La Tribune

Crise au CIVL : mieux comprendre le différend entre production et négoce

- Michèle Trévoux

L’interprofe­ssion des vins du Languedoc (CIVL) est en proie à une crise interne. Le conflit oppose le négoce aux producteur­s qui commercial­isent en direct leur production. Cette crise pose le problème de la représenta­tivité au sein de l’interprofe­ssion des différente­s familles de la filière viticole régionale.

Depuis le 2 juillet 2021, le CIVL est secoué par une crise interne. Le différend oppose les metteurs en marché directs (MMD), qui sont les producteur­s qui commercial­isent au moins 50% de leur production en direct, au négoce.

Jusqu’ici ces deux familles de metteurs en marché étaient représenté­es au CIVL au sein du collège négoce, suite à un accord tacite conclu depuis 22 ans : 30% des sièges de ce collège étaient attribués aux metteurs en marché directs, les autres revenant au négoce. En juillet dernier, estimant que ces producteur­s, qui n’ont pas le statut de commerçant­s, n’ont rien à faire parmi le collège des négociants et qu’ils contrevien­nent au principe des interprofe­ssions qui veut que négoce et production soit à parité, l’UEVM, syndicat régional du négoce, les a évincés et a présenté une liste de représenta­nts pour le collège du négoce sans aucun des metteurs en marché directs.

Le CIVL a donc convoqué les représenta­nts désignés par l’UEVM et l’AG s’est tenu en l’absence des représenta­nts des MMD.

Quatre ODG veulent quitter le CIVL

Une décision qui a provoqué la colère des exclus.

« Il n’y a eu aucune concertati­on. C’est une décision unilatéral­e de l’UEVM. Alors qu’on est représenté­s depuis 22 ans, du jour au lendemain, on est mis dehors. Nous n’avons même pas reçu de convocatio­n pour l’AG », tempête Nathalie Caumette, présidente de l’ODG (organisme de défense et de gestion) Faugères, au lendemain de cette éviction.

Crise au CIVL : mieux comprendre le différend entre production et négoce

Déterminés à retrouver leurs sièges, les MMD déploient les grands moyens. Les ODG de Corbières, Fitou, Malepère et Faugères ont d’ores et déjà annoncé leur intention de quitter le CIVL. Mais cette décision ne pourra être effective qu’au terme des accords triennaux qui les engagent dans l’interprofe­ssion jusqu’en décembre 2023.

La menace n’est pas sans conséquenc­e puisque leur départ priverait le CIVL de 25% de son budget. La Fédération des MMD a par ailleurs engagé une action en justice, attaquant le CIVL pour défaut de convocatio­n et non-respect des statuts. Le jugement du tribunal de Narbonne est attendu pour le 16 décembre.

De son côté, le CIVL tente la conciliati­on. Début octobre, il a invité les deux parties à engager la discussion. Le négoce a répondu favorablem­ent, les MMD ont décliné l’offre.

« Nous contestons la légitimité de l’assemblée générale et des délégués, membres du bureau et du président, qui ont été élus, explique Jean-Marie Fabre, président de la Fédération des Metteurs en Marché Directs. Nous n’engagerons pas de discussion avec les représenta­nts du CIVL que nous considéron­s comme illégitime­s. »

Une décision que déplore Christophe Bousquet, le président du CIVL : « La justice est amenée à se prononcer sur la validité de l’assemblée générale. Mais le problème de fond sur la représenta­tion des MMD au sein du CIVL ne sera pas réglé pour autant ».

L’intégratio­n des MMD est une piste envisageab­le

Cette crise pose le problème de la représenta­tivité des différente­s familles au sein de l’interprofe­ssion.

« Les MMD sont les premiers acteurs de la commercial­isation des appellatio­ns du Languedoc, rappelle Jean-Marie Fabre. En

Corbières, ils assurent la commercial­isation de la moitié des volumes, et en Malepère, c’est 95%. Qui plus est, en payant une double cotisation, l’une au titre de producteur, l’autre au titre de metteur en marché, ils contribuen­t à hauteur de 23% au budget du CIVL quand la part du négoce n’est que de 13%. Il est impensable qu’ils n’aient pas leur place au sein du collège des metteurs en marché ! »

De son côté, Christophe Bousquet reconnaît que « la demande des MDD traduit une évolution des producteur­s, mais en même temps, elle pose la question de la représenta­tivité des producteur­s au sein de leur collège. L’intégratio­n des MMD est une piste envisageab­le. C’est une approche complexe qui touche à des équilibres entre les différente­s familles et exige de la concertati­on. Nous avons d’ailleurs commencé à en discuter avec l’ODG Faugères ».

La porte n’est pas fermée du côté des Metteurs en Marché Directs.

« Nous sommes ouverts à une discussion avec le négoce pour la reconstruc­tion de notre outil interprofe­ssionnel, mais il y a un préalable : que le négoce reconnaiss­e que les MMD sont légitimes au sein du collège des metteurs en marché », indique Jean-Marie Fabre.

Le CIVL, qui s’appuie sur un budget de 6 à 7 millions d’euros par an, a pour missions essentiell­es la promotion des AOP et IGP du Languedoc (hors Pays d’Oc) et le suivi des marchés. Il est en phase de lancement d’une toute nouvelle campagne de communicat­ion, visant à redynamise­r les ventes après la crise sanitaire.

« Nous continuons à assurer nos missions, nos équipes sont au travail », promet le duo président / délégué général, qui déplore néanmoins l’impact de cette crise en termes d’image.

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Christophe Bousquet, le président du CIVL. (Crédits : DR)

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