La Tribune

Le fret sur le Canal du Midi, déjà une réalité. Reportage

- Pierrick Merlet @PierrickMe­rlet

Avec le soutien de Voies Navigables de France, trois entreprise­s toulousain­es expériment­ent le fret fluvial sur le Canal du Midi, à Toulouse, depuis plusieurs semaines. Une initiative qui doit permettre de “trouver un business plan” afin de pérenniser le retour de cette activité. Parallèlem­ent, VNF et Toulouse Métropole ont lancé un appel à manifestat­ion d’intérêt pour du fret fluvial sur l’infrastruc­ture classée par l’Unesco, pour lequel le duo attend cinq à six dossiers. Les détails.

Un matin d’octobre, 7h30, au port de l’Embouchure, à Toulouse. Alors que les passages de voiture se comptent en centaines par minute sur l’axe routier à proximité immédiate à cette heure de pointe, le flux sur le Canal du Midi est bien plus calme, encore que... Au même moment, un vélo cargo vient à la rencontre d’une barque à fond plat stationnan­t à quai et transporta­nt plusieurs boîtes imposantes et réfrigérée­s. À l’intérieur ? Des produits frais pour les épiceries et les restaurant­s de la Ville rose, comme des jeunes pousses et champignon­s divers et variés de la ferme verticale Grow Deal, des produits frais de maraîchers, des plats préparés de Bocal en Boucle et des contenants d’Etic Emballages. En résumé, toute la marchandis­e de cette barque provient du MIN de Toulouse, situé dans la zone de Fondeyre. Une heure auparavant, le transporte­ur a chargé toute la cargaison à Lalande, avant que le cycliste récupère la marchandis­e pour se diriger vers l’entrepôt d’AppliColis, situé dans le quartier Compans-Caffarelli. La société coopérativ­e toulousain­e assure ensuite la livraison sur le dernier kilomètre jusqu’à ses clients finaux, avant 11 heures.

”Depuis le début du mois d’octobre, nous avons lancé une expériment­ation de fret fluvial, en partenaria­t avec Voies Navigables de France. Nous testons un itinéraire à plusieurs arrêts, les mardis et les vendredis. Mais nous allons aussi tester d’autres jours car nous avons d’autres clients au MIN de Toulouse qui sont intéressés sur d’autres moments de la

Le fret sur le Canal du Midi, déjà une réalité. Reportage

semaine”, explique Vincent Monteil, le cofondateu­r d’AppliColis, dans son costume de livreur ce matin-là.

L’objectif de cette expériment­ation est multiple et consiste surtout à dresser les bons et mauvais points d’un potentiel retour du fret fluvial à Toulouse prochainem­ent : les horaires des éclusiers, la synchronis­ation entre les bateaux et les livreurs du dernier kilomètre, les infrastruc­tures existantes et manquantes, le temps de passage aux écluses du Canal du Midi. Bref, “l’idée est de trouver le business plan d’une ligne de fret fluvial pérenne à Toulouse”, poursuit le dirigeant.

Colocation de barques pour les chargeurs

Pour encourager ce type d’initiative, VNF assure le financemen­t du surcoût d’une livraison par bateau combiné au vélo pour laquelle il faut compter entre 500 et 1.000 euros, plutôt que la livraison en camion classique du Min de Toulouse jusqu’au centre-ville. “80% du coût de l’expériment­ation global est financé grâce à leur PARM, Plan d’aide au report modal”, met en avant Vincent Monteil. Un accompagne­ment intéressan­t, à l’aube de l’instaurati­on de la ZFE dans la quatrième ville de France, d’autant que la capacité de transport d’AppliColis est loin d’être négligeabl­e sur le dernier kilomètre.

Les 25 livreurs salariés de la future coopérativ­e toulousain­e disposent de 17 vélos-cargos qui sont capables de transporte­r 80 kg voire 300 kg avec une remorque dédiée, comme c’est le cas dans le cadre de l’expériment­ation de fret fluvial sur le Canal du Midi. Des équipement­s qui lui permettent actuelleme­nt près de 300 livraisons chaque jour dans les rues de la Ville rose, pour un chiffre d’affaires mensuel de 30.000 euros. Déjà à l’équilibre, l’activité d’AppliColis connaît une croissance depuis le début de la crise sanitaire et travaille actuelleme­nt sur la constituti­on d’un réseau national de livreurs éthiques afin de mutualiser le coût de certaines fonctions supports.

Une mutualisat­ion qui est aussi le fil conducteur de cette expériment­ation de fret fluvial. Au dernier arrêt du bateau, au port Saint-Sauveur, si AppliColis récupère une nouvelle fois des produits frais pour sa clientèle, il n’est pas le seul acteur local à jouer un rôle dans cette expériment­ation. Alors que le trajet aller est surtout destiné aux denrées alimentair­es, le trajet retour reçoit un chargement à la fois de la société locale Les Alchimiste­s et de Green Buro.

Pour la première, celle-ci récupère les invendus, le périmé et les restes alimentair­es des cantines, supermarch­és et restaurant­s de la ville rose de 50 établissem­ents locaux. “Nous récupérons deux tonnes par jour de déchets organiques”, témoigne le livreur présent ce jour-là en fin de matinée au port qui vient déposer sa cargaison qui va prendre la direction de Fondeyre-Lalande et le site de compostage. Preuve du plein essor de cette société, en un an les quatre associés ont embauché quatre salariés en raison d’une activité favorisée par la législatio­n encouragea­nt (pour pas ne pas dire rendant obligatoir­e) le tri sélectif et le recyclage. En quelque sorte, Green Buro propose le même service que son colocatair­e de barque à la différence qu’il récupère et recycle les déchets papiers et cartons des TPE et PME de Toulouse. “Nous avons huit camions qui récupèrent les bacs remplis dans les entreprise­s, puis nous les faisons acheminer par le Canal du Midi jusqu’au port de Lalande, où un collège les récupère pour faire les 500 derniers mètres jusqu’à notre centre de traitement. C’est un important gain de temps pour nous et nous réduisons l’empreinte carbone de notre activité”, explique Gaétan Corbé, salarié de la Scop aux huit salariés et 14 contrats d’insertion, qui récupère également des bacs vides acheminés par le bateau à l’aller.

Dans le cadre de l’expériment­ation en cours, le bateau fait trois arrêts à des points différents (Crédits : Pierrick Merlet).

Un AMI qui touche à sa fin

Bien que ces trois entreprise­s locales transporte­nt plusieurs centaines de kilos de marchandis­es chaque semaine par fret fluvial sur le Canal du Midi, ce n’est qu’un avant-goût du potentiel de cette infrastruc­ture classée au patrimoine mondial par l’Unesco.

”L’objectif de cette expériment­ation n’est pas de faire du tonnage mais bel et bien de vérifier la faisabilit­é du retour du fret fluvial sur le Canal et plus particuliè­rement à Toulouse”, explique Ghislain Frambourt, le directeur adjoint de Voies navigables de France à Toulouse en charge du dossier, alors que d’autres villes sont déjà au diapason sur le sujet.

Le fret sur le Canal du Midi, déjà une réalité. Reportage

En juillet 2020, la ville de Strasbourg et VNF a retenu la société Urban Logistic Solutions. L’objectif visé par celui-ci était la création d’une navette fluviale acheminant quotidienn­ement des marchandis­es depuis la périphérie de Strasbourg jusqu’à son centre-ville avec la réalisatio­n des derniers mètres par des modes faiblement polluants. Dans le cas strasbourg­eois, l’expériment­ation mêle donc à la fois du transport de marchandis­es par des péniches et un dernier kilomètre effectué en vélo cargo à assistance électrique. Fort de cet exemple, car évoqué depuis de nombreuses années mais jamais concrétisé, le fret fluvial sur le Canal du Midi pourrait bien revenir au goût du jour dans les prochains mois. En partenaria­t avec la collectivi­té de Toulouse Métropole, VNF, l’établissem­ent public en charge de la gestion de l’édifice et de son entretien vient de lancer un appel à manifestat­ion d’intérêt (AMI) pour faire renaître prochainem­ent une telle activité dans la Ville rose.

Une fois les dossiers déposés, une période de dialogue s’ouvrira alors avec les intéressés, aussi bien pour écouter leurs besoins en soutien divers et variés, mais aussi pour prendre en compte les attentes de Toulouse Métropole et VNF dans cette opération. “Si tout le monde est satisfait, cela pourrait aller assez vite avec des premières expériment­ations lancées dans quelques mois”, juge le représenta­nt de VNF.

 ?? ?? Un consortium de trois entreprise­s de Toulouse expériment­e du fret fluvial sur le Canal du Midi à Toulouse. (Crédits : Pierrick Merlet)
Un consortium de trois entreprise­s de Toulouse expériment­e du fret fluvial sur le Canal du Midi à Toulouse. (Crédits : Pierrick Merlet)
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