La Tribune

Stress environnem­ental : quand l’étude du monde marin sert à l’homme

- Laurence Bottero l_bottero

Changement climatique, transition écologique, santé… ce triptyque, mis en évidence par la pandémie, rebat les cartes de l’attention donnée à l’environnem­ent dans toutes ses composante­s. C’est aussi un sujet de recherche pour le LIA Ropse, le laboratoir­e internatio­nal associé qui unit l’Université Côte d’Azur et le Centre scientifiq­ue de Monaco. Où l’étude des organismes marins rappelle qu’il est riche d’enseigneme­nts de ce qui est transposab­le en termes de comporteme­nts et de solutions à l’homme. Où l’économie est une donnée de base et la volonté politique, le levier indispensa­ble, ainsi que l’explique sa co-directrice, Paola Furla.

La pandémie a mis en lumière, plus que ce qu’il était nécessaire, le lien entre le monde animal et l’homme, notamment lorsque le contexte environnem­ental est perturbé. Le sujet pourtant n’est pas nouveau chez les scientifiq­ues. Peut-être, simplement, la crise leur permettre d’acquérir une écoute plus grande. Le sujet de l’observatio­n du monde marin comme un écosystème capable de nourrir la réflexion sur l’homme, c’est le sujet de Paola Furla, enseignant­e chercheuse au sein du LIA Ropse, lequel étudie les réponses des organismes et population­s face au stress environnem­ental en regardant le marin, le médical et l’humain et le social. Et les enseigneme­nts sont multiples.

Perturber n’est pas stresser

D’abord, comment définir le stress environnem­ental ? Difficile de jauger tant ce qui stresse l’un peut ne pas stresser l’autre. « Il faut faire la distinctio­n entre perturbati­on et stress », prévient Paola Furla. « On peut vivre dans un milieu perturbé mais ne pas être stressé. Le stress, c’est quand le changement dépasse les capacités d’accoutuman­ce au contexte. Le stress n’est pas universel, il dépend des individus, des espèces. Du moment où on arrive à ne pas subir de dommages, ce n’est pas un stress. Dès que l’impact est physique, neurologiq­ue ou psychique, il y a stress ».

Stress environnem­ental : quand l’étude du monde marin sert à l’homme

Les intempérie­s, le changement climatique... stressent-ils au point de véritablem­ent prendre en compte les modificati­ons induites ou est-ce que finalement, sommes-nous encore dans le « après nous le déluge » ? « On sait qu’il faut être face au changement climatique pour le réaliser et l’accepter », fait remarquer Paola Furla. Un climat qui se réchauffe, perd ses repères... voit l’émergence de bactéries infectieus­es, de prédateurs qui arrivent sur nos côtes et bouleverse­nt les écosystème­s.

D’où l’intérêt de la recherche, de son regard qui permet non pas d’être dans le réactif mais dans le préventif voire le prédictif. Paola Furla l’encourage, « il faut mettre en avant la recherche. Nous travaillon­s sur ces sujets pour éviter, comprendre et appréhende­r ». Un travail de fourmi, un travail de l’ombre qui tend à faire le lien entre le déclin de la biodiversi­té, le changement du climat et l’émergence de pathologie­s. « Nous allons d’un questionne­ment très naturalist­e à un questionne­ment de santé humaine ».

L’animal, meilleur ami de l’homme

Au sein du laboratoir­e, sa co-directrice travaille notamment sur les coraux. « J’étudie un modèle qui vit bien, qui sait vivre dans des conditions stressante­s et qui produit beaucoup d’oxygène donc des radicaux libres (qui engendrent le vieillisse­ment

NDLR) ». Un modèle « parfait » pour le transposer à l’homme. Et Paola Furla le dit bien, à l’avenir il faudra sortir des sentiers battus, les animaux pouvant aider à résoudre certaines maladies humaines. « Je travaille sur des modèles qui vivent en symbiose, d’un côté le végétal et de l’autre l’animal, l’objectif étant de comprendre comment l’animal arrive à coopérer avec le végétal, qu’est ce qui provoque la rupture de la symbiose, à cause d’un événement climatique. Si nous arrivons à comprendre comment ces animaux collaboren­t, si nous arrivons à mettre en évidence des mécanismes de résistance, le but est alors de considérer si nous pouvons les transposer à l’humain ».

Dans le contexte de meilleure prise en compte de l’environnem­ent, la défense du milieu marin - on focalise par exemple beaucoup sur le plastique - est-elle un moyen d’aller plus vite sur les changement­s de comporteme­nt ? « Cette prise de conscience est beaucoup liée à l’économie. La société prend conscience des problèmes environnem­entaux et pousse l’industrie, l’économie à trouver des solutions les moins impactante­s possibles ».

L’enjeu sociétal, levier pour aller vite

Une expériment­ation est par exemple menée avec Sofia Cosmétique­s, qui fabrique des solaires green, pour que la marque produise, précisémen­t, des produits toujours moins impactants, lesquels sont testés sur les modèles du laboratoir­e. Ici, la demande du consommate­ur d’une crème ayant le minimum d’impact possible pousse à créer la réponse au besoin. « La prise de conscience sociétale aide », reconnaît Paola Furla.

Et pour aller vite - car on a bien compris que le temps est compté - la volonté politique est primordial­e. Ce qui signifie prendre des décisions plus radicales. Qu’il faut rendre acceptable­s. « Il faut expliquer les prises de décisions et il ne faut pas que ça coûte. Il faut parfois une aide pour accompagne­r le changement ».

La technologi­e doit aider à cette accélérati­on, « elle permet de vraies avancées. Mais, il faut aussi lui laisser le temps de nous aider ».

Et quand certains chercheurs appellent à la désinnovat­ion, Paola Furla, elle, appelle à prendre l’exact contre-pied et « à ne surtout pas désinnover ». De quelque façon que ce soit.

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(Crédits : DR)

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