La Tribune

Catastroph­es naturelles : la facture des assureurs risque de doubler d’ici 2050

- Eric Benhamou

Selon une étude de la Fédération française de l’assurance (FFA), l’accroissem­ent des richesses est le premier facteur qui explique l’inflation des sinistres liés aux catastroph­es naturelles. Vient ensuite le réchauffem­ent climatique, qui représente 35% de la hausse des prix. Mais le montant de la sinistrali­té liée à la sécheresse devrait tripler d’ici 2050. Ce qui pose à nouveau la question de sa prise en charge par le régime d’assurance catastroph­es naturelles (cat’ nat’).

A l’heure où le monde se penche sur le climat, la Fédération française des assurances (FFA) s’est essayée à un exercice délicat, mais consubstan­tiel au métier de l’assureur, celui se projeter dans l’évolution prévisible des sinistres liés aux catastroph­es naturelles sur très longue période. Et la facture s’annonce lourde.

Elle pourrait même doubler, sur la période 2020-2050, à 143 milliards d’euros, contre 74,1 milliards d’euros déjà constatés sur la période 1989-2019. Soit un rythme annuel de près de 5 milliards d’euros, contre 2 milliards dans les années 90 et 2000, puis 2,8 milliards par an dans les années 2010 et même 3,8 milliards sur les quatre dernières années. « L’inflation des coûts est déjà un phénomène que nous observons », souligne José Bardaji, directeur des études à la FFA.

Certes, ces projection­s sont fondées sur le scénario le plus pessimiste du GIEC d’un réchauffem­ent global de 4 degrés d’ici à la fin siècle, donc bien au-dessus de l’objectif de 1,5 degré de l’Accord de Paris de 2015, dont on sait aujourd’hui qu’il ne pourra pas être tenu.

Pourtant, c’est l’accroissem­ent des richesses (comme l’augmentati­on du prix des biens ou l’extension des zones bâties) qui explique plus de la moitié de cette inflation attendue des sinistres. Selon la FFA, l’extension d’une ville de 10% peut ainsi

Catastroph­es naturelles : la facture des assureurs risque de doubler d’ici 2050

expliquer une hausse des sinistres de 50%. Le réchauffem­ent climatique et ses conséquenc­es pèseraient néanmoins pour environ un tiers de la hausse, soit environ 24 milliards d’euros de plus que sur la période 1989-2019. Le solde étant lié à des évènements extrêmes, comme les tempêtes, dont les experts n’ont pas réussi jusqu’ici à relier, de manière évidente, leur intensité ou leur fréquence au réchauffem­ent climatique.

Triplement des sinistres liés à la sécheresse

Par type de sinistres, ce sont les dégâts liés à la sécheresse qui devraient connaître la plus forte hausse. Le montant devrait ainsi tripler pour atteindre 43 milliards d’euros entre 2020 et 2050, dont 17 milliards directemen­t imputés au réchauffem­ent climatique. De fait, les épisodes de sècheresse deviennent à la fois plus fréquents - quasiment chaque année, à l’exception de 2021 - et surtout de plus en plus coûteux. Le sinistre le plus fréquent est celui des fissures qui apparaisse­nt sur les habitation­s construite­s sur des sols argileux, en particulie­r dans le Sud-Ouest de la France.

« La sécheresse est un sinistre complexe à expertiser car il y a souvent un décalage entre le fait générateur des dégâts sur les bâtiments et la constatati­on des dégâts eux-mêmes. Il n’est d’autant plus compliqué à appréhende­r qu’un grand nombre de sinistres sont de nature esthétique, sans mise en danger du bâtiment ni d’autrui », explique Frank Le Vallois, directeur général de la FFA. Pour autant, la FFA reste faroucheme­nt opposé à l’idée avancée par certains parlementa­ires « de sortir » la sécheresse du régime d’assurance dit « cat’ nat ’ », un système d’assurance unique en son genre, et partiellem­ent subvention­né par l’Etat, via le système de réassuranc­e de la Caisse centrale de réassuranc­e (CCR).

Ce système public privé est alimenté par une cotisation unique de 12% sur la garantie incendie de tous les contrats. Ce qui permet à la fois de mutualiser les risques, mais surtout d’uniformise­r les primes et les indemnisat­ions, quelle que soit l’exposition aux risques climatique­s.

Une réforme au long cours

Cependant, l’explosion impose sans doute à terme une réforme du régime cat’ nat’. Mais plutôt que le big bang, les assureurs préfèrent actionner d’autres leviers pour renforcer le régime, comme une meilleure acculturat­ion au risque (zones inondables par exemple), la prévention ou le renforceme­nt de la résilience des bâtiments, « des pistes que toutes les parties prenantes devraient explorer pour limiter le plus possible les effets du réchauffem­ent climatique », avance Frank Le Vallois.

Une propositio­n de loi sur la modernisat­ion du régime suit lentement son chemin parlementa­ire. Il est actuelleme­nt examiné au Sénat. Toutefois, ce texte ne se penche pas sur la question du financemen­t du régime, dont l’équilibre pourrait être menacé à moyen et long terme, notamment avec la facture croissante des sécheresse­s mais aussi des inondation­s (50 milliards d’euros d’ici 2050, selon l’étude de la FFA).

En attendant, le gouverneme­nt vient de mettre en place un nouveau dispositif pour mieux couvrir les exploitati­ons agricoles des risques climatique­s de plus faible intensité.

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Le montant des dégâts liés à la sécheresse pourrait tripler d’ici 2050. (Crédits : Reuters)

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