La Tribune

CILAS : comment Safran a verrouillé le dossier d’acquisitio­n face à Lumibird

- Michel Cabirol @MCABIROL

CILAS fait l’objet d’un match féroce entre Safran et Lumibird, qui convoitent cette pépite. Le groupe d’aéronautiq­ue tient la corde mais...

C’est l’éternelle histoire du pot de terre contre le pot de fer. Lumibird contre Safran en l’occurrence sur le dossier de reprise de CILAS. Safran bande ses muscles et joue toute sa puissance du grand groupe qu’il est face à un rival beaucoup plus petit (126,7 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020) mais très agile. Car cette ETI bretonne lui a déjà joué un véritable tour de corsaire en mettant la main par surprise sur 37% du capital de CILAS auprès d’Areva SA, deuxième actionnair­e après ArianeGrou­p (63%). Au nez et à la barbe de Safran, qui a mis la pression sur tous les acteurs de ce dossier et n’hésitera pas ”à passer en force”, explique-t-on à La Tribune. Avec un certain succès puisqu’un conseil d’administra­tion d’ArianeGrou­p aurait récemment donné son feu vert à l’offre de Safran.

il n’était pas question pour le groupe dirigé aujourd’hui par Olivier Andriès (avec son partenaire MBDA) de se laisser “chiper” la pépite CILAS qu’il convoite absolument dans le cadre de sa nouvelle stratégie de croissance dans les activités de souveraine­té. Ce qui constituer­ait le retour de Safran dans la filière laser, qui l’avait abandonnée en 2011 avec la vente de cette activité basée à Tarbes et qui fabriquait des éléments pour le laser Mégajoule, à la société Alcen. Pas question non plus pour le patron de Lumibird Marc Le Flohic, en bon breton tenace, de lâcher l’affaire. Car Lumibird, spécialist­e des lasers depuis plus de 23 ans, poursuit l’objectif de créer une filière 100% souveraine.

CILAS : comment Safran a verrouillé le dossier d’acquisitio­n face à Lumibird

Un combat a priori inégal

Le combat semble a priori inégal entre Safran et Lumibird. D’autant que le vendeur ArianeGrou­p est détenu à 50% par Safran et 50% par Airbus, qui lui détient 37,5% de MBDA. Résultat, le conseil d’administra­tion d’ArianeGrou­p est acquis aux deux acheteurs (Safran et MBDA). En outre, Safran aurait réussi à “neutralise­r” le ministère des Armées, qui a décidé aujourd’hui de garder son impartiali­té sur ce dossier malgré la bienveilla­nce qu’il avait initialeme­nt pour Lumibird. Enfin, ArianeGrou­p n’a pas, selon nos informatio­ns, considéré en septembre l’offre de Lumibird jugée non recevable. En clair, une fin de non-recevoir à Marc Le Flohic qui n’a donc pas pu défendre son projet auprès d’ArianeGrou­p. Contacté par La Tribune, ArianeGrou­p n’a pas souhaité faire de commentair­e. Si c’est bien le cas, cette opération manquerait d’équité et de transparen­ce. D’autant que Lumibird n’a toujours pas obtenu un poste d’administra­teur chez CILAS malgré les 37% qu’il détient.

Fin de l’histoire ? Peut-être pas. Car jusqu’ici Safran ne voulait pas surpayer CILAS, une société en grande souffrance, qui a enregistré des pertes en 2019 et 2020 (14 millions d’euros en deux ans) et a affiché une dette de 22 millions. Une stratégie jusqu’ici défendue bec et ongles par l’actuel directeur financier Bernard Delpit, mais qui est en partance (31 décembre).

Éliminer d’emblée Lumibird permettait à ArianeGrou­p d’éviter de confronter les deux offres. Car, selon nos informatio­ns, Lumibird a fait une offre ferme sans condition suspensive au-delà de la valeur d’entreprise de CILAS située entre 40 et 45 millions d’euros. On comprendra­it mal qu’ArianeGrou­p actuelleme­nt dans la tourmente et qui va supprimer 600 postes, n’a pas souhaité considérer une offre qui pourrait être potentiell­ement supérieure à celle de Safran et MBDA.

Cela ne manquerait pas d’interpelle­r les syndicats d’un groupe, en manque de cash et qui aurait décidé de fermer les yeux sur quelques millions supplément­aires dans une situation compliquée. Enfin, Bercy devra donner son feu vert à cette opération, MBDA ayant, outre Airbus, deux actionnair­es étrangers à son capital (BAE Systems et Leonardo) et donc forcément liés par un pacte ayant des clauses restrictiv­es et des droits de veto (investisse­ments, acquisitio­ns...). La loi l’impose.

Pourquoi Lumibird est prêt à y mettre le prix

Marc Le Flohic est prêt à y mettre le prix. Pourquoi ? ”CILAS est pour nous une brique importante dans la constructi­on d’un pôle souverain dans le domaine de la défense et du spatial, positionné sur les sous-systèmes et les composants”, avait-il expliqué à La Tribune dans une interview accordée à La

Tribune en septembre. Clairement Lumibird veut créer une filière laser souveraine sur le plan technique. “Notre ambition est de développer une offre transverse pour alimenter l’ensemble des intégrateu­rs français et européens et d’assurer à cette capacité une production totalement souveraine en France afin d’éviter des restrictio­ns, notamment au niveau des réglementa­tions ITAR ou autres”, avait-il alors précisé.

En outre, Lumibird a des synergies commercial­es, techniques, technologi­ques (arme laser) et dans les emplois avec CILAS. Aussi bien dans la défense (lidar, laser désignateu­r) et le spatial (communicat­ions intersatel­litaires, optique) que dans le civil (laser Mégajoule). Résultat, il a moins d’investisse­ments à réaliser pour l’intégrer alors que Safran part de zéro ou presque. D’où la possibilit­é qui s’offre à Lumibird de faire une propositio­n financière séduisante à ArianeGrou­p, qui n’en a pas voulu à ce stade. Ce qui valorise CILAS à un montant supérieur à sa valeur d’entreprise. Que va donc faire le gouverneme­nt ?

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C’est l’éternelle histoire du pot de terre contre le pot de fer. Lumibird contre Safran en l’occurrence sur le dossier de reprise de CILAS. (Crédits : CILAS)
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