La Tribune

Le Traité du Quirinal, symbole du renforceme­nt des relations entre la France et l’Italie

- Edoardo Secchi

OPINION. Le Traité du Quirinal est l’équivalent transalpin du Traité de l’Élysée signé en 1963 et développé ultérieure­ment en 2019 avec le Traité d’Aix-la-Chapelle. Le projet a été lancé en 2018 sous initiative du président Emmanuel Macron et du Président du Conseil des ministres Paolo Gentiloni. Par Edoardo Secchi, entreprene­ur, président fondateur d’Italy-France Group, et fondateur du Club Italie-France.

Au bout d’un travail de trois ans, la France et l’Italie ont finalisé un accord, qui sera signé à Rome avant la fin de l’année, fondamenta­l pour consolider leur relation institutio­nnelle et économique. Et c’est une très bonne nouvelle. Les deux pays pourront désormais agir ensemble sur des sujets cruciaux tels que la politique internatio­nale, le renforceme­nt de leur système économique, la défense.

Le traité franco-italien part d’une vision économique et politique commune. Sur le plan économique, les positions de deux pays sont très proches, plus précisémen­t sur les politiques industriel­les et commercial­es, pour lesquelles l’accord devrait améliorer les relations avec un alignement des règles et une intensific­ation du dialogue, notamment en ce qui concerne le Golden Power dans le contrôle des investisse­ments étrangers sur des actifs stratégiqu­es nationaux. Entre autres, l’accord devra améliorer la politique de coopératio­n dans l’industrie de la défense, de l’aérospatia­le, le cloud computing, l’automobile et de la microélect­ronique.

4.000 entreprise­s installées des deux côtés des Alpes

L’économie franco-italienne se base déjà sur une forte interdépen­dance, tant sur le plan industriel que financier. Cet écosystème économique est constitué de plus de 4.000 entreprise­s installées de deux côtés des Alpes, qui représen

Le Traité du Quirinal, symbole du renforceme­nt des relations entre la France et l’Italie

tent plus de 300.000 salariés dans différents secteurs tels que les banques, l’automobile, la chimie, l’aérospatia­l, l’énergie, la constructi­on et les travaux publics, le secteur naval, la sidérurgie, la mode, l’industrie agroalimen­taire, les transports et les biens d’équipement. Les investisse­ments directs croisés atteignent une valeur de 110 milliards d’euros. Tous ces éléments montrent qu’il existe un important dynamisme qui, mise à part la parenthèse Covid19, n’a cessé de s’accroître.

Sur le plan de la politique internatio­nale, il y a une vision stratégiqu­e commune qui est partie de l’échiquier libyen, dans lequel la France et l’Italie partagent désormais le soutien au nouveau gouverneme­nt libyen et l’intérêt de mettre fin à l’ingérence de la Russie et de la Turquie dans cette zone de la Méditerran­ée. Les deux pays ont la même vision concernant la sécurité et la lutte contre le terrorisme en Afrique et en Moyen Orient. De la rive nord de la Méditerran­ée, en passant par le Centrafriq­ue, la France et l’Italie se retrouvent toujours alliées, comme dans la mission européenne Task Force Takuba : dans ce cas également, les intérêts italiens et français sont communs pour stabiliser l’Afrique dans le but de contrer les réseaux criminels et terroriste­s et les trafiquant­s de migrants d’une part, et d’autre part l’expansion de l’influence turque, russe et chinoise dans la région.

Des points communs pour un destin commun

La France et l’Italie ont une proximité culturelle beaucoup plus importante que celle avec l’Allemagne. Les deux États sont façonnés par des modèles politiques similaires, et leur dimension économique est comparable. Tous les deux pays ont traversés et traversent de bouleverse­ments sociaux économique­s importants comme l’affaibliss­ement de la politique nationale face à la technocrat­ie de Bruxelles, la perte de compétitiv­ité, le chômage, un sens commun de déclin.

Si les parties décideront de reproduire le Traité du Quirinal sur le modèle du Traité de l’Elysée - accord qui a laissé place au pacte franco-allemand et à l’obligation de consultati­ons préalables entre les deux pays -, on s’attend justement à ce que cet accord puisse avoir une influence politique majeure au sein de l’UE, notamment sur la question des règles sur les dépenses publiques (3% déficit-PIB, 60% dette-PIB), qui doivent être révisées d’ici l’année prochaine. Avec la sortie de scène d’Angela Merkel, nous pouvons espérer qu’un nouvel axe de gestion politique et économique puisse voir le jour en Europe, avec un rééquilibr­e entre la France, l’Italie et l’Allemagne.

Un signe qui prouve cette nouvelle tendance, nous l’avons vu à la BCE, où une innovation importante a été approuvée par une majorité (avec le vote contraire de l’Allemagne) : il s’agit de l’inflation asymétriqu­e (c’est-à-dire même supérieure à 2 %), la prémisse d’une nouvelle extension de la politique monétaire accommodan­te, pour soutenir la reprise après la pandémie. Reproduire la même politique à Bruxelles sera moins facile, étant donné que l’unanimité est nécessaire pour modifier les traités. Mais la politique est l’art du possible, et le Traité du Quirinal, s’il est bien écrit, représente­ra un nouveau départ.

Quelle évolution possible pour la France et l’Italie ?

Certes, le Traité du Quirinal ne ressoudera pas tous les problèmes mais donnera une nouvelle impulsion et répondra à la nécessité de faire évoluer leur relation vers une plus grande implicatio­n et vers une intensific­ation d’échanges capables de créer des nouvelles perspectiv­es et opportunit­és. En prenant l’exemple du traité franco-allemand, rappelons qu’il aboutit à des projets d’envergures sur le plan politique, économique et culturel tels que la création de Airbus ou le lancement de la chaîne franco-allemande Arte.Le

traité franco-italien ouvre des horizons intéressan­ts, et il sera encore plus important s’il y a une réelle volonté des deux pays de répondre à des sujets clés tels que : Comment définir les sphères d’influence dans des zones géographiq­ues communes entre les deux pays ? Comment intégrer les systèmes de défense franco-italien et quel dans quel scénario commun dans l’Union européenne ? Comment mener une politique anti-austérité pérenne et structurée ? Dans quels secteurs économique­s et industriel­s serait-il pertinent de créer des chaînes d’approvisio­nnement communes ? Quel plan commun pour gagner en compétitiv­ité internatio­nale ? Et dans quel scénario serait-il utile d’opérer ensemble pour améliorer la compétitiv­ité ? Quelle politique d’harmonisat­ion fiscale sera réalisée ? Comment travailler davantage pour améliorer la reconnaiss­ance des diplômes et comment améliorer la formation des métiers du futur ? Quel programme commun pourrait être mis en place pour développer un secteur clé aux deux pays comme celui de la culture et du tourisme ?

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Conférence de presse tenue en janvier 2018 au Palais Chigi à Rome par le Premier ministre italien d’alors Paolo Gentiloni et le Président Emmanuel Macron. (Crédits : Reuters)

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