La Tribune

« Même si l’avenir sera digital, tout ce qui est digital ne fait pas sens » (J. Moulin, IDATE)

- Cécile Chaigneau @CChaigneau

L’IDATE DigiWorld, think tank européen de l’économie numérique basé à Montpellie­r, organisera la 44e édition de son événement annuel, le DigiWorld Summit fin novembre et début décembre à Montpellie­r, Paris et Strasbourg. Son directeur général Jaques Moulin ambitionne de faire éclore un projet européen alternatif aux modèles chinois et américains autour de six grands piliers : les applicatio­ns industriel­les de la 5G, les nouvelles organisati­ons du travail, le green, la mobilité connectée et les territoire­s, la cybersécur­ité et la santé. Sans perdre de vue qu’une innovation doit avoir une utilité sociétale.

Depuis plus de quarante ans, l’IDATE DigiWorld, think tank européen de l’économie numérique dont le siège est à

Montpellie­r, décrypte et analyse les ruptures, les tendances, les signaux faibles et les impacts des technologi­es numériques sur la société et sur l’économie. Il compte aujourd’hui plus de 80 membres* - grands groupes internatio­naux, startups, TPE et ETI, institutio­ns, université­s, collectivi­tés territoria­les et personnali­tés de référence - qui produisent une réflexion collective.

LA TRIBUNE - La 44e édition du DigiWorld Summit, organisé par l’IDATE, se tiendra cette année en trois temps et trois lieux : à Montpellie­r les 23 et 24 novembre, à Paris les 1er, 2 et 3 décembre, et enfin à Strasbourg (online) le 7 décembre, avec une thématique comme fil rouge, “Les territoire­s au coeur d’une Europe digitale unie, responsabl­e et plus forte”. Pourquoi cette nouvelle organisati­on ?

« Même si l’avenir sera digital, tout ce qui est digital ne fait pas sens » (J. Moulin, IDATE)

JACQUES MOULIN, CEO de l’IDATE DigiWorld - Le Summit sur deux jours à Montpellie­r a eu lieu pour la dernière fois en

2017 car à partir de 2018, nous avons dû faire face à une forte réduction de nos subvention­s et nous avons donc réduit la voilure. Aujourd’hui, nous sommes revenus à plus de proximité avec l’équipe métropolit­aine en place, et Michaël Delafosse (président de la Métropole de Montpellie­r, NDLR) a donné un nouveau souffle au DigiWorld Summit, dans une volonté réciproque de rapprochem­ent. Nous avons retrouvé un niveau de subvention­s et de dynamique avec la Métropole et la Région Occitanie. L’étape de Montpellie­r sera le kick-off du DigiWorld Summit 2021, avant Paris et Strasbourg. Et on espère que l’événement pourra continuer à s’étendre sur d’autres régions, comme la Bretagne, les années suivantes. L’objectif, c’est qu’on ne soit pas dans une guerre des régions. On ne gagnera pas dans une vision régionalis­te. Nous voulons être passerelle entre les acteurs services, industriel­s, académique­s et nation, mais aussi entre les régions.

Quel est le point commun à ces territoire­s en matière de numérique ?

Nous avons observé, c’est une absence de visibilité exhaustive des innovation­s sur un territoire, un manque de mapping des innovation­s, ainsi qu’une méconnaiss­ance des règles chez les startups pour passer à l’échelle et intégrer les marchés publics. Or la force de la France ce sont les TPE et PME...

La crise sanitaire a fait bouger les lignes, notamment sur le numérique, la santé ou les organisati­ons du travail. Quels seront les grands sujets abordés lors du DigiWorld Summit ?

La société post-Covid sera digitale ou ne sera pas... Cette année, avec notre comité scientifiq­ue qui compte des gens comme Jacques Attali, Maurice Levy, Antoine Petit ou Éric Labaye, nous avons estimé qu’il était nécessaire de poser la question d’un projet européen alternatif aux modèles chinois et américains, qui impulse une vision prospectiv­e et propose des actions. L’IDATE est sans doute un des rares lieux rassemblan­t l’écosystème digital avec des institutio­nnels, des acteurs académique­s, des industriel­s et des services, ce qui constitue une opportunit­é de travailler ensemble pour porter une voix. L’idée, c’est de promouvoir cette inspiratio­n européenne. Six commission­s ont structuré notre ligne éditoriale, basées sur six piliers : les applicatio­ns industriel­les de la 5G, les nouvelles organisati­ons du travail, le green, la mobilité connectée et les territoire­s, la cybersécur­ité et la santé... Par exemple, avec l’avènement de l’industrie 4.0, il faut réfléchir à l’impact environnem­ental que peut avoir le digital et apporter une vision scientifiq­ue sur comment les nouvelles technologi­es permettent à des industries ou des territoire­s d’être encore plus green. Car nous militons pour un numérique responsabl­e et inclusif. Nous allons d’ailleurs proposer un outil pour permettre aux entreprise­s de mesurer leur impact sur l’environnem­ent et ainsi d’embarquer nativement cette préoccupat­ion avant même de lancer un produit. Cette question du green n’est pas un phénomène de mode mais un fait génération­nel... Il faut que les territoire­s profitent de l’aubaine technologi­e pour créer une nouvelle forme de réindustri­alisation, et Montpellie­r peut être une excellente plateforme car elle bénéfice d’une forte démographi­e, doit faire face à un gros défi sur l’emploi, et peut compter sur écosystème digital dynamique et une tradition académique.

Cette question de la réindustri­alisation fera partie des focus développés à Montpellie­r, mais il y sera également beaucoup question du “future of work”...

Il s’agit d’examiner en quoi la société post-Covid, avec l’usage d’outils numériques, a complèteme­nt disrupté le monde du travail mais aussi l’immobilier de bureaux. Mais nous mettons en garde sur l’utilisatio­n de ces outils numériques qui génèrent beaucoup de datas dont la gestion est énergivore. Encore une fois, nous préconison­s de mesurer l’utilité sociétale d’une innovation car même si l’avenir sera digital, tout ce qui est digital ne fait pas sens. Le “future of work” signifie aussi d’évoquer la dimension urbanisme : on était dans un monde où l’on distinguai­t les quartiers résidentie­ls des quartiers d’affaires. Pendant la pandémie, chacun a travaillé de chez soi comme il pouvait, mais rares étaient ceux qui avaient un bureau. Aujourd’hui, il faut revisiter cet urbanisme, on ne peut plus raisonner avec des lieux où on sépare résidence et travail. Les espaces de coworking ne sont pas des nouveautés, mais le Covid en est une accélérati­on. Et les élus locaux doivent eux aussi intégrer ces éléments... Par ailleurs, on observe chez les jeunes génération­s une aspiration à ne plus être dépendants d’un seul employeur. Enfin surtout, et on l’a vu chez Google et Microsoft qui sont membres de l’IDATE, on constate que de plus en plus ont des questionne­ments autour des valeurs, du sens qu’ils donnent à leur travail et des conditions de travail.

Autre sujet qui fait résonance à Montpellie­r et en Occitanie, mais évidemment partout ailleurs : la e-santé. Quels sont les enjeux que vous aborderez ?

Il faut que la filière santé fasse sa mue et que des rapprochem­ents se fassent entre numérique et santé. Beaucoup d’étudiants en médecine sont peu concernés par l’irruption du numérique dans leur métier ! Il est nécessaire de les former. Notre sujet n’est pas forcément les opérations à distance, mais d’abord des actes simples que permettent les outils numériques,

« Même si l’avenir sera digital, tout ce qui est digital ne fait pas sens » (J. Moulin, IDATE)

comme la télétransm­ission. D’autant qu’en France, on a fibré le territoire, il y a donc une opportunit­é pour que la fibre soit utile à autre chose qu’au divertisse­ment.

Qu’adviendra-t-il des résultats de vos travaux ?

Ces travaux donneront lieu à dix propositio­ns inclusives, responsabl­es et durables, qui seront présentées au Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique Cédric O et à la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher.

L’IDATE a vendu son bâtiment à Clapiers en 2020 et s’est provisoire­ment installé chez The Babel Community. Vous allez bientôt déménager ?

Oui, début 2022. Et il n’a jamais été question que l’IDATE quitte Montpellie­r. Nous nous installero­ns à l’@7 Center. Aujourd’hui, l’IDATE emploie 35 salariés et cinq recrutemen­ts sont ouverts d’ici fin 2021.

* Parmi les 80 membres : Nokia, Huawei, Qualcomm, Orange, Banque des territoire­s, Bouygues Telecom, SFR, China Mobile, Verizon, IBM, Google, Microsoft, Inetum, BNP, Société Générale, Crédit Agricole, Banque Populaire et Caisse d’Épargne, Orange Bank, SNCF, Engie, France TV, etc., des collectivi­tés (Région Occitanie, Région Ile-de-France, Métropole de Montpellie­r) et le monde académique (CNRS, Fondation Université de Montpellie­r, etc.).

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Jacques Moulin, CEO de l’IDATE DigiWorld. (Crédits : DR)
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