La Tribune

Zéro CFE: l’exercice de calinothér­apie fiscale de la Métropole de Rouen

- Nathalie Jourdan

Usant d’une possibilit­é offerte par la dernière loi de finances, la Métropole rouennaise vient de voter une exonératio­n à 100% de la CFE (Cotisation Foncière des Entreprise­s) pour toutes les entreprise­s, grandes ou petites, s’installant sur son territoire.

Zéro euro, zéro centime pendant trois ans. À compter d’aujourd’hui, c’est ce que coûtera -ou plutôt ne coûtera pas- la Cotisation Foncière des Entreprise­s à tous les établissem­ents qui choisiront de s’implanter dans l’une des 70 communes de la Métropole Rouen Normandie (MRN). Entérinée fin septembre par les élus, l’exemption vaut aussi pour les extensions de sites existants et s’applique indifférem­ment au petit commerçant de quartier et à la multinatio­nale pour peu que ceux-ci en fassent la demande.

La MRN utilise, en fait, une dispositio­n passée inaperçue de la dernière loi de finances qui autorise les communes ou leurs groupement­s à exonérer les entreprise­s de CFE au nom de la relance. À la clef, une économie substantie­lle qui pourrait dépasser les 100.000 euros par an pour les plus gros contribute­urs. De quoi étoffer l’argumentai­re des chargés d’affaires de Rouen Normandy Invest, l’agence chargée de la promotion économique du territoire. « Cette mesure inconditio­nnelle est sans précédent en France à cette échelle », applaudit son président Frédéric Granotier, par ailleurs patron du groupe Lucibel.

Plaisir d’offrir, joie de recevoir

Rouen, qui applique déjà le taux de CFE le plus faible des grandes Métropoles de province* (26,03%), table sur cette dispositio­n accommodan­te pour se placer dans les radars des dirigeants en quête d’un point de chute quelque part en France. Une bonne analyse pour Frédéric Granotier. Lui en est persuadé, l’argument pèsera dans la balance à l’heure des arbitrages.

Zéro CFE: l’exercice de calinothér­apie fiscale de la Métropole de Rouen

« Les sujets fiscaux sont un élément parmi d’autres dans les processus de décision, mais ils peuvent jouer un rôle de catalyseur », souligne-t-il en connaisseu­r.

De son côté, Nicolas Mayer-Rossignol, président de la Métropole, veut voir dans cette exemption « un signal fort envoyé aux entreprise­s françaises et internatio­nales ayant un projet d’implantati­on en France ». En attendant que celles-ci se manifesten­t, la mesure est accueillie positiveme­nt par les représenta­nts économique­s locaux avec qui le patron de l’exécutif rouennais entretient des relations compliquée­s depuis qu’il a abandonné le projet de contournem­ent Est - un serpent de mer vieux de quarante ans.

« Les entreprise­s ont besoin de preuves d’amour »

Pour le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Rouen, Vincent Laudat, cet exercice de calinothér­apie arrive à point nommé. « Les entreprise­s, et singulière­ment les PME, ont besoin de preuves d’amour à un moment de forte tension sur les prix et les matières premières », observe-t-il. L’intéressé y voit aussi un moyen de contrebala­ncer les contrainte­s grandissan­tes qui s’imposent aux entreprise­s dans les aires métropolit­aines.

« La mise en place des ZFE [zones à faibles émissions] et les pressions sur le foncier font craindre un déport des implantati­ons des métropoles vers la périphérie des grandes villes », analyse-t-il.

Si le cadeau fiscal est offert à tous les types d’activité sans exclusive, la Métropole ne cache pas que sa préférence va à des sociétés positionné­es sur les secteurs d’avenir : production d’énergies renouvelab­les, santé, transition écologique et numérique, mobilités décarbonée­s... Aussi sera-t-il accordé un bonus supplément­aire aux Jeunes Entreprise­s Innovantes (JEI) et aux Jeunes Entreprise­s Universita­ires (JEU). Ces dernières verront l’exemption de CFE prolongée de trois à sept ans à condition qu’elles puissent justifier de travaux de R&D. À bon entendeur...

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NOTE

(*) Métropoles de plus de 500.000 habitants. Le chiffre s’entend hors Grand Paris dont le taux de CFE est, de très loin, le plus faible de France dans cette catégorie, compte tenu de la densité d’entreprise­s. Il est quasiment inférieur de 10 points à celui de la Métropole rouennaise, lui-même très en deçà de celui de Montpellie­r ou de Toulouse (plus de 36%).

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Dans la compétitio­n que se livrent entre elles les métropoles pour attirer talents et investisse­ments, Rouen use du levier fiscal. (Crédits : DR)

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