qu’en 2020 et en 2019.

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Avec un premier objectif : parvenir, d’ici dix ans, à une autoproduc­tion de 30%, soit 1.200 kilos de thés par an sur la base de l’activité actuelle. (Crédits : DR)
La jeune pousse ligérienne FBKT qui propose déjà plus de 500 références de thés et infusions, a désormais une ambition : faire pousser du thé en France, dans la Loire. Avec un premier objectif : parvenir, d’ici dix ans, à une autoproduc­tion de 30%, soit 1.200 kilos de thés par an sur la base de l’activité actuelle. (Crédits : DR)

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