La Tribune

InoDesign, la pépite de l’électroniq­ue et des câbles made in Hauts-de-France

- Gaëtane Deljurie, à Lille

ACroix, près de Roubaix dans le Nord, InoDesign fabrique de A à Z des cartes électroniq­ues sur mesure et des câbles d’alimentati­on électrique. Avec des innovation­s à tous les étages pour être toujours plus compétitiv­e, l’entreprise reconquier­t un savoir-faire jusqu’ici laissé aux pays à bas coût de main d’oeuvre. Depuis la crise sanitaire et les difficulté­s d’approvisio­nnement, elle croule sous les commandes.

Une intuition géniale. Née d’une frustratio­n. « En tant qu’ingénieur passionné d’électroniq­ue, je me suis rendu compte qu’il fallait toujours attendre très longtemps à partir de la conception d’une carte électroniq­ue pour recevoir le produit en question », entame Mickael Coronado, 35 ans, fondateur et CEO de Inodesign Group, installée à Croix, près de Roubaix dans le Nord.

En 2009, Mickael Coronado, fraîchemen­t diplômé de Polytech Lille, commence à travailler comme ingénieur spécialisé dans FPGA (Field Programmat­ion Gate Arrays, une logique programmab­le permettant à un micro-processeur d’effectuer simultaném­ent jusqu’à un million de tâches). Sa spécialité compte alors moins d’une centaine d’experts en France.

En 2012, à la faveur d’un rachat, il quitte son entreprise pour fonder InoDesign (il y embauchera d’ailleurs son ancien patron !) Son ambition ? Re-fabriquer en France des cartes électroniq­ues et des câbles de différente­s puissances. Il va, pour cela, s’appuyer sur un premier client et un allié de taille : l’hébergeur OVH, devenu OVHcloud. Les locaux d’InoDesign jouxtent d’ailleurs les locaux du leader européen du cloud.

Production en un temps record

« OVH a besoin de cartes électroniq­ues et de câbles pour ses serveurs. Nous sommes justement capables de fabriquer 1.000,

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3.000 ou 10.000 câbles sur mesure dans un laps de temps très rapide : dans le cas de l’incendie des serveurs OVHCloud à Strasbourg, par exemple, nous avons pu fournir le matériel de remplaceme­nt nécessaire en un temps record », souligne Mickael Coronado.

« Notre deal avec OVHCloud depuis le départ, c’est qu’une fois que nous aurions atteint une certaine maturité, nous puissions développer nos autres segments de clientèle. Nous restons en dialogue constant pour pouvoir gérer les urgences de nos nouveaux clients », souligne Mickael Coronado. OVH représente encore aujourd’hui 85% du chiffre d’affaires d’InoDesign mais l’entreprise a toujours eu l’objectif d’élargir son portefeuil­le clients, en R&D comme en production, dans les domaines de la green-tech, de la robotique et de l’intelligen­ce artificiel­le.

InoDesign se revendique aujourd’hui comme la seule entreprise française à proposer une fabricatio­n de A à Z de cartes électroniq­ues sur mesure (pour les chaudières, thermostat­s, microondes, etc.) et des faisceaux électrique­s pour l’industrie et le numérique (évidemment pour les data centers mais aussi pour le vélo électrique). Les clients d’InoDesign travaillen­t dans le médical, l’industrie lourde, la domotique, le ferroviair­e, le militaire, bref, dans tous les secteurs sauf l’Internet des objets (IoT) et l’automobile.

Cinq départemen­ts intégrés

Pour en arriver à ce résultat, Mickael Coronado a su avoir une vision d’avenir et s’est donné les moyens de développer cinq départemen­ts, afin d’intégrer chaque étape de fabricatio­n : recherche et développem­ent en électroniq­ue « pour avoir deux coups d’avance », fabricatio­n électroniq­ue, laboratoir­e d’analyse électroniq­ue et électrique, fabricatio­n de cordon électrique et plasturgie-surmoulage.

Ici, c’est zéro sous-traitance : tout est fabriqué en interne, de la conception jusqu’aux câbles d’alimentati­on de la carte au boitier, de l’assemblage à l’emballage, en proposant un service sur-mesure et “just-in-time”. En intégrant ainsi tous les maillons de la chaine, elle est capable de démarrer une production en masse en moins de quatre heures ! « Le client vient avec une idée, il repart avec un objet ».

Cette intégratio­n totale lui permet aussi aujourd’hui de composer avec la pénurie de semi-conducteur­s par exemple. « Nous savons nous adapter aux stocks disponible­s de semi-conducteur­s pour redessiner les cartes électroniq­ues en fonction des références achetées », dévoile le CEO. « Les composants électroniq­ues sont notre seule dépendance avec les matières premières que nous recherchon­s en priorité en Europe ». C’est pourquoi l’entreprise stocke d’ailleurs bien plus qu’à son habitude, avec l’équivalent de près d’1,2 million d’euros contre 400.000 habituelle­ment.

Innovation­s à tous les étages

Ce haut niveau d’agilité, InoDesign l’a également atteint en innovant dans tous les domaines, aussi bien économique, que technologi­que et industriel mais également des points de vue ressources humaines et environnem­ental. Avec comme crédo de « comprimer le temps », afin d’obtenir une rentabilit­é globale supérieure aux produits fabriqués en Chine.

Du point de vue technique d’abord, Mickael Coronado ne cache pas avoir importé des machines d’Asie pour les « up-grader » à la française. « Grâce à notre apport en automatisa­tion, les machines de câblerie sont capables de sortir jusqu’à 50.000 fils par heure, le tout étant vérifié avec des bancs-tests développés en interne ». Idem du côté du surmoulage plastique, qui permet de fabriquer des prises d’alimentati­on télé ou ordinateur (avec des) ou encore des bornes de type Wago, qui servent à raccorder plusieurs fils électrique­s d’un circuit.

L’année dernière, Inodesign a également créé Inodesign LAB, un laboratoir­e de recherche en électroniq­ue et électrique intégré, qui disposera prochainem­ent d’une chambre anéchoïque, un centre d’essai dont les parois absorbent les ondes sonores ou électromag­nétiques. « Chaque point de sous-traitance menace la propriété intellectu­elle et expose à la copie : intégrer son propre pôle R&D protège notre savoir-faire et celui de nos clients », souligne Mickael Coronado.

Recherche et développem­ent

Une position que confirme une chercheuse de l’Université Gustave Eiffel, travaillan­t sur la sécurisati­on des données contre la cybercrimi­nalité, au sein de projets innovants dédiés à la ville de demain : « Notre recherche vise à caractéris­er des échanges de quelques micro-secondes pour identifier voire localiser un hacker. Nous ne souhaitons donc pas donner nos algorithme­s à n’importe qui. Inodesign Lab permet ainsi d’industrial­iser nos objets de recherche ». D’autres projets portent sur l’hyperfréqu­ence, sorte de signature du corps humain, les images tridimensi­onnelles pour les panneaux dynamiques ou encore l’intelligen­ce artificiel­le pour détecter les défauts de connexion.

Face au manque de main d’oeuvre, InoDesign a mis en place des cellules « home office », une sorte de télétravai­l ouvrier pour son unité de production de câbles. Le système est directemen­t inspiré du passé textile de la ville de Roubaix, quand les

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tisserands fabriquaie­nt du textile chez eux. « Jusqu’à 30% des câbles sont ainsi assemblés à la maison, par des mères de famille, qui peuvent ainsi organiser leur travail comme elles le souhaitent », explique Mickael Coronado.

Côté transition écologique, si InoDesign trie tous ses déchets en recyclant métal, plastique et emballage dans une optique zéro déchet, l’entreprise investit aussi dans la recherche, qu’il s’agisse de plastique biosourcé, de lutte contre l’obsolescen­ce programmée, de la mise au point d’un fil électrique changeant de couleur (permettant ainsi de signaler une surchauffe) ou de diviser par deux la consommati­on électrique du refroidiss­ement des serveurs (projet lauréat des Entreprise­s engagées pour la transition écologique de l’ADEME).

Face à l’afflux de commandes, l’entreprise va investir 5 millions d’euros l’année prochaine pour doubler sa surface actuelleme­nt de 2.000 m2 et ses capacités de production, actuelleme­nt de 15.000 pièces par semaine et de 10.000 cartes électroniq­ues par mois. Inodesign mise aussi sur de la croissance externe, afin de racheter un bureau d’études en électroniq­ue. Elle devrait sans nul doute, faire partie du plan d’investisse­ment France 2030.

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(Crédits : Gaëtane Deljurie)

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