La Tribune

Vers des « cyber SAMU » dans les régions : l’exemple normand

- Nathalie Jourdan

Après le 15, voici venus les ambulancie­rs du risque Cyber. Face à l’explosion du nombre d’attaques, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informatio­n (ANSSI) invite les Régions à créer des centres de premier secours pour répondre dans l’urgence aux institutio­ns et entreprise­s victimes de hackers malveillan­ts. La Normandie répond présente.

Phishing, ransomware, piratage... Plus un jour ne passe sans qu’une entreprise ou une collectivi­té ne fasse état d’une cyberattaq­ue, comme récemment la marque Lise Charmel dans la région lyonnaise qui a failli ne pas s’en relever. Les statistiqu­es donnent le tournis. De plus en plus sophistiqu­ées, les campagnes dites de « hameçonnag­e » ont bondi de plus de 700% dans le monde au cours des dernières années. En France, les signalemen­ts de rançongici­els ont été multiplié par quatre en 2020, mettant à genoux ici une mairie, là un hôpital, ailleurs une grosse PME.

Face à la montée des menaces et à la vulnérabil­ité croissante des organisati­ons fragilisée­s par le télétravai­l, l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informatio­n) voudrait voir émerger au sein des Régions des équipes d’urgentiste­s capables d’administre­r les premiers secours aux victimes, souvent démunies, des cybercrimi­nels. Dans le cadre de France Relance, elle a obtenu des fonds pour accompagne­r les Conseils régionaux dans la mise en place de ce qui s’apparente à des « cyber SAMU ». Dans le jargon : des CSIRT (Computer Security Incident Response Team).

Dans le ventre mou de la cybersécur­ité

Message reçu par la Région Normandie dont les élus viennent de voter la création d’un CSIRT « au plus tard au second semestre de 2022 ». Comme ses équivalent­s, le dit centre n’adressera ni les grands comptes outillés pour faire face à une attaque, ni les particulie­rs et les TPE pour qui existe la plateforme cybermalve­illance.fr. En revanche, il proposera un service d’assistance gratuit aux structures de taille intermédia­ire (PME, ETI, collectivi­tés de plus de 5.000 habitants, établissem­ents publics, grosses associatio­ns). Lesquelles sont souvent considérée­s comme le ventre mou de la cybersécur­ité parce que trop petites pour disposer

Vers des « cyber SAMU » dans les régions : l’exemple normand

d’un service informatiq­ue mais suffisamme­nt grandes pour intéresser les pirates.

Les missions de ces ambulancie­rs du Net ? Centralise­r les demandes, enregistre­r les victimes de cyberattaq­ues, leur apporter une aide de premier niveau (conseils, mise en oeuvre de solutions immédiates) et les rediriger vers le prestatair­e ad hoc. Normand, de préférence. Pour Fabrice Clerc, PDG de 6cure, société caennaise spécialisé­e dans la sécurité des systèmes d’informatio­n, l’offre viendra combler un vide.

« L’analogie avec le SAMU est bonne. En étant dans les pages jaunes, nous le constatons tous les jours. Les victimes ne savent pas vers qui se tourner en cas d’urgence informatiq­ue : un bon généralist­e ou un spécialist­e ?, observe-t-il. Il manque un guichet unique, ce qui est précisémen­t la vocation d’un CSIRT ».

Du curatif et du préventif

Le rôle du futur centre ne se bornera pas à administre­r les « premiers soins ». « Il aura également une vocation préventive en surveillan­t l’état de la menace et en assurant une veille sur les nouvelles attaques, les logiciels malveillan­ts ou les dernières vulnérabil­ités » précise Alexandre Wahl, patron de l’Agence de développem­ent économique de la Normandie (ADN). La Région espère aussi, à la faveur de ce nouvel outil, « faire monter en compétence­s » les spécialist­es régionaux de la cybersécur­ité, peu nombreux à être référencés par l’ANSSI. Ce pourquoi elle envisage, à terme, de créer son propre label, un peu moins corseté que celui de l’Agence inaccessib­le aux plus petits joueurs. Objectif : séparer le bon grain de l’ivraie. Autrement dit, valoriser les intervenan­ts compétents de préférence aux experts auto-proclamés.

Sur le plan pratique, le CSIRT sera piloté par un conseil d’orientatio­n et placé dans l’orbite de l’ADN dont il deviendra un départemen­t. Ce cyber SAMU devrait pouvoir compter, dans un premier temps, sur une petite équipe multi-spécialisé­e qui interviend­ra en semaine, aux heures ouvrables. A ce stade, rien n’est prévu pendant les week-end et les nuits : périodes pourtant prisées des hackers qui aiment à évoluer sous les radars. Un maillon faible pour Fabrice Clerc : « Si le centre veut vraiment être efficace, il ne pourra pas faire l’économie du H24 », prévient-il. A méditer.

 ?? ?? La question n’est pas “Vais-je être la cible d’une cyberattaq­ue ?” mais “Quand vais-je subir une cyberattaq­ue ?” rappelle l’ANSSI. (Crédits : Reuters)
La question n’est pas “Vais-je être la cible d’une cyberattaq­ue ?” mais “Quand vais-je subir une cyberattaq­ue ?” rappelle l’ANSSI. (Crédits : Reuters)

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