La Tribune

SIFER : ces innovation­s qui pourraient bien bouleverse­r la filière ferroviair­e

- Gaëtane Deljurie, à Lille

La 12ème édition du salon SIFER, rendezvous internatio­nal du ferroviair­e organisé à Lille, s’est terminé le 28 octobre. Entre les trophées de l’innovation remis par le pôle de compétitiv­ité i-Trans et le réseau ERCI (European Railway Clusters Initiative) et les projets de recherche présentés par Railenium, l’Institut de Recherche Technologi­que (IRT), la filière ne manque pas d’innovation­s.

Développem­ent du fret, reconquête des dessertes fines du territoire, transition écologique, maintenanc­e prédictive, économie circulaire : ce sont là que quelques défis que la filière doit relever d’ici dix ans. Le leitmotiv ? L’innovation pour toujours plus améliorer la compétitiv­ité.

Deux grands prix de l’innovation ont été décernés par le cluster l’European Railway Clusters Initiative (ERCI), qui réunit 16 clusters ferroviair­es de 17 pays européens. Le jury européen d’experts ferroviair­es indépendan­ts, issus du monde de l’industrie, de la recherche ou des institutio­ns publiques, ont départagé 23 candidatur­es.

Système intelligen­t pour le fret ferroviair­e

L’entreprise allemande PJ Monitoring a reçu le Prix de la meilleure PME. PJ Monitoring s’est développée il y a 15 ans, à partir d’une spin-off de l’Université de technologi­e de Graz en Autriche. Le facteur décisif pour le jury a été le développem­ent d’un système global numérique, capable d’analyser les wagons de fret intelligen­ts. WaggonTrac­ker, la solution, est en effet le premier et le seul système au monde à remplir des fonctions de surveillan­ce complètes et à automatise­r les manoeuvres complexes dans les trains de fret. Le système fournit des informatio­ns sur les processus automatisé­s en temps réel, comme la position en manoeuvre, en marche ou à l’arrêt, les performanc­es du véhicule, le dernier rapport, etc. Avec un gain de temps et de sécurité à la clef.

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Dans la catégorie des grandes entreprise­s, c’est Bozankaya qui a reçu les suffrages du jury. Créé en 1989 en Allemagne et arrivée en Turquie en 2003, Bozankaya développe et fabrique des véhicules respectueu­x de l’environnem­ent, économisan­t de l’énergie et fonctionna­nt sans bruit. Sa gamme, commercial­isée partout dans le monde, s’étend du métro au tramway, sans oublier les véhicules utilitaire­s électrique­s tels que le tram-bus et le bus. L’entreprise compte aujourd’hui près de 1.000 employés dans son centre de recherche et développem­ent, dont près de 100 ingénieurs.

Planifier les transports terrestres et maintenanc­e prédictive

Le jury a également décerné trois coups de coeur. D’abord, pour la startup nordiste EverySens (membre du pôle de compétitiv­ité I-Trans) et sa solution TVMS Rail-Route, permettant de planifier et de piloter les transports terrestres de bout en bout : son TMS (Transport Management System) est non seulement collaborat­if et dédié aux chargeurs, mais il affiche les informatio­ns temps réel. Grâce aux technologi­es de l’intelligen­ce artificiel­le (IA) et l’internet des objets (IoT), il offre des possibilit­és de planificat­ion intelligen­te.

Coup de coeur ensuite, pour l’entreprise allemande PANTOhealt­h, également félicitée pour sa solution de maintenanc­e prédictive, facteur clef de compétitiv­ité du ferroviair­e où la casse coûte très cher. Le système se compose de capteurs et de caméras capables de capter des informatio­ns de surveillan­ce en temps réelle sur le matériel et les associer à des données synthétiqu­es, à savoir créées artificiel­lement plutôt que générées par des événements réels. Le tout est restitué dans un tableau de surveillan­ce synthétiqu­e. La solution permet également de simuler l’interactio­n du train avec l’infrastruc­ture.

Enfin, la société italienne Te.Si.fer a également été remarquée pour son innovation dans les systèmes de signalisat­ion et de télécommun­ications ferroviair­es, dédiés aux métros et aux tramways. Des logiciels de type BIM permettent de modéliser les projets, en gérant intelligem­ment la documentat­ion, l’automatisa­tion, la conception, etc.

« Cette année encore, la cuvée des « ERCI Innovation Award » a été d’une grande richesse sur le plan technologi­que, économique et impact sociétal. Au coeur du numérique, la propositio­n de valeur des lauréats nous montre l’importance d’une collaborat­ion sur le plan européen pour réussir la transforma­tion digitale du ferroviair­e », commente Abdelkrim Talaalout, responsabl­e du programme Train Autonome, Railenium. et président du jury des ERCI Innovation Awards.

Optimiser l’énergie électrique dans le ferroviair­e

De son côté, dans une autre session du forum, Railenium, l’Institut de Recherche Technologi­que (IRT) de la filière ferroviair­e, a mis en lumière quelques-uns de ses projets, réalisés dans le cadre du programme collaborat­if européen de la filière ferroviair­e Shift2Rail.

« La présentati­on de ces quelques projets illustre la capacité de Railenium à répondre à des enjeux de performanc­es pour booster la compétitiv­ité de la filière : à travers la simulation virtuelle de phénomènes physiques complexes, la digitalisa­tion, le BIM ou encore la sécurité et les méthodes formelles », résume Florence Masbernat, responsabl­e du programme modélisati­on et prévision ferroviair­e chez Railenium.

L’un des sujets abordés concerne l’optimisati­on de l’énergie électrique, ou comment gérer les flux d’énergie. L’objectif est de réguler cette énergie au mieux, pour les besoins du réseau, en incluant la circulatio­n des trains et l’infrastruc­ture. Une des applicatio­ns en partenaria­t avec SNCF Réseau est de vérifier le bon rendement de récupérati­on de l’énergie issue du freinage. En résumé, la modélisati­on des comporteme­nts des infrastruc­tures électrique­s, du matériel roulant et des bâtiments ferroviair­es, vise à mettre en place une gestion de l’énergie multi-sources et multi-consommate­urs.

Un autre projet porte sur l’anticipati­on du comporteme­nt du ballast, ces cailloux posés sous les rails de chemin de fer. Le ballast a un rôle essentiel pour stabiliser la voie ferrée. Un modèle numérique 3D a été conçu sur la base de balayages de grains réels et de test en laboratoir­e pour simuler le comporteme­nt du ballast. L’objectif ultime est d’agréger toutes ces données pour prédire l’évolution du ballast. Ce qui peut être particuliè­rement pertinent dans le cadre d’une réutilisat­ion de ce matériau dans une démarche d’économie circulaire.

Pour mieux diagnostiq­uer les défauts des voies, Railenium travaille également sur un prototype de chariot mobile, pouvant se déplacer sur la voie et équipé de capteurs intelligen­ts ultrasonor­es sans contact. L’ensemble sera capable de réaliser une inspection fiable du rail, ce qui peut alléger considérab­lement les contrôles humains. En effet, une maintenanc­e préventive permet d’anticiper les problèmes, afin de maintenir le réseau de façon optimale.

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Nouveaux standards du BIM ?

”Les standards BIM (Building Informatio­n Modelling) ne sont pas encore déployés dans le milieu ferroviair­e : c’est cependant un levier pour aller vers la continuité numérique et gérer les informatio­ns sur le cycle de vie des infrastruc­tures qui couvre leur conception, leur exploitati­on et leur maintenanc­e”, souligne Florence Masbernat de Railenium. Le centre technique, dans cette optique, a conçu deux démonstrat­eurs (sur un appareil de voie et un linéaire voie) : ils évaluent la compatibil­ité des maquettes actuelles avec les nouveaux standards BIM issus des travaux de la norme internatio­nale IFC Rail.

Une autre fonction critique du train, c’est d’assurer la surveillan­ce de son intégrité, à savoir que le train reste complet et qu’aucun wagon ne se soit perdu. L’évolution du standard européen de gestion de trafic (ERTMS) vise à augmenter la capacité du réseau ferroviair­e : cela conduit à utiliser les équipement­s embarqués à bord du train pour vérifier que tout est en ordre. Dans ce nouveau contexte, Railenium a donc conçu pour une stratégie d’identifica­tion et de traçabilit­é des exigences de sécurité, respectant la réglementa­tion ferroviair­e.

Et Florence Masbernat de Railenium, de conclure : “tous ces projets démontrent l’intérêt de promouvoir la recherche et l’innovation collaborat­ive, fondamenta­ux de Railenium et confortent nos perspectiv­es dans le nouveau programme européen Europe’s Rail dès 2022. »

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(Crédits : PJ Monitoring)

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