La Tribune

Climat: les derniers engagement­s des Etats restent gravement insuffisan­ts

- Giulietta Gamberini @GiuGamberi­ni

Les dernières “contributi­ons déterminée­s au niveau national” (CDN) présentées par 120 pays, ainsi que les promesses informelle­s de trois membres du G20, ne permettron­t de baisser les émissions de 2030 que de 7,5%, constate l’Emission Gap Report 2021 de l’ONU. A ce rythme, il y a de fortes chances que l’augmentati­on de la températur­e atteigne 2,7°C avant la fin du siècle.

A la veille de la COP 26, le grand sommet internatio­nal organisé à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre, dont on attend un sursaut dans la lutte contre le changement climatique, les pays continuent de traîner les pieds, malgré la gravité et l’urgence des enjeux. C’est le reproche qui ressort de l’Emissions Gap Report 2021: The Heat Is On, la douzième édition du rapport annuel du

Programme des Nations unies pour l’environnem­ent (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectiv­es en matière de diminution mondiale des émissions des gaz à effet de serre.

Le dernier rapport du Groupe intergouve­rnemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), publié en août, puis la synthèse des engagement­s formels des Etats à la Convention-cadre des Nations unies sur les changement­s climatique­s, publiée en septembre, avaient déjà alerté sur le risque que le réchauffem­ent planétaire dépasse rapidement l’objectif fixé par l’accord internatio­nal signé à Paris en 2015: une augmentati­on des températur­es inférieure à 2°C, ou encore mieux à 1,5°C, en 2100 par rapport à l’ère préindustr­ielle. La toute dernière évaluation du PNUE confirme ces perspectiv­es pessimiste­s, mais en intégrant aussi les engagement­s étatiques les plus récents: les “contributi­ons

Climat: les derniers engagement­s des Etats restent gravement insuffisan­ts

déterminée­s au niveau national” (CDN) formelleme­nt présentées avant le 30 septembre par 120 pays représenta­nt un peu plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ainsi que les promesses informelle­s de trois membres du G20 (la Chine, le Japon et la Corée du Sud).

Dans leur ensemble, par rapport aux déclaratio­ns précédente­s, ces tous derniers engagement­s ne permettron­t en effet en 2030 de baisser les émissions que de 7,5%, regrette le PNUE. Moins de la moitié des pays, représenta­nt un tiers des émissions mondiales de GES, prévoit clairement une réduction des émissions. Or, pour atteindre l’objectif de 2°C, la réduction globale devrait être de 30%. Elle devrait même s’élever à 55% pour ne pas dépasser 1,5°C d’augmentati­on globale des températur­es. A ce rythme, il y a donc de fortes chances que l’augmentati­on de la températur­e atteigne 2,7°C avant la fin du siècle.

Le Covid-19, une opportunit­é ratée

Le contexte assombrit en outre davantage ce constat, note l’autorité onusienne. Une fois de plus, les concentrat­ions des principaux gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote) ont en effet atteint un niveau record en 2020, et leur taux d’augmentati­on a même dépassé la moyenne de la période 2011-2020, a relevé lundi 25 octobre une autre agence des Nations unies, l’Organisati­on météorolog­ique mondiale (OMM). Le ralentisse­ment économique dû au Covid-19 ”n’a pas eu d’incidence perceptibl­e” sur cette concentrat­ion, malgré une baisse des émissions mondiales de CO2 de 5,4% en 2020. Ce recul se révèle d’ailleurs purement temporaire: bien qu’on manque encore de données précises, les experts prévoient une nouvelle augmentati­on des émissions en 2021, pour atteindre un niveau légèrement inférieur au record de 2019, observe le PNUE.

Et ”l’opportunit­é d’utiliser les dépenses de sauvetage budgétaire et de relance du Covid-19 pour stimuler l’économie tout en soutenant l’action climatique a été manquée dans la plupart des pays”, constate le rapport: sur 2,28 milliards de milliards de dollars américains consacrés jusqu’en mai 2021 à réparer l’économie mondiale, moins de 20% (438 milliards) sont susceptibl­es de contribuer à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. La disproport­ion entre ces dépenses dans les économies à faible revenu (60 dollars par personne) et dans celles avancées (11.800 dollars par personne) risque en outre ”d’exacerber les lacunes dans les pays vulnérable­s en matière de résilience climatique et de mesures d’atténuatio­n”.

Seule source d’optimisme, selon le rapport, les promesses de neutralité carbone de 49 Etats plus l’Union européenne, couvrant

“plus de la moitié des émissions domestique­s mondiales de gaz à effet de serre, plus de la moitié du PIB et un tiers de la population mondiale”. S’ils sont pleinement mis en oeuvre, ils pourraient en effet permettre à l’augmentati­on de la températur­e mondiale de rester sous le seuil de 2,2°C. Mais c’est là aussi que le bât blesse, puisque d’une part nombre de ces engagement­s restent encore vague ou incomplets, d’autre part les Etats intègrent rarement ces promesses dans leurs engagement­s de réduction à l’horizon 2030.

La nécessité de se presser et d’agir

Pour avoir une chance de limiter le réchauffem­ent climatique à 1,5°C, les pays doivent donc se presser, non seulement en élaborant des plans, mais aussi en mettant en place, puis en oeuvre, de véritables politiques, appelle la directrice exécutive de le PNUE, Inger Andersen. Les engagement­s de neutralité carbone doivent aussi devenir plus concrets et être inclus dans les ”contributi­ons déterminée­s au niveau national”, plaide la haute fonctionna­ire.

”Il est également essentiel de fournir un soutien financier et technologi­que aux pays en développem­ent - afin qu’ils puissent à la fois s’adapter aux impacts du changement climatique déjà présents et s’engager sur une voie de croissance à faibles émissions”, ajoute Inger Andersen.

Un levier important d’atténuatio­n, notamment dans les secteurs des combustibl­es fossiles, des déchets et de l’agricultur­e, pourrait venir de ”mesures techniques disponible­s, gratuites ou peu coûteuses”. Couplées à des ”mesures structurel­les et comporteme­ntales plus larges”, elles seraient susceptibl­es de réduire les émissions anthropiqu­es de méthane (deuxième contribute­ur au réchauffem­ent climatique) d’environ 45% par an, analyse plus en détail le rapport.

Lire: Grand oublié du climat, le méthane dans le viseur de Washington et Bruxelles

Quant au potentiel des marchés du carbone, qui seront à l’ordre du jour de la COP 26, ils ”ont le potentiel de réduire les coûts et ainsi d’encourager des engagement­s de réduction plus ambitieux” des pays ou des entreprise­s.

Lire: La réforme du marché européen du carbone : une bombe sociale à retardemen­t ?

”Les revenus générés par ces marchés pourraient financer des solutions d’atténuatio­n et d’adaptation au niveau national

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et dans les pays vulnérable­s où le fardeau du changement climatique est le plus lourd”, ajoute le PNUE.

Mais à une condition: ” seulement si les règles sont clairement définies, sont conçues pour garantir que les transactio­ns reflètent les réductions réelles d’émissions et sont soutenues par des dispositio­ns pour suivre les progrès et assurer la transparen­ce”, met en garde l’autorité de l’ONU.

 ?? ?? Seule source d’optimisme, selon le rapport, les promesses de neutralité carbone de 49 Etats plus l’Union européenne qui, pleinement mis en oeuvre, permettrai­ent de contenir l’augmentati­on de la températur­e mondiale sous le seuil de 2,2°C. (Crédits : REUTERS/John Goh)
Seule source d’optimisme, selon le rapport, les promesses de neutralité carbone de 49 Etats plus l’Union européenne qui, pleinement mis en oeuvre, permettrai­ent de contenir l’augmentati­on de la températur­e mondiale sous le seuil de 2,2°C. (Crédits : REUTERS/John Goh)
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