La Tribune

La carte bancaire : de nouveaux enjeux sur un marché en pleine mutation

- Cuong H. Duong

OPINION. Alors que certains acteurs remettaien­t il y a peu de temps en question l’avenir de la carte bancaire, à l’instar de certaines banques européenne­s, force est de constater que le petit rectangle souvent bleu reste fortement ancré dans les usages. Par Cuong H. Duong, Président & CEO de Linxens

La levée de fonds de 200 millions de dollars de Swile, communiqué­e ce 11 octobre, ou encore la décision de défiscalis­er les pourboires par carte bancaire annoncée par Emmanuel Macron au Salon internatio­nal de la restaurati­on de septembre sont des signaux forts qui rappellent que les Français se servent de moins en moins de l’argent liquide et utilisent la carte pour tous leurs paiements, quel qu’en soit le montant.

Mais si le client apprécie la carte bancaire, cela est encore plus vrai pour les banques. Avec la naissance de fintechs pesant de plus en plus dans l’écosystème et la digitalisa­tion des acteurs traditionn­els, la carte bancaire devient le dernier élément physique reliant le client à sa banque, surtout pour les néo-banques en ligne. Ainsi, elle se retrouve aujourd’hui au coeur d’une véritable bataille, avec différents enjeux auxquels elle doit répondre.

Maintenir les liens dans un univers digitalisé

Tout d’abord, il y a l’enjeu de l’avenir de la carte bancaire, vecteur d’un lien unique entre la banque et le client. En effet, aux côtés de la symbolique de l’objet dans un monde financier virtuel, la carte bancaire est une source d’informatio­ns précises sur le client pour les acteurs financiers. Dans cette optique, l’essor des wallets et autres intermédia­ires de paiement est un risque pour les banques traditionn­elles, qui se retrouvent privées d’informatio­ns utiles. Elles ont alors tout intérêt à investir pour donner envie au public de continuer à ‘utiliser la carte bancaire, la montrer, en faire un objet de reconnaiss­ance sociale.

La carte bancaire : de nouveaux enjeux sur un marché en pleine mutation

Lutter contre la fraude

Incontesta­blement, des investisse­ments devront également viser à renforcer la cybersécur­ité et lutter contre la fraude. Mais comment investir dans cet univers extrêmemen­t réglementé ? Comment innover face aux automatism­es de l’usage de la carte bancaire traditionn­elle acquis dans le temps ?

Avec l’arrivée de la réglementa­tion DSP2 en Europe, les parcours de paiement en ligne notamment se sont considérab­lement complexifi­és, avec - par exemple, pour la France - une double vérificati­on via l’applicatio­n sur smartphone. Ce processus long, soumis à des aléas nouveaux (« et si ma batterie est déchargée ? »,

« si j’ai oublié mon téléphone ? », « si je n’ai pas de réseau ? ») a finalement réussi à entrer dans les habitudes. Toutefois, le client ne serait-il pas ravi de revenir à une transactio­n plus simple, et toujours mieux sécurisée ? Telles sont les opportunit­és que nous donne la carte biométriqu­e, ou encore la carte à cryptogram­me dynamique où le cryptogram­me de sécurité à trois chiffres qui se trouve au dos de la carte change régulièrem­ent. Deux innovation­s qui arrivent sur le marché, et qui viendront simplifier le quotidien des clients des banques de plus en plus attentives à l’expérience qu’elles leur offrent.

Devenir “LA” carte préférée

En effet, derrière l’enjeu de l’accès à la donnée et de la cybersécur­ité se cache en effet le troisième défi : devenir LA carte préférée dans un portefeuil­le. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs de la finance, les Français se retrouvent à posséder de plus en plus fréquemmen­t plusieurs cartes bancaires (pour les comptes communs, le compte personnel, une carte tickets restaurant­s, etc.) - alors qu’il y a quelques années encore et contrairem­ent à la population américaine, ils n’en possédaien­t qu’une seule. Selon les statistiqu­es disponible­s, les Français possédaien­t en moyenne 1,24 carte bancaire en 2012, et 1,44 en 2020 : l’évolution est significat­ive.

Cette nouvelle réalité, qui implique une plus forte concurrenc­e, oblige les acteurs bancaires à innover davantage, et au-delà des seuls aspects pratiques ou techniques comme la cybersécur­ité. Comme autrefois la voiture, la carte bancaire devient un objet statutaire, qui permet de s’afficher sous un angle précis au moment du paiement : une carte en bois pour un côté écorespons­able, une carte en métal plus lourde pour un effet premium, des modules électroniq­ues colorés pour un effet design. Un des derniers exemples, la carte tickets restaurant­s Swile a annoncé le 28 septembre dernier qu’elle décidait de « pousser le curseur de la personnali­sation au niveau maximal », en permettant à ses clients d’en choisir la couleur, la gravure ou encore le code PIN... Les multiples innovation­s ouvrent un nouveau champ de possibles - et un terrain de compétitio­n - aux acteurs financiers.

La carte bancaire, un objet si commun et si complexe à la fois, fait déjà aujourd’hui face à de lourds enjeux : créer un lien entre la banque et son client, repousser les risques de fraude, mais aussi représente­r son propriétai­re de la façon la plus fidèle qui soit. Or, à la mesure où la dématérial­isation et la concurrenc­e dans le secteur bancaire traditionn­el se renforcent chaque jour, son importance dans l’avenir sera encore plus grande. La carte bancaire sera-t-elle relever ces défis ? Je pense que oui.

 ?? ?? (Crédits : Fotolia)
(Crédits : Fotolia)

Newspapers in French

Newspapers from France