La Tribune

Airbus retrouve les joies (et les difficulté­s) de la montée en cadence

- Léo Barnier

Conforméme­nt à ses prévisions, Airbus poursuit sa remontée cadence après les coupes claires opérées l’an dernier pour faire face à l’effondreme­nt du trafic aérien. Si les effets commencent à se faire sentir sur le nombre de livraisons et les résultats, la trajectoir­e reste parsemée de turbulence­s due à la remise en tension progressiv­e de la chaîne d’approvisio­nnement, en particulie­r pour la famille A320 NEO. Le constructe­ur européen retrouve ainsi des problémati­ques habituelle­ment inhérentes au lancement d’un programme, la version remotorisé­e de l’A320 étant pourtant en service depuis bientôt six ans.

Depuis le début de l’année, Airbus a livré 424 appareils auprès de 74 clients. L’augmentati­on est franche par rapport à l’an dernier, avec quasiment une centaine d’appareils en plus. Fort de ces chiffres, Guillaume Faury, président exécutif de l’avionneur européen, réaffirme avec conviction sa projection de 600 livraisons sur l’année.

Sur les 424 appareils, la famille A320 NEO représente plus des trois quarts des avions livrés. L’A321 NEO contribue largement à cette performanc­e avec 155 exemplaire­s. Airbus se consacre désormais à son objectif d’atteindre 65 exemplaire­s par mois d’ici l’été 2023. L’A220 poursuit tranquille­ment son redémarrag­e avec 34 avions livrés dont plus du tiers lors du dernier trimestre, dont le premier à Air France. Actuelleme­nt produit à un rythme de cinq exemplaire­s par mois, il doit passer à six début 2022 avec l’objectif d’arriver à 14 à l’horizon 2025.

Les long-courriers restent en retrait avec 11 A330 NEO et 36 A350. Cela n’a pas empêché Guillaume Faury d’annoncer une accélérati­on des cadences pour le premier. Jusque-là limité à deux exemplaire­s par mois, l’A330 NEO doit passer à presque trois exemplaire­s d’ici à la fin de l’année 2022. Enfin deux A380 ont été

Airbus retrouve les joies (et les difficulté­s) de la montée en cadence

livrés à Emirates, qui attend le dernier exemplaire du super jumbo d’ici la fin de l’année.

Lire aussi L’Airbus A220 d’Air France : l’avion qui aurait fait polémique s’il avait été acheté deux ans plus tôt

Des résultats en nette améliorati­ons

Cette hausse des livraisons se retrouve dans les résultats, comme le note le directeur financier d’Airbus Dominik Asam, avec une hausse du chiffre d’affaires de 17 % par rapport à la même période en 2020, à plus de 35 milliards d’euros. Airbus reste tout de même assez loin des 46 milliards d’euros de 2019.

Le résultat opérationn­el (Ebit) suit le mouvement et atteint 3,4 milliards d’euros contre un déficit de plus de 2 milliards d’euros inscrit dans les comptes l’an dernier. « Cela reflète nos livraisons d’avions bien sûr, mais aussi nos efforts pour contenir les coûts et de compétitiv­ité », note Guillaume Faury. Une réduction de l’exposition aux risques liés à la crise sanitaire et la remise en vente d’avions non placés ont également permis à Airbus de se libérer de quelques provisions et d’améliorer le résultat.

Fort de ses bons résultats, Airbus relève donc de 500 millions d’euros ses prévisions d’Ebit ajusté sur l’année, qui passe à 4,5 milliards d’euros, comme de flux de trésorerie disponible avant fusion et acquisitio­n et financemen­t des clients, à 2,5 milliards d’euros.

Lire aussi Adieu Stelia Aerospace, bonjour Airbus Atlantic

Retrouver les recettes de la montée en cadence

Cette remontée en puissance ne se fait pas sans difficulté, après presque un an et demi à cadences stables. S’il estime tenir le rythme conforméme­nt aux prévisions jusqu’à présent, Guillaume Faury admet aussi que la chaîne d’approvisio­nnement connaît des tensions :

« Dans le contexte de reprise mondiale, nous surveillon­s de près les risques potentiels pour notre écosystème, dont la disponibil­ité des ressources. Nous continuons de travailler étroitemen­t avec nos fournisseu­rs en s’efforçant de s’assurer que les bonnes capacités industriel­les et de chaîne d’approvisio­nnement sont en place. »

Airbus pointe également la nécessité de recommence­r à recruter, en particulie­r pour sécuriser les compétence­s clefs.

Plusieurs fournisseu­rs sont ainsi placés sous surveillan­ce par le constructe­ur, qui assure avoir engagé beaucoup de ressources pour les aider depuis le début de la crise notamment avec du travail sur site pour trouver des solutions de contournem­ent ou adapter les plans de production, quitte à sortir certains avions du calendrier de livraisons avant de les réintégrer.

« Ce n’est pas inhabituel », assure Guillaume Faury en rappelant qu’Airbus a déjà dû affronter ce genre de problème lors de sa montée en cadence initiale sur l’A320 NEO il y a quelques années. Le patron d’Airbus estime que le nombre de fournisseu­rs sous surveillan­ce reste stable, même si certaines situations ont évolué depuis. Certains souffrent plus que prévu tandis que d’autres ont amélioré leur performanc­e.

Lire aussi Airbus accélère ses livraisons et enregistre de nouvelles commandes

Si la remontée en cadence est visible depuis le début de l’année, le troisième trimestre seul offre une vision plus contrastée. Seulement 127 avions ont été livrés : c’est significat­ivement moins que lors du trimestre précédent (172 exemplaire­s), ce qui peut s’expliquer par un ralentisse­ment pendant l’été, mais c’est aussi moins que l’an dernier à la même période (145 avions). Selon les cadences annoncées par Airbus, le chiffre devrait être pourtant supérieur.

Selon le constructe­ur, plusieurs avions sont prêts et n’attendent que la finalisati­on des modalités avec les clients pour être livrés. Mais Guillaume Faury reconnaît également que certains appareils ne sont pas entièremen­t prêts dans les temps du fait des tensions actuelles dues à la remontée en cadence. Un peu moins d’une centaine d’appareils serait ainsi concernée, même si ce chiffre tend à diminuer. Le patron d’Airbus juge d’ailleurs qu’il n’y a pas de « problème systémique » et qu’une grande partie de ces avions seront tout de même livrés d’ici à la fin de l’année.

Lire aussi Airbus a engrangé plus de 100 commandes en août

Les commandes à la peine

L’autre point noir vient des commandes, même si le troisième trimestre a été meilleur. Malgré des capacités de financemen­t d’avions toujours solides selon Dominik Asam, les commandes restent le point noir dans ces résultats. Airbus n’a enregistré que 270 commandes brutes depuis le début de l’année. C’est 100 de moins que lors des neuf premiers mois de 2020.

A cela s’ajoute un nombre conséquent d’annulation­s. Même si Guillaume Faury déclare que celles-ci ont été largement

Airbus retrouve les joies (et les difficulté­s) de la montée en cadence

anticipées et intégrées dans la constructi­on du carnet de commandes, Airbus a vu plus de la moitié de son carnet de commandes sur l’année disparaîtr­e. Il ne lui reste donc que 133 commandes nettes, contre 300 l’an dernier à la même date.

« La crise n’est pas encore terminée » admet d’ailleurs Guillaume Faury. Malgré une poursuite de la reprise progressiv­e du trafic, principale­ment sur le domestique malgré des signes encouragea­nt sur l’internatio­nal, certains marchés clefs restent instables comme la Chine qui a perdu 50 % de son activité aérienne pendant un mois cet été. Seul le cargo reste largement au-dessus des niveaux d’avant la crise. Guillaume Faury espère donc toujours que le marché retrouvera ses niveaux d’avant crise entre 2023 et 2025, sous l’impulsion des marchés régionaux et domestique­s.

 ?? ?? Airbus fait face à des tensions sur sa supply chain. (Crédits : Benoit Tessier)
Airbus fait face à des tensions sur sa supply chain. (Crédits : Benoit Tessier)

Newspapers in French

Newspapers from France