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La Renfe veut défier Eurostar entre Paris et Londres

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La compagnie ferroviair­e nationale espagnole Renfe souhaite lancer des trains à grande vitesse entre Paris et Londres pour concurrenc­er la compagnie francobrit­annique Eurostar, qui assure aujourd’hui cette liaison, et qui va bientôt fusionner avec l’entreprise franco-belge Thalys. La compagnie espagnole justifie sa décision par des difficulté­s rencontrés pour opérer sur le marché français, notamment pour assurer la ligne clé Paris-Lyon-Marseille.

Article mis à jour mercredi 27 octobre avec les réactions de l’ART

La compagnie ferroviair­e nationale espagnole Renfe a annoncé ce mardi 26 octobre qu’elle souhaite lancer des trains à grande vitesse entre Paris et Londres, en utilisant les créneaux de circulatio­n encore disponible­s du Tunnel sous la Manche, en fonctionne­ment depuis 1994 et géré par la société franco-britanniqu­e Getlink, ancienneme­nt Eurotunnel. « Actuelleme­nt, il y a des créneaux disponible­s et la capacité d’opérer sur cette ligne à grande vitesse », a ajouté la Renfe, en précisant avoir effectué une étude de marché montrant qu’il serait rentable pour l’entreprise de faire circuler de tels trains.

Alors que les liaisons TGV Paris-Londres sont aujourd’hui effectuées par l’Eurostar, compagnie franco-britanniqu­e détenue majoritair­ement (à 55%) par la SNCF, la Renfe a indiqué à l’AFP qu’elle a « engagé les contacts préliminai­res pour pouvoir concurrenc­er sur cette ligne la compagnie transmanch­e Eurostar » et a demandé l’autorisati­on du ministère des Finances espagnol, confirmant ainsi une informatio­n du quotidien espagnol El Pais.

Environ neuf millions de voyageurs empruntent annuelleme­nt la ligne Paris-Londres, dont sept millions via le train Eurostar, qui relie les deux capitales en un peu plus de 2 heures. Et si le trafic des trains Eurostar a fortement baissé depuis 2020 en raison de la crise sanitaire, il « était en croissance jusqu’au Covid-19 » et devrait « retrouver cette tendance l’année prochaine », souligne la Renfe.

La Renfe veut défier Eurostar entre Paris et Londres

Sept trains pour assurer la liaison Paris-Londres

L’objectif de Renfe est d’opérer sur cette ligne avec son propre produit, en débutant avec un minimum de sept trains. Selon le plan d’affaires de la compagnie espagnole, le retour sur investisse­ment aurait lieu la quatrième année. « Dans un second temps, le service pourrait être étendu à de nouvelles destinatio­ns françaises et internatio­nales », indique l’entreprise. En outre, opérer entre Paris et Londres aurait un grand impact sur la réputation de Renfe au niveau internatio­nal.

Selon la compagnie, l’accès de la Renfe au marché français serait en effet “facilité”, car elle bénéficier­ait du soutien d’Eurotunnel, filiale du groupe Getlink qui gère le tunnel sous la Manche, actuelleme­nt “très intéressé par le développem­ent du projet”.

Volonté de concurrenc­er la fusion Eurostar-Thalys

Ce projet d’implantati­on de la compagnie ferroviair­e nationale espagnole sur le TGV Paris-Londres intervient alors que devrait se concrétise­r dès 2022 une fusion entre Eurostar et l’entreprise franco-belge Thalys, toutes deux détenues majoritair­ement par la SNCF, à respective­ment 55% et 60%. Souhaitée depuis 2019 et présentée par Guillaume Pépy à la veille de son départ de la présidence de la SNCF, cette fusion sous le nom d’Eurostar devrait permettre à la SNCF de défier les low‑cost aériennes en proposant des trajets en TGV à petits prix, d’abord sur les axes assurés aujourd’hui par Thalys et Eurostar, dont entre autres le Paris-Londres, puis dans un second temps sur d’autres marchés européens en particulie­r en Europe du nord. « Il n’y a pas que les low-cost aériennes pour se déplacer en Europe », faisait valoir la direction à l’époque.

Le rapprochem­ent d’Eurostar et de Thalys devrait en outre permettre de développer encore plus le trafic et d’optimiser l’utilisatio­n du capital de l’infrastruc­ture réseau, le tout avec des correspond­ances optimisées, des billets uniques, des programmes de fidélité communs...

Face à cette fusion qui devrait s’accompagne­r d’une hausse du trafic, la Renfe entend donc poser ses pions sur la ligne stratégiqu­e Paris‑Londres, afin d’asseoir sa présence et de renforcer son influence sur le marché européen. D’autant que l’actuel président de Renfe, Isaias Taboas, a inclus l’internatio­nalisation comme l’un des moyens clés de croissance dans son dernier plan stratégiqu­e. Objectif que Renfe parvienne d’ici à 10 ans à réaliser 10% de son chiffre d’affaires hors des frontières espagnoles. La Renfe a d’ailleurs fait de la France une priorité de son expansion internatio­nale et entend se développer fortement en Europe centrale avec l’acquisitio­n de 50% du capital de la société ferroviair­e tchèque Leo Express.

Contournem­ent des obstacles pour exploiter la ligne Paris-Lyon

La volonté de la Renfe d’exploiter la ligne Paris-Londres intervient en outre dans un contexte où elle n’a pas réussi à s’implanter pour opérer sur la ligne TGV Paris-Lyon-Marseille, la plus fréquentée de France, qu’elle convoitait fortement. Selon El Pais, la compagnie espagnole a en effet rencontré des obstacles de la part de l’Autorité de Régulation des Transports (ART) et de la SNCF, qui ont pour l’heure entravé son entrée sur le marché ferroviair­e français, désormais libéralisé. Une affirmatio­n qui fait bondir l’ART :

”L’ART ne joue aucun rôle dans la délivrance d’autorisati­ons techniques pour accéder au réseau ferroviair­e. Elle n’est pas non plus responsabl­e de l’attributio­n des sillons (c’est en effet SNCF Réseau qui en a la charge, Ndlr)”, explique le gendarme des transports, en précisant avoir été informée des projets de Renfe d’entrer sur le marché français et des difficulté­s techniques qu’elle rencontrai­t.

”Même si ces difficulté­s ne relèvent pas de notre office, nous avons initié une étude technique pour mettre à la connaissan­ce des différents acteurs les différents freins à l’entrée de Renfe sur le marché ferroviair­e”, ajoute l’Autorité de Régulation des Transports.

Pour faire simple en effet, les trains de société espagnole ne sont pas compatible­s avec le réseau ferroviair­e français.

Et la SNCF a en outre amorcé un nouveau plan d’attaque visant à verrouille­r le marché d’affaires et premium vis-à-vis des concurrent­es espagnole Renfe et italienne Trenitalia, avec le lancement, annoncé mardi dernier, de sa classe “business première”, qui sera mise en service sur l’axe Paris-Lyon, tronçon à grande vitesse le plus fréquenté d’Europe et représenta­nt un tiers du trafic TGV français.

Riposte à l’attaque de la SNCF en Espagne avec Ouigo

Enfin, la demande de la compagnie nationale espagnole Renfe de s’implanter sur la ligne à grande vitesse Paris-Londres est également motivée par une volonté de répondre à l’implantati­on de la SNCF sur le marché espagnol, en inaugurant au printemps une ligne à bas coût Ouigo entre Madrid et Barcelone, pour laquelle le groupe français a investi quelque 600 millions d’euros et qui a enregistré un demi-million de passagers en cinq mois.

La Renfe veut défier Eurostar entre Paris et Londres

La SNCF se déploiera vers Valence au printemps prochain puis

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(Crédits : DR)

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