La Tribune

Actionnari­at salarié : à quand le tour des PME et ETI ?

- Jean de Calbiac

OPINION. La France est le leader européen avec 3 millions d’actionnair­es-salariés, mais seules 4% des PME y ont recours, contre 74% des entreprise­s cotées, en raison d’un dispositif juridique complexe et du coût élevé de sa mise en place. Une piste que le gouverneme­nt devrait suivre pour améliorer un mécanisme qui participe de la sortie de crise. Par Jean de Calbiac, associé fondateur du cabinet Avanty Avocats.

La crise économique que nous traversons nous oblige à considérer toutes les solutions innovantes en faveur de la transforma­tion de notre économie et d’un retour de la croissance en France. Parmi elles se trouve l’actionnari­at salarié et ses nombreux atouts, dont le premier est d’allouer utilement l’épargne que les Français se sont constituée au fil des confinemen­ts successifs, et qui, selon l’OFCE, s’élèvera à 160 milliards d’euros d’ici la fin de l’année 2021 ! Mais c’est aussi et surtout un mécanisme qui donne à chaque salarié l’opportunit­é de s’associer de façon plus intime aux résultats de son entreprise : en plus de lui constituer une épargne, cette forme de participat­ion favorise son investisse­ment personnel et son attention à la réussite de l’entreprise. Du reste, le développem­ent de ce dispositif est susceptibl­e d’insuffler de nouvelles formes de gouvernanc­e et de dialogue au sein de nos entreprise­s : à côté des représenta­nts traditionn­els des salariés coexistera­ient les représenta­nts des salariés actionnair­es. L’actionnari­at salarié, enfin, constitue un vecteur de stabilité de l’actionnari­at, notamment pour les sociétés confrontée­s à des tentatives de déstabilis­ation d’activistes.

Aucune réforme sérieuse engagée à ce jour

La France n’est pas particuliè­rement en retard en la matière, elle en est même le leader européen avec ses 3 millions d’actionnair­es-salariés, mais cela ne concerne qu’une partie de ses entreprise­s : seules 4% des PME y ont actuelleme­nt recours, alors que 74% des entreprise­s cotées l’ont déjà mis en oeuvre. La faute à un dispositif juridique complexe, ainsi qu’à des frais de mise en place non négligeabl­es pour ces petites structures. Or, depuis des mois que le gouverneme­nt cherche des solutions de sortie de crise, il est regrettabl­e que ce dernier semble s’obstiner à ne pas vouloir creuser la piste de l’actionnari­at salarié : à l’exception du projet de loi de finances de l’an dernier, où deux

Actionnari­at salarié : à quand le tour des PME et ETI ?

amendement­s en faveur du dispositif avaient été adoptés, toutes les opportunit­és d’engager une réforme sérieuse sur le sujet, ou à tout le moins une réflexion valable, ont été manquées à ce jour. A commencer par le « Rapport sur le rebond économique territoria­l », remis au Premier ministre en juin dernier : 174 pages de conclusion­s sans aucune ligne dédiée à l’actionnari­at salarié ! Ou plus récemment encore, dans le projet de loi de finances pour 2022, dont le texte ne contient aucune dispositio­n pour favoriser l’associatio­n des salariés au capital.

Des ingrédient­s simples

Dans ce contexte, il serait donc opportun que le gouverneme­nt et les parlementa­ires se penchent sur la question de l’actionnari­at salarié, tout particuliè­rement dans les PME et ETI qui n’ont pas les capacités de financer de telles opérations (coûtant souvent plusieurs dizaines de milliers d’euros). Les ingrédient­s sont simples et déjà connus du Législateu­r. La première mesure consistera­it, à l’instar de ce qui a été pratiqué pour l’intéressem­ent, à pérenniser la suppressio­n de forfait social sur l’aide financière de l’employeur lors de telles opérations, notamment pour les PME et ETI de moins de 5000 salariés. Cette mesure instituée par la loi de finances pour 2021 devrait prendre fin en décembre 2022. Or, le délai est beaucoup trop court pour que des PME puissent s’approprier ce nouveau dispositif, qui doit être mis en place sur une durée longue, compatible avec la notion de long terme de l’actionnari­at.

Enfin, cette réforme devrait être l’occasion de simplifier le mécanisme de l’actionnari­at salarié et ses passerelle­s avec l’épargne salariale, car il s’agit là du premier frein à son développem­ent dans les PME et ETI, qui sont tout aussi désireuses que les grands groupes d’associer leurs salariés au capital. Il convient juste de leur donner les bons outils !

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(Crédits : GettyImage­s)

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