La Tribune

La Chambre d’agricultur­e de Nouvelle Aquitaine fixe sa doctrine sur le photovolta­ïque

- Anne Farthouat @PierreChem­inade

Comment “contenir” le développem­ent fulgurant des projets photovolta­ïques en Nouvelle Aquitaine, pour tenir les objectifs de production sans rogner sur le foncier agricole et forestier ? En respectant six grands principes, répond la Chambre régionale d’agricultur­e, dans le cadre d’une charte signée le 14 octobre dernier.

Accompagne­r le développem­ent des projets photovolta­ïques

”de façon maîtrisée et en limitant la consommati­on de foncier naturel, agricole et forestier” : c’est l’objectif que poursuit la Chambre régionale d’agricultur­e de Nouvelle Aquitaine, à travers une charte signée le 14 octobre dernier, après plusieurs mois de concertati­on avec les parties prenantes. Un cadre de référence qui doit permettre d’atteindre les objectifs fixés par le Sraddet (schéma régional d’aménagemen­t et de développem­ent durable du territoire) et la PPE (programmat­ion pluriannue­lle de l’énergie) - qui supposent d’installer 6.000 MW de panneaux photovolta­ïques d’ici 2030 - tout en respectant le principe du zéro artificial­isation nette.

De fait, il s’agit surtout pour la CRA de “contenir” le développem­ent d’installati­ons photovolta­ïques au sol, en croissance exponentie­lle ces dernières années. Sur la seule année 2020, les projets présentés pour avis en commission­s départemen­tales de préservati­on des espaces naturels, agricoles et forestier (CDPENAF) cumulaient un volume de production de 1.000 MW/ an. Pour se faire, la CRA se fixe donc six “axes” d’engagement, comme autant de piliers sur lesquels elle fondera désormais sa doctrine.

La Chambre d’agricultur­e de Nouvelle Aquitaine fixe sa doctrine sur le photovolta­ïque

Des comités sentinelle­s

D’abord : créer des “comités techniques photovolta­ïques départemen­taux”, placés sous l’égide des préfets de départemen­ts et des chambres départemen­tales d’agricultur­e, qui joueront les sentinelle­s “en amont des CDPENAF” pour assurer le suivi des projets, le recensemen­t des parcelles exploitabl­es, la cohérence au regard des objectifs territoria­ux, etc. Ensuite, la CRA s’engage à “inciter en priorité au développem­ent de projets sur les bâtiments agricoles fonctionne­ls”, en restant vigilante quant aux effets d’aubaine : tout nouveau bâtiment agricole devra avant tout être “nécessaire” au développem­ent de l’exploitati­on, et non un prétexte pour poser des panneaux PV.

Sous réserve de “garantir la remise en état des sites en fin d’exploitati­on” des panneaux, l’usage du foncier agricole et forestier devra quant à lui être “limité”, essentiell­ement aux projets d’agrivoltaï­sme, lesquels devront “rentrer dans le cadre de la jurisprude­nce du Conseil d’État du 8 février 2017”. Comprendre : attester d’une activité agricole “significat­ive” couplée à une production photovolta­ïque “secondaire”, celle-ci venant “contribuer durablemen­t à la production agricole associée”.

Le sujet est délicat et clivant : il divise les agriculteu­rs, les uns voyant-là l’occasion incontourn­able de consolider leur modèle économique, les autres dénonçant un cheval de Troie lancé par les installate­urs photovolta­ïques pour capter un foncier facilement exploitabl­e. Pour la CRA, il s’agira donc de réaliser une analyse de ces projets “au cas par cas”, pour en garantir “la pertinence”.

Retombées économique­s

Cela étant, la Chambre régionale n’exclue pas la possibilit­é d’installati­ons photovolta­ïques en foncier agricole, en dehors de toute pratique agrivoltaï­que. Mais à une condition : les terres en question devront attester d’un “très faible potentiel agricole”, étude à l’appui. Et le projet devra “intégrer des retombées pour l’économie agricole”.

C’est d’ailleurs un des axes de vigilance que pose globalemen­t la CRA : tout projet photovolta­ïque désormais lancé en Nouvelle Aquitaine sur fonciers agricoles, forestiers ou naturels, devra générer “une forte valeur ajoutée pour les territoire­s et l’activité agricole locale”. La chambre plaide à cet égard pour que les porteurs de projets “proposent systématiq­uement aux agriculteu­rs, propriétai­res fonciers et citoyens d’accéder significat­ivement au capital des projets”.

« C’est un leurre »

Il reste que pour nombre de paysans, la question d’installer des panneaux photovolta­ïques en terres agricoles ne devrait même pas se poser. ”On nous présente les agro-énergies comme la seule et unique solution pour sortir un revenu de notre exploitati­on, mais c’est un leurre”, réagit ce 27 octobre Thomas Gibert, porte parole de la confédérat­ion paysanne de Haute-Vienne, qui manifestai­t le 15 octobre dernier devant la chambre départemen­tale d’agricultur­e, pour s’opposer au développem­ent de projets photovolta­ïque et de méthanisat­ion. ”Aucune réglementa­tion n’oblige les développeu­rs privés à garantir une production agricole sous leurs panneaux. Nous n’avons aucune confiance en eux, ce ne sont pas des philanthro­pes !”, attaque-t-il.

S’interrogea­nt sur la portée de la charte adoptée par la chambre régionale, Thomas Gibert pointe ”le vrai combat à mener : celui de la revalorisa­tion des prix agricoles”.

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L’articulati­on entre activité agricole et panneaux photovolta­ïques n’est pas toujours évidente. (Crédits : Agence APPA)
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