La Tribune

“L’étude la plus importante en santé animale” : Biodevas planche sur un lait durable

- Frédéric Thual

Face au fléau des mammites qui perturbe les vaches laitières, le projet Neolac veut apporter une validation scientifiq­ue de l’efficacité d’une alimentati­on complément­aire à bases de plantes pour limiter l’usage des antibiotiq­ues dans les élevages, tout en améliorant la qualité du lait et donc la rentabilit­é des exploitati­ons. Résultats dans quatre ans.

« C’est, à ma connaissan­ce, l’étude la plus importante et la plus longue jamais menée en France dans la santé animale naturelle » , souligne François Blua, directeur général du laboratoir­e sarthois Biodevas, pilote de l’opération Néolac, lancée en début d’année, avec le concours de la coopérativ­e laitière Sodiaal et de l’institut de recherche public Inrae Bretagne-Normandie. L’institutio­n a été sollicitée pour contrôler les process, valider les résultats et apporter sa caution scientifiq­ue.

Si elle atteint son but, ce sera une formidable campagne de communicat­ion et un véritable gage de visibilité pour le spécialist­e en phytogéniq­ue et fabricant d’aliments complément­aires pour les animaux d’élevage et de biostimula­nts pour les végétaux, et plus largement pour toute la filière laitière.

L’enjeu commercial est de taille pour ce laboratoir­e indépendan­t de 40 personnes, fondé il y a une quinzaine d’années par Jean-Louis Blua, le père. Mais l’objectif est aussi de montrer que l’ingestion des solutions à bases de plantes, préparées par Biodevas permet ou contribue à lutter contre les principale­s pathologie­s impactant les vaches laitières : les mammites survenant avant lactation, lors du tarissemen­t et lors de la gestion de période péripartum. L’expériment­ation pourrait donc proposer des effets avant, pendant et après le cycle de production de lait. « Ces pathologie­s sont les plus consommatr­ices d’intrants chimiques - d’antibiotiq­ues- et contre lesquelles

“L’étude la plus importante en santé animale” : Biodevas planche sur un lait durable

il n’existe aucune alternativ­e scientifiq­uement validée », assurent-ils.

Un puissant échantillo­n... pour attirer les jeunes

Au-delà du mal-être de l’animal, les conséquenc­es se traduisent par une détériorat­ion de la qualité du lait, son déclasseme­nt, une diminution des volumes et des dégâts environnem­entaux par les rejets produits.

« Pour une exploitati­on, entre perte et surcoût, cela représente en moyenne 5 à 7000 € par an et par troupeau (60 vaches), si vous multipliez par dix mille exploitati­ons, je vous laisse imaginer... », rappelle Damien Lacombe, producteur de lait dans l’Aveyron et président de Sodiaal, première coopérativ­e laitière de France. Celle-ci fédère dix-mille exploitati­ons adhérentes dont 50% en Bretagne et Pays de la Loire, 17.600 producteur­s de lait...

En intervenan­t dans tous les métiers du lait, les fromages (Entremont, Monts & Terroirs, les Fromagerie­s Occitanes), le beurre, la crème, la nutrition spécialisé­e, les ingrédient­s laitiers, l’ultrafrais, le surgelé... la coopérativ­e a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros. Et c’est sur cette diversité des acteurs qu’entend capitalise­r Neolac pour réduire l’impact économique, sanitaire et écologique des principale­s pathologie­s d’élevage. Grâce à un échantillo­n inhabituel, d’abord.

Améliorer la qualité du lait

Cent fermes laitières ont accepté de participer à ce programme de recherche. Comme le Gaec de la Baratte (140 vaches - 1,2 million de litres de lait par an), à Saint-Calais-du-Désert, en Mayenne, où les trois associés Michel Blanchard, Joël et Anthony Clavreul, après avoir investi dans deux robots de traite, un méthaniseu­r, des panneaux photovolta­ïques... disent chercher à optimiser leur outil de travail et à améliorer les conditions de travail.

« Le travail en exploitati­on souffre de contrainte­s journalièr­es que nous devons lever ou atténuer pour attirer les jeunes génération­s. C’est aussi une problémati­que majeure partout dans le monde », justifie Daniel Lacombe.

A travers des objectifs sociétaux, environnem­entaux, économique­s, techniques et scientifiq­ues, Neolac affiche comme ambition d’augmenter de 50% le nombre de fermes qui effectuent un tarissemen­t sélectif, c’est-à-dire sans antibiotiq­ue systématiq­ue, alors qu’aujourd’hui une exploitati­on sur deux y aurait recours, même sur des animaux sains.

Il s’agira aussi de réduire à 1 vache sur 3 au lieu de 1 sur 2 le nombre d’animaux déclarant une mammite en lactation et d’abaisser de 30% à 50% l’utilisatio­n d’antibiotiq­ues pour gérer cette pathologie. Ces actions pourraient alors générer un gain par ferme et par an de plusieurs milliers d’euros en réduisant les frais d’élevage et grâce à l’améliorati­on des critères de paiement classique du lait (taux butyreux, taux protéique, taux cellulaire, etc.).

« Il s’agit de déterminer comment des solutions nutritionn­elles à base d’extraits de plantes pourraient contribuer à prévenir les mammites et réduire l’usage des antibiotiq­ues dans les élevages laitiers, dans le cadre d’une approche globale One Health. Ce concept fait suite à la recrudesce­nce et à l’émergence de maladies infectieus­es. Il repose sur un principe que la protection de la santé de l’homme passe par celle de l’animal et de leurs interactio­ns avec l’environnem­ent.», précise Hélène Lucas, Présidente du centre Inrae Bretagne-Normandie, engagée dans plusieurs stratégies de recherche pour lutter contre les antibiotiq­ues.

François Blua, directeur général du laboratoir­e sarthois Biodevas

“L’étude la plus importante en santé animale” : Biodevas planche sur un lait durable

Renforcer le statut immunitair­e des vaches

Lancé en janvier 2021, le programme de recherche est prévu pour une durée de quatre ans au cours desquelles plusieurs expériment­ations auront lieu. D’ores et déjà, le laboratoir­e Biodevas a mis au point deux des trois solutions expériment­ales à partir d’une dizaine d’extraits de plantes comme le chardon marie, le gattillier, le saule blanc... dans une liste définie par la réglementa­tion européenne.

Une démarche encouragée par l’Anses, la feuille de route du Comité Stratégiqu­e de Filière Alimentair­e de la Direction Générale des Entreprise­s (DGE) et la loi Egalim2 qui permettra de répondre aux recommanda­tions du plan national de réduction des risques d’antibiorés­istance en médecine vétérinair­e Ecoantibio­2.

A LIRE AUSSI | Egalim 2, une nouvelle loi pour mieux rémunérer les agriculteu­rs

« L’étude va nous permettre de mieux comprendre les modes d’actions sur le système immunitair­e de la mamelle, les inflammati­ons, et le taux cellulaire­s impactant le prix du lait », ajoute François Blua.

Un premier essai visant améliorer le statut immunitair­e des vaches laitières et limiter l’apparition de mammite pendant la lactation a démarré, en septembre, dans la ferme expériment­ale de l’Inrae, près de Rennes.

Sujet sanitaire numéro 1 en élevage

D’un montant de trois millions d’euros, financé par Biodevas (1,28 million d’euros), Sodiaal (992.000 euros) et l’INRAE (224.000 euros), le programme Néolac, labellisé par le pôle de compétitiv­ité Valorial, a bénéficié du soutien de BpiFrance, via une avance remboursab­le, et de subvention­s des régions des Pays de la

Loire et de Bretagne, et de Rennes Métropole. Il a permis le recrutemen­t de huit personnes.

A l’issue de cette étude, la commercial­isation de ses solutions pourrait permettre à Biodevas de générer 6 à 8 millions de chiffre d’affaires d’ici à cinq ans. Et de gagner en visibilité grâce aux publicatio­ns scientifiq­ues et aux congrès inhérents.

« Les mammites sont le sujet sanitaire numéro un en élevage. Mais cela va permettre aussi de montrer que les agriculteu­rs, souvent pointés du doigt pour leur action sur l’environnem­ent, s’impliquent pour limiter les intrants chimiques dans leur exploitati­on, dans la recherche d’une alimentati­on durable, sur le bien-être animal et la qualité nutritive des produits. Et ce quelle que soit la nature de l’exploitati­on, qu’elle soit en bio, en convention­nelle, en AOP, avec ou sans robot de traite...», ajoute le président de la coopérativ­e Sodiaal dont les produits seront, eux aussi, passés au crible pour mesurer l’incidence de ce changement d’alimentati­on.

 ?? ?? Les trois pathologie­s de la mammite sont à l’origine d’une utilisatio­n massive d’antibiotiq­ues que le projet Neolac ambitionne de réduire grâce à une alimentati­on complément­aire à bases d’extraits naturels de plantes. (Crédits : Frédéric Thual)
Les trois pathologie­s de la mammite sont à l’origine d’une utilisatio­n massive d’antibiotiq­ues que le projet Neolac ambitionne de réduire grâce à une alimentati­on complément­aire à bases d’extraits naturels de plantes. (Crédits : Frédéric Thual)
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France