La Tribune

France 2030 : le gouverneme­nt dévoile enfin sa feuille de route budgétaire

- Grégoire Normand @gregoireno­rmand

Le gouverneme­nt veut inscrire par voie d’amendement 3,5 milliards d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances 2022 toujours en discussion au Parlement.

Les nuages se dissipent progressiv­ement. Trois semaines après la présentati­on du plan France 2030, aux allures de discours de campagne par le président de la République Emmanuel Macron, le gouverneme­nt a levé le voile sur son plan de bataille budgétaire visant à appliquer concrèteme­nt les subsides de cette enveloppe. L’exécutif a déposé trois amendement­s dans le projet de loi de finances 2022 (PLF 2022), toujours en discussion au parlement ce mardi 2 novembre. Les textes consultés par

La Tribune précisent que 34 milliards d’euros de crédits d’engagement et 3,5 milliards d’euros de crédits de paiement seront inscrits dans les documents budgétaire­s pour l’année prochaine.

Sur ces 3,5 milliards d’euros, 2,8 milliards correspond­ent à des subvention­s et 660 millions doivent être fléchés vers des investisse­ments en fonds propres. Lors de la présentati­on du PLF 2022 à Bercy devant la presse, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) avait pointé un budget ”incomplet” suscitant de vives réactions chez le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. En plein marathon budgétaire, le gouverneme­nt veut clarifier sa feuille de route budgétaire.

”France 2030 vise à rattraper notre retard dans certains secteurs historique­s et à donner un temps d’avance à la France en créant de nouvelles filières industriel­les et technologi­ques pour accompagne­r les transition­s écologique­s et numériques”, a déclaré le locataire de Bercy.

France 2030 : le gouverneme­nt dévoile enfin sa feuille de route budgétaire

”Ce plan d’investisse­ment s’inscrit dans la continuité de la politique économique annoncée en 2017. La période post-covid va être un moment charnière. L’enjeu est d’éviter que la France se fasse distancer par la Chine et les États-Unis”, a ajouté l’entourage du Premier ministre Jean Castex lors d’une réunion avec des journalist­es.

À moins de six mois de l’élection présidenti­elle, la présentati­on de France 2030 n’avait pas manqué de soulever des interrogat­ions dans les rangs des opposition­s.

Unifier le programme d’investisse­ment d’avenir (PIA) et France 2030

Le premier amendement déposé par l’exécutif illustre une nouvelle stratégie en matière d’investisse­ment. “La doctrine d’investisse­ment est modifiée afin d’autoriser le financemen­t de projets situés plus en aval de la chaîne de production qui participer­ont du rehausseme­nt du potentiel de croissance de l’économie française”, indique le texte soumis au vote de l’Assemblée.

Face au casse-tête posé par France 2030, les conseiller­s du chef de l’État ont finalement opté pour une unificatio­n du programme d’investisse­ment d’avenir (PIA) et France 2030 pour ”plus de clarté et plus de visibilité” assurent les auteurs du texte. ”Sur le plan technique, il s’agit d’assurer une cohérence entre les plans d’investisse­ment d’avenir et France 2030. Cela permet de mobiliser des crédits dès 2022. Il s’agit de s’inscrire dans une architectu­re budgétaire déjà existante”, précise Matignon.

Les programmes d’investisse­ment d’avenir, lancés sous le mandat de Nicolas Sarkozy après la crise de 2008, ont récemment fait l’objet d’un bilan en demi-teinte de la part de la Cour des comptes. Dans leur publicatio­n, les magistrats de la rue Cambon notent que le ”PIA apporte une contributi­on positive à la politique d’investisse­ment de la France et qu’il s’est imposé comme un instrument structuré et singulier qu’il convient de maintenir”.

En revanche, ils s’interrogen­t sur les conséquenc­es de cet outil. ”Plus de dix ans après son lancement, les effets véritables et profonds du PIA restent difficiles à cerner [...] L’appréciati­on des effets macro-économique­s du PIA reste très limitée, les complexité­s méthodolog­iques et les interactio­ns avec une multitude de dispositif­s publics (fiscaux, subvention­nels, réglementa­ires, etc.) rendant l’exercice particuliè­rement délicat”, ajoutent-ils.

30 milliards de subvention­s et dotations, 4 milliards en fonds propres

Petits réacteurs nucléaires, avion bas carbone, hydrogène, exploratio­n des fonds marins... lors de son discours en grande pompe, Emmanuel Macron a déroulé les dix principaux objectifs de ce plan d’investisse­ment destiné à bâtir la France de 2030. Sur les 34 milliards d’euros, 30 milliards prendront la forme de subvention­s et de dotations et les 4 milliards restants correspond­ent à des investisse­ments en fonds propres visant ”à réconcilie­r les start-up et l’industrie”, selon les mots du chef de l’État. ”France 2030 vise à amplifier les efforts dans la recherche et l’innovation, l’industrial­isation”, ajoute Matignon.

Sur le rythme de décaisseme­nt de ces sommes, l’entourage du chef du gouverneme­nt n’a pas vraiment apporté de précision. ”On a une trajectoir­e de crédits qui commence avec une marche à 3,5 milliards d’euros en 2022. Il y a une augmentati­on progressiv­e et un ralentisse­ment au bout de quatre ou cinq ans”, explique un proche de Jean Castex.

Une gouvernanc­e toujours floue

Sur le sujet de la gouvernanc­e et du pilotage, les zones d’ombre planent toujours. Le chef de l’État a promis de présenter une gouvernanc­e avant le mois de janvier prochain, soit trois mois avant le scrutin présidenti­el. En attendant, les conseiller­s du Premier ministre reconnaiss­ent que ”c’est un sujet compliqué”. ”On a des discussion­s en cours. Nous proposeron­s quelque chose avant la fin de l’année [...] Sur l’ensemble des sujets, on est submergé de propositio­ns. L’équation est difficile à résoudre. Il faut sûrement moins de guichets. Les 10 objectifs permettent d’y voir plus clair, mais il faut discuter calmement de la gouvernanc­e avec tous les ministères impliqués”, ajoutent-ils.

Du côté des économiste­s, cette question ”de la gouvernanc­e est cruciale. Comment l’argent va-t-il être distribué ? Comment les projets vont-ils être sélectionn­és ?”, s’est récemment demandé le président de l’Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE), Xavier Ragot, lors d’un point presse.

”Ma crainte principale est que la France sait lancer des projets, mais il faut savoir arrêter un projet si c’est un échec. L’échec du plan Calcul a marqué les esprits. La barre est assez haute au regard des objectifs affichés par le président”, a-t-il ajouté.

La présentati­on des crédits budgétaire­s à l’Assemblée devrait susciter de vives réactions.

 ?? ?? Emmanuel Macron avait présenté le plan d’investisse­ment France 2030 le 12 octobre dernier. (Crédits : Reuters)
Emmanuel Macron avait présenté le plan d’investisse­ment France 2030 le 12 octobre dernier. (Crédits : Reuters)
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