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Agricultur­e décarbonée : 469.000 emplois pourraient être créés d’ici 2050

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La transforma­tion d’un modèle productif agricole vers un système décarboné pourrait générer la création de 469.000 emplois nets d’ici 2050, estime The Shift Project dans un rapport intermédia­ire. Dans le détail, cette révolution, tirée par le changement des habitudes de consommati­on et la relocalisa­tion, engendrera­it 541.000 postes nouveaux pour la production (fermier, employés agricoles) tandis que les industries agroalimen­taires verraient leurs effectifs fondre de plus de 60.000 postes. Mais de nombreux freins, notamment au niveau du financemen­t, ralentisse­nt les transforma­tions d’un secteur fortement émetteur de CO2.

C’est un chiffre massue qui pourrait bien donner envie aux responsabl­es économique­s et politiques d’accélérer la transition alimentair­e. Selon le rapport intermédia­ire du Shift Project intitulé

”l’emploi : moteur de la transforma­tion bas carbone”, publié mi-septembre, le cabinet de conseils estime que la mutation du modèle agricole français vers un modèle décarboné, pourrait générer la création nette de 469.000 emplois équivalent temps plein (ETP) d’ici 2050. Ce rapport s’inscrit dans le projet au long court du think thank, qui souhaite proposer aux responsabl­es un “Plan de transforma­tion de l’économie française” pour décarboner les activités économique­s du pays.

Alors que le secteur employait 1.4 million de travailleu­rs en 2016, les auteurs du Shift Project estiment qu’ils seront 1.9 million d’ici 2050 après la transforma­tion du système de production agricole. Le périmètre de l’étude prend en compte la production agricole, l’amont de la filière (fourniture­s d’intrants et de services), la transforma­tion des produits (industries agroalimen­taires et artisanat commercial, boulangeri­e, pâtisserie et charcuteri­e), le commerce de gros et le négoce de produits alimentair­es. Les activités de

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transport de produits alimentair­es réalisées par des entreprise­s spécialisé­es dans le fret et la logistique sont en revanche exclues du périmètre.

Agroécolog­ie et relocalisa­tion

Ces créations d’emplois seront liées à l’évolution de l’offre alimentair­e et de la consommati­on. Cela passe notamment par une baisse de la consommati­on de viande et un effort significat­if pour réduire le gaspillage. Surtout, à l’heure des débats sur la souveraine­té alimentair­e, la relocalisa­tion des chaînes de production alimentair­e, de la production à la transforma­tion, sera un élément moteur de la dynamique de l’emploi. Est également intégré aux simulation­s ”l’évolution géographiq­ue de la répartitio­n des production­s du fait du réchauffem­ent” climatique”, expliquent les auteurs de l’étude, qui précisent :

L’impact emploi de ces transforma­tions sera le plus significat­if parmi les secteurs étudiés. La relocalisa­tion du maraîchage, la diffusion des pratiques agroécolog­iques et la re-territoria­lisation de la transforma­tion et de la distributi­on impliquent d’inverser la tendance de l’emploi agricole : il s’agit presque de le doubler sur les trente prochaines années, alors même qu’il a été divisé par deux durant les trente dernières.

Dans le détail, la production agricole verrait ses effectifs passer de 710.000 à 1,2 million, soit une hausse de 541.000 ETP, entre 2016 et 2050. Le groupe estime que la généralisa­tion des pratiques agroécolog­iques nécessiter­ont un besoin en main d’oeuvre très important, du fait de la moindre utilisatio­n des outils mécanisés et de la disparitio­n des intrants chimiques dans les exploitati­ons. Par ailleurs, The Shift Project défend une hypothèse d’augmentati­on des emplois liée à la nécessaire diversific­ation des fermes. ”La relocalisa­tion des circuits de distributi­on et la recherche d’une meilleure valeur ajoutée poussent les agriculteu­rs à développer les activités de transforma­tion à la ferme et la commercial­isation en vente directe”, détaillent les auteurs.

Des milliers de ferme en plus

Cette augmentati­on massive d’emploi sera tirée par l’installati­on de 75.000 fermes supplément­aires d’ici l’échéance de la transforma­tion. L’agricultur­e française compte aujourd’hui 436 000 fermes. Les auteurs précisent s’appuyer ”sur le scénario « idéal » du plaidoyer Fermes d’Avenir (2016) qui considère que produire sur le territoire l’ensemble des fruits et légumes consommés par les Français - en prenant en compte l’évolution vers un régime plus végétal - nécessiter­ait la création de 100 000 fermes de maraîchage diversifié de 2 ha employant en moyenne 4 ETP. “

L’artisanat commercial, qui regroupe les boulangers-pâtissiers ou boucher-charcutier­s et les métiers de bouche - serait le second segment qui verra ses effectifs augmenter. Ils passeront à 210.000 d’ici 2050, contre 195.000 en 2016, soit une légère hausse de 15.000 ETP. ”Nous faisons l’hypothèse d’une augmentati­on de 10 % en boulangeri­e-pâtisserie et d’une diminution de 20 % en boucherie-charcuteri­e”, précise le rapport intermédia­ire.

L’industrie agro-alimentair­e touchée de plein fouet

Toutefois, la transforma­tion de l’agricultur­e vers un mode de production décarboné entraînera­it des suppressio­ns d’emplois. Les industries agro-alimentair­es verraient leurs effectifs fondre. Au total, 60.000 postes seraient supprimés. Dans le détail, le segment transforma­tion viandes et préparatio­ns viandes serait le plus impacté, avec une perte de 67%, pour s’établir en 2050 à 34.280 ETP, contre 98.930 en 2016. Le secteur de la fabricatio­n produits laitiers verrait également ses effectifs chuter de 33%, à 39.380 en 2050, prévoit l’étude.

Enfin, le secteur de la fourniture d’intrants et de services devrait supprimer 19.000 emplois, pour employer 7.000 ETP en 2050, alors que le commerce de gros et négoce verrait ses effectifs perdre 19.000 unités, pour s’établir à 174.000

Cette profonde mutation n’est pas sans poser de nombreux problèmes afin de pourvoir les postes qui seront disponible­s demain, selon ces estimation­s.

”Cette demande de main-d’oeuvre agricole arrive dans un contexte historique d’une diminution régulière du nombre d’actifs agricoles : attirer une main-d’oeuvre en nombre est donc un enjeu de taille, soulignent les auteurs. Les enjeux que pose la démographi­e actuelle des emplois dans la production agricole vont à rebours des orientatio­ns nécessaire­s indiquées ici. Il s’agit notamment du vieillisse­ment et du défi posé par les départs en retraite anticipés dans les 5-10 prochaines années.

Répondre aux problèmes de transmissi­on des exploitati­ons

A ce titre, la transmissi­on des exploitati­ons agricoles et les moyens alloués aux nouveaux exploitant­s seront des facteurs cruciaux pour répondre à ces besoins. En effet, il existe déjà aujourd’hui une pénurie de repreneurs et par conséquent, une concentrat­ion des sites de production, un mouvement qui

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ne serait pas compatible avec la mutation vers un modèle décarboné.

Reste que ces prévisions s’inscrivent dans un contexte difficile pour les acteurs du secteur agricole qui veulent transforme­r leur modèle de production vers des pratiques moins émettrice de CO2. Les financemen­ts français manquent cruellemen­t, et le plan de soutien annoncé par Emmanuel Macron dans le cadre de France 2030, d’un montant de 2 milliards d’euros, ne permettra pas de combler les besoins. Du modèle économique encore balbutiant - l’appel de Biolait aux consommate­urs illustrent les problèmes de débouchés - aux manques de données structurée­s qui perturbent les études de marché, les freins sont réels. Autant d’éléments qui pourraient perturber la création d’emplois en dépit de nombreux projets prêt à décoller.

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La généralisa­tion des pratiques agroécolog­iques, supprimant mécanisati­on excessive et usages des intrants chimiques, nécessiter­a plus de main d’oeuvre dans les champs. (Crédits : Pixabay License)

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