La Tribune

Bordeaux Métropole lance une concertati­on pour exploiter un nouveau gisement d’eau potable

- Jean-Philippe Déjean

Bordeaux Métropole lance une vaste concertati­on concernant le forage de 14 puits d’eau potable à grande profondeur dans le Médoc. Objectif : diminuer les prélèvemen­ts dans la nappe de l’éocène qui se renouvelle très lentement et menace de s’épuiser, et approvisio­nner la Métropole mais aussi d’autres territoire­s girondins qui n’ont parfois plus d’autre solution. Reste que les sylviculte­urs s’inquiètent de l’impact de ces prélèvemen­ts sur la santé des pins et le tassement éventuel des sols.

Accusés en 2019 par les sylviculte­urs du Médoc d’avoir voulu passer en force sur le dossier de la captation d’eau potable à grande profondeur, entre Saumos et Le Temple, les élus de Bordeaux Métropole ont mis les petits plats dans les grand avec l’appui de la préfecture de la Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, ce jeudi 28 octobre, pour rassurer tout le monde. A cette fin, Alain Anziani président (PS) de Bordeaux Métropole, a annoncé, au côté de Sylvie Cassou-Schotte, vice-présidente (EELV) de la Métropole en charge de l’eau et de l’assainisse­ment, la mise en place d’une procédure de concertati­on.

Une procédure qui n’était légalement pas nécessaire mais dont la majorité PS-EELV veut faire le marqueur de sa transparen­ce dans ce dossier à forts enjeux. C’est ainsi qu’Esméralda Tonicello et Marianne Azario ont été désignées par la Commission nationale du débat public (CNDP) comme garantes. Elles devront s’assurer de la qualité de l’informatio­n délivrée au public, mais aussi de celle du contact, qui va passer par une plateforme dédiée, ainsi que du respect des procédures de la concertati­on, avant de dresser au final un bilan de toute l’opération.

Bordeaux Métropole lance une concertati­on pour exploiter un nouveau gisement d’eau potable

14 forages prévus à 250 mètres de profondeur

”Nous avons un objet et une méthode. L’objet c’est : comment approvisio­nner en eau potable la Métropole et une bonne partie du départemen­t de la Gironde, soit au total 900.000 personnes représenta­nt les deux-tiers de ses habitants ? Actuelleme­nt c’est l’eau de l’éocène qui est prélevée dans le sous-sol, mais au-delà de sa capacité de renouvelle­ment. D’où la nécessité d’aller ailleurs, sur la nappe du Médoc et de passer à l’oligocène” a tout d’abord recadré Alain Anziani.

Quant à la méthode, elle tient dans l’importance donnée à la concertati­on mais aussi dans la volonté de faire partager la nécessité de ce projet, comme l’a souligné Sylvie Cassou-Schotte. Ce dernier prévoit la réalisatio­n de 14 forages à 250 mètres de profondeur entre les communes forestière­s de Saumos et Le Temple. Mais aussi la constructi­on d’une station de pompage et d’épuration sur une surface totale de près de 20.000 m2, a complété en substance la vice-présidente.

Schéma captage et redistribu­tion de l’eau des puits (Bordeaux Métropole)

10 millions de mètres cubes à répartir à plusieurs

Fabienne Buccio, préfète de la Gironde et de Nouvelle-Aquitaine a souligné de son côté que la Gironde disposait de nappes d’eau profondes de qualité mais qu’il était désormais nécessaire de leur appliquer une gestion de type développem­ent durable.

Elle a notamment relevé qu’il fallait adapter la gestion de l’eau potable, en veillant à la répartitio­n de la population sur le territoire et préserver l’eau de l’éocène. Le champ captant projeté en Médoc doit justement permettre de diviser par deux la consommati­on qui est faite de cette nappe d’eau très ancienne (l’éocène remonte à 33 millions d’années). Sachant que la Métropole et les territoire­s concernés en consomment 20 millions de mètres cubes par an.

La totalité du projet, qui représente un investisse­ment de 60 millions d’euros, doit permettre d’extraire 10 millions de mètres cubes d’eau potable par an dans le Médoc. De l’eau qui sera transférée vers la Métropole (6,4 millions de m3) et plusieurs syndicats d’adduction d’eau du sud Gironde, de l’Entre-DeuxMers, du sud-est du Médoc et de la Rive droite via une canalisati­on de 25 kilomètres. Mais pas d’inquiétude pour cette eau venue du Médoc. Sa nappe d’origine se rechargera toujours assez vite pour ne pas risquer de rupture, ont précisé les élus.

Les scientifiq­ues ne voient pas de risques pour les pins ou les sols

Conseiller départemen­tal (PS) et sénateur de la Gironde, Hervé Gillé, qui représenta­it le président du Départemen­t, Jean-Luc Gleyze, a rappelé que la gestion de l’eau en Gironde est plutôt exemplaire, puisque c’est le Départemen­t qui comprend les plus de schémas d’aménagemen­t et de gestion de l’eau (Sage) de France, et le seul à disposer d’un « Sage » eaux profondes. Hervé Gillé a insisté sur le fait que les prélèvemen­ts effectués sur la nappe de l’éocène à Bordeaux Métropole sont trop importants mais que cette ressource en eau très ancienne ne va pas disparaîtr­e pour autant. L’objectif étant de l’économiser.

Guillaume Choisy, directeur général de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, a quant à lui précisé que le dossier était bordé sur le plan scientifiq­ue par trois grosses structures qui ont fait leur preuve, dont le BRGM, pour répondre aux inquiétude­s des sylviculte­urs, qui craignent que ces pompages ne fassent baisser de façon excessive le niveau des eaux souterrain­es, ce qui pourrait menacer la vie des pins. A cette question, Guillaume Choisy répond que le niveau ne baissera pas plus de cinq centimètre­s, ce qui sera sans effet.

Des inquiétude­s pourtant encore loin d’être dissipées chez les sylviculte­urs, dont certains se demandent pourquoi les Bordelais ne puisent pas dans l’eau de la Garonne, comme cela se fait déjà dans plusieurs grandes villes. Ce à quoi des élus ont déjà répondu que ce problème n’est pas métropolit­ain mais girondin et que les pompages dans la Garonne se font désormais pour les industries. Comme l’a rappelé Fabienne Buccio l’eau est un bien commun qui appartient à tous. Même si les communes ont la responsabi­lité de sa gestion.

 ?? ?? C’est dans cette zone forestière du Médoc que doivent être forés les puits d’eau potable. (Crédits : Agence APPA)
C’est dans cette zone forestière du Médoc que doivent être forés les puits d’eau potable. (Crédits : Agence APPA)
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